Né le 30 juillet 1983, Calvin Ekena Onana se passionne des belles lettres depuis l’enfance; admirateur d’Emile Zola et de Gaston Paul Effa, il cultive un art austère auquel il mêle rigueurs thématique et stylistique. Le répertoire de cet autodidacte est riche de plusieurs nouvelles et d’un roman inédit (Il a fallu du Sang) dont il livre ici le premier chapitre.
Le quartier des bois se dresse sur le versant sud de la zone administrative. On y accède par une langue de terre bordée d’échoppes décrépites que viennent lécher des herbes rudérales. Des maisons médiocres se hissant, hideuses, telles surgies du fond d’un cauchemar, il n’en est pas une qui n’accroche l’attention par une laideur singulière. Le quartier des bois est une infirmité, une gale écologique… De prime abord, les couleurs aigres des vieilles bâtisses irritent la vue ; il en est une, d’ailleurs, dont l’allure fantasmagorique évoque à souhait l’antichambre de l’enfer. Cet immeuble qui servit jadis au négoce grec du temps des indépendances se dresse, hagard, sur quinze mètres et s’en étend sur dix. Les plus âgés en parlent avec des airs mélancolo-bucoliques, de la même manière qu’un vieil abbé évoquerait les temps bénis où les chrétiens s’alignaient sur les nefs, les bras chargés de coqs et d’ananas. Ce fut un grand centre commercial, tout peint de blanc, avec de joyeuses chinoiseries qui pendaient aux fenêtres. Un fol air de rumba, que distillait alors une radio crachotante, finissait de convaincre la clientèle que quiconque ne possédait les gadgets mis en vente passerait loin du paradis de la mode ; c’est ainsi que naquit un entendement populaire, appuyé par les Grecs, selon lequel le pape lui-même se vêtissait à la même mode. En réalité, ces huissiers de la flagornerie abusaient de la dévotion des clients, à cette époque qui fut celle de la ruée aux friperies. L’on vit des hommes obèses se cloîtrer dans des vêtements étroits, bedaines au vent, tandis que d’autres, plus efflanqués, allaient se terrer dans des pantalons énormes. Un halo de gloire nimba le centre commercial des années durant, jusqu’au jour où un cruel incendie vint occire le rêve de ses tenanciers. C’était par une nuit de janvier, les grecs avaient fait de bonnes affaires durant la Noël ; l’incendie était parti d’un transformateur endommagé et s’était répandu sur le jadis bel immeuble. Deux commerçants en avaient péri, et ceux qui survécurent aux flammes s’en furent, en quête de cieux plus cléments. Ce qui restait de l’immeuble subit alors un destin moins gai, lorsque des brigands en firent leur antre. Ce lieu qui, jadis, fut le principal joyau au cur du quartier des bois devint assez rapidement un enfer où le viol, le vol et le meurtre se consommaient mieux que n’importe quel autre vice. Et comme il est de tradition, ce ne fut qu’au bout de trente agressions, assaisonnées de dix viols et de six têtes tranchées qu’intervint la police. Depuis lors, le quartier redevint quiet, l’on mit à nouveau le nez dehors la nuit, la terreur fut oubliée. Mais de l’immeuble, il ne restait que de grands murs noircis autant par le feu que par le sang ; à bien observer cette bâtisse devenue étrange, on aurait cru percevoir, au-delà des lambeaux de peinture qui s’effritaient, les pleurs de tant de femmes violées et d’hommes égorgés.
