L’écrivain djiboutien Abdourahman A. Waberi présente l’écrivain somalien Nuruddin Farah, invité du Salon de la Plume noire cette année, ainsi que sa dernière uvre publiée en France.
De cet auteur somalien, de langue anglaise, qui passe pour être l’un des plus doués de sa génération – il est en 1945 à Baidhoda, dans le sud du pays mais a grandi dans l’Ogaden, une province de l’Ethiopie très proche-, on a lu récemment une trilogie toute aussi excitante qu’exigeante (1). Nuruddin Farah est aussi le dernier récipiendaire du très convoité Neustadt International Prize for Literature délivré, tous les deux ans, par la revue World Literature Today et l’université américaine de L’Oklahoma. Il est le seul écrivain de l’Afrique noire à recevoir cette distinction que d’aucuns appellent le Nobel américain, Assia Djebar étant, quant à elle, la représentante du monde arabe et du Maghreb.
La Somalie a été enfantée dans le sang et la violence dès son accession à l’indépendance en juillet 1960. Objet de disputes entre l’empire britannique, l’Ethiopie et l’Italie fasciste, elle sera au cur de la rivalité Est-Ouest pendant la guerre froide. Depuis 1991 et la chute du dictateur ubuesque Siyaad Barré, la Somalie est en proie à l’implosion et à la guerre civile. L’uvre de Nuruddin Farah se nourrit aux mamelles de l’histoire et de la culture de la péninsule somalienne.
Kalaman, le jeune protagoniste de ce gros et palpitant roman, a toujours su intuitivement que des secrets étranges ont entouré l’origine et les circonstances de sa naissance. Tout est obscur chez lui, jusqu’à la signification de son nom : » Mon nom, Kalaman, fait resurgir les souvenirs d’une passion enfantine… comme une réponse facile à une devinette apparemment difficile, mon nom suscite chez beaucoup de gens des réactions surprenantes « . La trame du roman se complexifie davantage lorsque Kalaman avoue qu’il s’est épris de Sholongoo, une jeune femme dont » les pouvoirs animaux étaient plus forts » que les siens. Comme toujours chez Nuruddin Farah, la quête personnelle épouse le destin de toute une communauté, pour ne rien dire de la trajectoire d’un continent. Il est des secrets qui se murmurent uniquement entre un grand écrivain et ses lecteurs. Vous avez dit Secrets ?
Secrets, de Nuruddin Farah, traduit de l’anglais par Jacqueline Bardolph, Le Serpent à plumes, Paris, août 1999, 450 p. 119 F.
Une uvre majestueuse à (re)découvrir : Territoires (Le Serpent à plumes, 1995) et Dons (Le Serpent à plumes, 1998) ; une première trilogie est disponible en français chez Zoé (du lait aigre-doux, Sardines et Sésame ferme-toi). ///Article N° : 1031