Fiche Spectacle
Théâtre
THéâTRE
Mélédouman, le prince sans nom
Jean-Marie Adiaffi
Contributeur(s) : Eric Mampouya

Français

de Philippe Auger
d’après La Carte d’identité de Jean-Marie Adiaffi
mise en scène Philippe Adrien

Avec :
Fortuné Bateza (Congo) le commandant Kakatika
Paterne Boungou Gouma (Congo) conteur
Patrice Kivili (Congo) musicien conteur
Abdon Koumbha (Congo) conteur
Marcellin Kiwassi (Congo) Mélédouman
Alphonse Mafoua (Congo) musicien conteur
Alex Herabo Maleba (RDC) conteur
Eric Mampouya (Congo) Gnamien pli, le Père Joseph
Stanislas Matingou (Congo) l’instituteur Adé
France Ngo Bock (Cameroun) conteuse
Faustin Nsakanda (Congo) musicien
Darelle Sita (Congo) Ebah Ya
-coordinateur du projet Antoine Yirrika (Congo) -décor Erwan
Creff assisté d’Anabel Bicelli et Caroline Aouin -direction
musicale Mampouya Mam’Si (Congo) -lumières Jacob
Bamogo (Burkina Faso) -costumes Betty Tembo (Congo) –
sons Stéphanie Gibert.


L’intellectuel n’est rien s’il ne vit pas entièrement dévoué à la cause de son peuple, s’il n’est pas une part de ce peuple, rien qu’une part, une part embrasée, mais une part tout de même, une part intégrée puisqu’au centre, mais une part sans privilège, sans honneur particulier. C’est cela être un intellectuel pour un peuple soumis, humilié, bafoué, exploité, asservi : se fondre au sein de son peuple au risque de s’y perdre.
Jean-Marie Adiaffi

Né à l’est de la Côte d’Ivoire en 1941, Jean-Marie Adiaffi a fait des études de cinéma à l’idhec, et fréquenté le studio école de l’ocora, avant d’étudier la philosophie et de rentrer en Côte d’Ivoire pour y enseigner. La richesse de son parcours personnel affleure derrière les rebondissements de son roman, où se mêlent plusieurs traditions littéraires.
Nous nous trouvons dans un univers qui hésite entre l’absurde et l’odieux, Kafka en Afrique, et l’insupportable arrogance autoritaire d’un « commandant de cercle », responsable militaire local du pouvoir colonial, face à un Ivoirien brutalement arrêté, séquestré, torturé, sans qu’il puisse même savoir de quoi on l’accuse, ni même de quoi on le soupçonne.
L’absurdité de son sort face au mutisme de ses geôliers ne s’éclaire qu’à la toute fin du récit, après un parcours qui permet à l’auteur d’accumuler les confrontations entre deux mondes, deux systèmes de valeurs, deux identités.
Car l’identité de Mélédouman, prince ivoirien, descendant des anciens souverains de Béttié, comment pourrait-elle se résumer sur ce vague papier administratif, qu’il est accusé d’avoir perdu ? C’est pourtant pour le retrouver qu’il va se mettre en route… Au passage, quelques scènes drolatiques, comme celles suscitées par l’affrontement autour des représentations divines entre la plus fameuse féticheuse, la grande Ablé, et le Père Joseph, à la Mission catholique. Elle se termine dans les transes, par cet échange entre le prêtre et Mélédouman: « Estce qu’au fond vous croyez vraiment à toutes ces histoires de fétiches, de masques, de statuettes sacrées ? – La question n’est pas là, mon père, la question n’est pas de croire ou de ne pas croire mais de respect ou de mépris. » Khaled Elraz

Après un début kafkaïen, mêlé de grotesque et de farce, où Blanc et Noir (Kakatika et son sbire) accumulent les bavures, le récit, suivant l’art du conte, avance là où le poète-philosophe entend nous mener : réponds à la question « qui es-tu? » et le monde, où rêve et réalité dialoguent, ouvrira ses portes.
Cette quête, au sens des plus anciennes légendes – je pense aussi à celle du Graal – nous conduit à l’essentiel : la nécessité pour un peuple, ou un individu, de se connaître, avec l’espoir qu’il ne soit pas « trop tard », et le retour à la lumière et à la vie invoqué à la fin du récit… Le titre Mélédouman, le prince sans nom, montre clairement, me semble-t-il, selon quelle ligne de force du roman nous avons construit cette adaptation.
Philippe Auger

À la recherche de l’identité perdue

Dites-moi que vous ne l’avez pas ressenti vous-même? Les moucherons ne sont pas plus faits pour résister à cette extase de la lumière, quand elle pompe la nuit, Que les coeurs humains à cet appel du feu capable de les consumer. L’appel de l’Afrique ! La terre ne serait point ce qu’elle est si elle n’avait ce carreau de feu sur le ventre, ce cancer rongeur, ce rayon qui lui dévore le foie, ce trépied attisé par le souffle des océans, cet antre fumant, ce fourneau où vient se dégraisser l’ordure de toutes les respirations animales ! Nous ne sommes pas toute chose entre nos quatre murs.
Ce souffle sur vous qui fait frémir vos feuillages et battre vos jalousies, c’est l’Afrique qui l’appelle, en proie à son éternel supplice ! Paul Claudel, Le Soulier de satin Ainsi peut-on cerner le désir des conquérants de l’Afrique, le sens véritable de leur mission, leur passion aveugle. Faire théâtre du livre d’Adiaffi, écrivain ivoirien, consiste à céder la place au point de vue de l’Africain qui du Christ eut à connaître, sous la trique du colonisateur, le supplice plutôt que l’amour. Ce projet, initié à Brazzaville, prolonge le voyage que j’ai engagé avec L’Ivrogne dans la brousse : en suivant pas à pas Mélédouman dans sa quête des origines, rejoindre l’autre, le reconnaître différent et aussi bien fraternel.
Philippe Adrien

Production : Afaa (Association française d’action artistique – programme Afrique en créations), Centre culturel français de Brazzaville, Association Tchicaya U Tamsi, ARRT, avec le soutien de l’Onda. Coproduction Théâtre des Quartiers d’Ivry.
Remerciements personnels à Adel Hakim et Elisabeth Chailloux.
Partager :