Mais si le vieux bâtiment constituait, à n’en point douter, le principal attrait pour l’il du visiteur, il n’était pas pour autant l’unique, dans ce quartier où la misère se lisait sur les fronts défraîchis. Il n’était pas rare, en effet, qu’un étranger demeura coi devant la mer ocre des toits qui se déployaient infiniment, les uns entrelacés aux autres. Une grande église au clocher pointu, devant laquelle se dressait un Christ plus meurtri que de coutume, ajoutait davantage de notes au concert de délabrement général, de par sa triste stature. A l’ouest du quartier reposait un petit lac aux eaux grasses ; C’est là que les mères venaient vider les langes des nourrissons. C’est là que les bambins, ivres de jeux, venaient se soulager de leurs diarrhées. C’est là que les vierges venaient se décrasser, le soir, furetées par des voyous tapis dans l’ombre. C’est là que les pêcheurs trouvaient le silure qu’ils vendaient à prix d’or. C’est là enfin que fut découverte, par une matinée froide, la dépouille éventrée d’un chien noir, gisant près d’un petit cercueil, et dont le sang avait servi à écrire : « Owona, tu es mort ! »
Owona était membre du conseil d’ordre du quartier des bois. C’était un homme rond, trapu, qui aimait à se vêtir d’une grosse culotte qui dévoilait les longs poils de ses cuisses. Une mince balafre lui barrait le haut du front, au-dessous duquel dansaient deux yeux d’aigles cerclés de cernes bistre. Ce quinquagénaire à la beauté médiocre souffrait de l’antipathie de ses voisins qui voyaient en lui un esprit si fourbe que nul ne doutait qu’il aurait pu se duper lui-même. Mais si les haines des gens du quartier étaient quelque peu brodées, elles n’étaient pas gratuites, à cause notamment de la perfidie dont il fit preuve quelques années plus tôt, lorsqu’une congrégation lui confia pour tâche la distribution de subsistances aux indigents du quartier, donc à tout le quartier ; Mais de vivres, il n’en distribua point, se contentant de faire croire que des cambrioleurs s’en étaient emparés, ce qui ne l’empêcha pas de gagner un embonpoint qui parut aux yeux de tous comme une preuve supplémentaire de sa fripouillerie. Il avait un visage ovoïde, et son épaisse barbe contrastait fort avec la nudité de son crâne. Enfin, son être tout entier était marqué par une sénilité fraîchement amorcée. Owona était de ces hommes espiègles qui espèrent infiniment tirer profit des autres sans céder en contrepartie. Jadis, il fut l’heureux héritier de grandes terres qu’il vendit bon marché. Il aurait pu en tirer un profit honorable, mais il avait l’esprit trop peu enclin à l’ambition. Des mois durant, on ne le vit au quartier que lorsqu’ une vanité viscérale le poussait à s’y rendre pour étaler les prouesses d’une débauche qu’il réussissait à faire passer pour un mérite. Il connaissait des femmes, disait-il, des femmes bonnes, juteuses, qui n’attendaient qu’il claquât des doigts pour combler ses désirs. Mais si Owona était hâbleur, il n’était pas moins avare. Lorsqu’il lui était soumis quelque requête pécuniaire, il fronçait les sourcils, usait de grands gestes, et, fier comme un coq, disait « il faut que je m’en aille, les affaires m’attendent ». Il vaqua longtemps à ses « affaires », faisant aumône de ses finances aux femmes dont il faisait mille éloges, mais qui étaient en réalité des prostituées de l’espèce la plus abjecte qui fut. Il vécut ainsi dans l’opulence, jusqu’ au matin où on le vit débarquer au quartier, l’air effaré, le crâne plus luisant que de coutume. Au sourire et à l’amabilité qu’il déploya, l’on devina qu’il ne lui restait plus un clou. C’est à cette époque qu’il fit courir un mensonge odieux, selon lequel il serait sous peu nommé à des fonctions importantes ; en réalité, il espérait ainsi recouvrer les sourires d’antan, mais ses voisins n’étaient pas dupes. Il était haï et fort outragé par diverses railleries à son sujet. Maintes fois, il avait du faire face à des menaces diverses, sans qu’il lui soit possible de deviner leur provenance. C’est ainsi qu’il s’était accoutumé à trouver, à chaque détour de chemin, des restes d’animaux et des notes qui lui annonçaient sa mort prochaine. Pour pallier cette situation, il devina un stratagème qui, à défaut de lui faire des amis, lui apporterait la paix : il fit l’intellectuel ! Il prétendait avoir lu Sartre, Zola, Gaston Paul Effa, mais la grammaire qu’il débitait était si poreuse que les mioches du cours moyen y auraient trouvé à redire. Il parcourut ainsi le quartier, les bras débordants de paperasses, l’air faussement absorbé, furetant le moindre attroupement où l’on buvait un peu de vin. Mais lorsqu’il entrait dans un bar, tous feignaient l’indifférence ; les hommes buvaient sans lui offrir le moindre verre, se contentant de l’entendre débiter ses chapelets de mensonges au dessus desquels planait une ombre de mendicité, jusqu’à ce qu’il s’en retournât, à bout de souffle. Cette situation l’exaspérait ! Il était surexcité, il entrait dans une grande hystérie dont sa femme faisait les frais: il la battait pour un oui, pour un non. Hélène subit les frasques de son mari trois années durant, buvant chaque coup, chaque injure, comme une inflexible volonté du destin. Mais un soir, elle s’en alla. Nul ne sut où. Beaucoup spéculèrent. L’on prétendit qu’elle se livrait à la prostitution. Une femme révéla qu’elle s’était suicidée. Un gamin annonça qu’elle était devenue folle. Un autre assura qu’elle vendait des crucifix à la cathédrale Notre Dame des Triomphes.
« Je suis née de parents pauvres. Mon père était fossoyeur, ma mère couturière. A cause du travail que mon père exerçait, notre vie était arrimée à la mort de ceux dont il creusait les tombes. Tôt le matin, il allait flâner près des morgues, où il trouvait la substance de son gagne-pain. Mais bientôt, le métier attira tant de monde qu’il s’en fallu de peu qu’il ne se retrouve sur la paille ; peut-être fut-ce pour cette raison qu’il loua une masure à la lisière du cimetière municipal. Ah, nous étions pauvres ! A l’école, la carrière de mon père me coûtait bien d’affronts, et mon unique robe de flanelle, que j’arborais toute la semaine, n’arrangeait rien à cette situation. Heureusement, j’étais intelligente, ce qui me valait l’estime de mon maître d’école. Le dimanche à la messe, j’observais attentivement le prêtre, buvant ses paroles comme si elles m’eussent exemptée des duretés hebdomadaires ; quand on est pauvre, Dieu devient l’îlot sur lequel vont échouer nos espérances. Nous vivions ainsi, accrochés au présent, sans grande attente du futur
le ciel était de fer, la terre d’airain.
« La misère était à son faîte, les gens mourraient peu, ma mère cousait moins : elle souffrait d’un dessèchement subit de tout son être, une attaque dont nous ignorions le germe et qui la rapprochait infailliblement de la tombe. Je l’observais, couchée sur le lit conjugal et rendant toutes les eaux de son maigre corps rainé de veines qu’on eut dit gorgées d’eau, tant elles paraissaient grosses et flasques ; elle hoquetait effroyablement, et son air rogue semblait inspiré d’un peintre de triste art, si bien que je ne doutais pas qu’elle traînait en elle toute l’infortune de l’humanité. La vie possède des facettes que seul le destin connaît à l’avance : ce fut mon père qui mourut le premier, fauché par une crise respiratoire. Ses amis fossoyeurs lui firent une belle fosse, en hommage à toutes les tombes qu’il avait creusées ; et lorsque ma mère mourut à son tour trois semaines plus tard, ils décidèrent d’un commun accord de m’inscrire au foyer Ste Bénédicte. Mais pensez bien, Monsieur, qu’une fillette de quinze ans, hantée de jour et de nuit par la mort, puisse avoir le cur à l’école. Mes résultats scolaires étaient piètres ! La nuit, j’avais des visions terrifiantes : étendue le long d’un solfatare, le corps et l’esprit ankylosés, je voyais un grand diable muni d’une faucheuse d’une main et d’une balance rouillée de l’autre, m’insufflant dans la bouche une haleine chaude à travers de grands naseaux d’où s’échappait une substance qu’on eût dit de souffre. La régularité de ces rêves me fit croire que j’étais maudite
»
La femme se tut. Allongée de l’intérieur sur un grand divan de cuir, elle se grattait un orteil, la tête penchée en avant, un mèche de cheveux lui fendant horizontalement le visage. Elle était grande
svelte
L’on devinait une chair pétrie de féminité à travers sa robe de soie noire d’où transparaissaient de fines hanches aux contours taillés avec technicité, d’une grâce aveuglante. Elle était belle. Son interlocuteur était un homme malingre, blanc, dont le visage large et couturé était orné d’un nez long à n’en pas finir. Il avait écouté Hélène de bout en bout, l’attention partagée entre son histoire et l’envie de lui sauter dessus. Vraiment, elle était belle. Hélène était à l’image même du contraste qui s’opérait en lui depuis qu’il avait foulé l’Afrique, il y’avait peu. L’Afrique
La vision qu’il s’en était conçu, jadis, était un mélange de légendes et de mythes, et il n’avait pu assouvir ses envies exotiques à souhait, enclin malgré lui à une réalité aux antipodes des conceptions occidentales. Mais c’était l’Afrique, tout de même. Il suffisait de fouiner
Elle était belle, Hélène ; si belle qu’il s’était surpris accomplissant un fait qu’il avait jusqu’ici répugné, de toutes ses forces : chevaucher une nègre
-Dis moi, Hélène. Tu as des enfants ? Tu es mère ?
-Oui, Monsieur. J’ai une fille. Ah, Monsieur ! Si vous saviez à quel point je l’aime. Elle est si belle, si différente de son père. Sarah est
-Écoute, Hélène. Si tu souhaites qu’on apprenne à se connaître, il vaut mieux que tu cesses de m’appeler « Monsieur ». Tu peux me tutoyer.
-Bien, Mons
oh ! Je veux dire, euh
j’ignore votre
j’ignore ton nom.
L’homme se redressa. La grande glace incrustée dans une chaperonne d’ébène lui renvoya l’image d’un visage mat, sans couleur. Il était confus. Partager le giron intime d’une femme, deux semaines durant, nécessitait un abandon au moins partiel de soi, fut-elle inconnue.
-Je
euh
je m’appelle
Jean.
Hélène plongea son regard dans le sien avec une insistance qui finit de le déboussoler. Aïe ! Comme elle était belle.
-Jean De
Delafesse.
De peu, Hélène manqua de pouffer. « Jean Delafesse ». Il aurait bien pu se nommer Jean Ducul, pensa t-elle. Comme s’il avait deviné la nature des idées qui lui traversaient la tête, l’homme s’empressa de questionner :
-Hem
Dis moi : le diable de tes rêves, comment était-il ?
-Pardon ?
-Je veux dire
de quelle couleur, de quelle race était-il ?
-Il était blanc !
Il faisait froid en cette période de l’année. L’air était glacial, ce qui avait pour effet de provoquer bien de grippes et d’humeurs maussades ; dès les premières lueurs de l’aube, un brouillard épais embrumait le quartier et ne se dissipait qu’à l’arrivée tardive du soleil. Les prostituées en paraissaient ravies, elles qui, de coutume, rentraient au petit matin le front bas, la jupe haute, en proie aux regards réprobateurs des voisins. Grâce au brouillard, il n’était guère plus besoin de se dissimuler à l’approche de formes humaines, et quelques-unes s’offraient le plaisir de fredonner des airs au retour des lupanars, après de bruyantes beuveries au sortir desquelles leurs chairs s’offraient à la jouissance populaire.
Ce matin-là, une quiétude sans pareil berçait le quartier des bois, et il n’était pas une présence d’homme dans les cabanes qui, grâce à la brume, crachaient une laideur moins déconcertante que de coutume. C’est que, très tôt, tous, hommes, femmes, enfants, s’étaient réunis sur la rive du petit lac aux eaux grasses. Quel décor baroque que cette foule bigarrée de badauds défroqués, armée de gourdins et de grands hachoirs qui luisaient dans le brouillard, telles de minuscules flammes blanches. Sur une motte de sable gris, une fillette ouvrait et refermait son sexe au gré des mouvements de ses jambes bariolées de pustules. Quelques nourrissons s’agrippaient aux torses des mères, buvant le lait maternel en même temps qu’ils suçaient d’énormes couches de morve qui leur suintaient du nez. Mais l’aspect le plus apprivoisant de ce décor d’une beauté dramatique se trouvait au cur de la foule : deux garçons, de beaux gaillards, qui pleurnichaient en douceur dans la fraîcheur matinale, ravalant le sang qui s’échappait de leurs têtes médaillées de blessures. On avait attaché à leurs sexes des cordes au bout desquelles une chèvre subissait les assauts d’un bouc. Une grande ardoise était plantée par un piquet dans le sable, avec une inscription : Pour le Christ, les juifs ont expié leurs fautes. Pour ces chèvres, expiez les vôtres.
Au quartier des bois, le temps semblait régi par une main cruelle qui disposait des humeurs selon son gré. Souvent, les journées commençaient par une rixe et se concluaient par de violentes batailles. Un jour, une querelle opposa un homme à son cadet. Si l’aîné était bâti comme une tour, Lopez, le dernier, n’était pas moins rusé. Après qu’il se fut fait battre des heures durant, il rumina un dessein qu’il mit en uvre le soir même. La nuit s’était écoulé, paisible, jusqu’à l’aube naissante qu’un cri de femme ébranla ; ce fut elle qui l’avait découvert la première : l’aîné des deux, ou plutôt ce qui en restait. Sur un lit de rotin haut d’à peine un mètre, il gisait, accrochant du regard un mur dont il semblait se délecter de la piètre architecture ; une montagne de fourmis noircissait une pâte blanchâtre qui devait être son cerveau. Il avait les orteils arrachés, les lèvres bouffies, et, de temps à autre, un peu de pus dégoulinait par une tempe entaillée. Un billet décorait le chevet, sur lequel on pouvait lire : On ne ce mauque pas impunaiment de Laupès. La violence était itérative au quartier des bois, il ne s’y écoulait pas un mois sans un acte cynique qui eut fait pâlir le diable de compassion.
Le brouillard croissait ; de même qu’un vent subit chantait dans le feuillage d’un prunier dont les feuilles sèches allaient s’étendre sur le lac, le ciel s’était couvert de grands nuages sombres, ce qui faisait croire à l’imminence d’un orage. Les enfants grelottaient, claquant des dents, mais il se lisait sur leurs visages une expression qui semblait témoigner de l’attachement qu’ils portaient à la « cérémonie ». Un homme se rapprocha du centre du cercle, tenant de la main droite une machette qu’il agitait de l’arrière à l’avant ; l’air grave, il se tourna vers la foule :
-Anna !
Une femme se détacha de la masse, le poitrail baigné de larmes.
-Me voici.
L’homme lui tendit l’arme.
-Je ne peux pas
bégaya t-elle
c’est mon fils
Je ne peux
-La ferme ! Aboya l’homme.
Des grognements se firent entendre de la foule.
-Qu’on la pende ! Lança une voix ; ça lui apprendra à pondre des voleurs.
-Place ! Place ! Me laisserez-vous passer, à la fin ? Allez, ouste ! Du vent ! Du vent !
Une femme venait de gagner l’avant de la foule. Elle titubait légèrement, les yeux à demi clos par les vapeurs d’une bière qui lui empestait l’haleine ; les pans de sa robe bleue balançaient gravement au rythme de ses pas, et, à chaque fois que sa bouche s’ouvrait, une rangée de dents jaunes se dévoilait derrière deux lèvres lippues. Se tournant vers la foule, elle fit :
-Écoutez
je propose qu’on les brûle. Le feu, ça purifie, vous savez.
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