Théâtre

Chien !

Fernand Nathan Evina
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Fernand Nathan Evina est né le 9 octobre 1970 à Yaoundé au Cameroun. Originaire du Sud du Cameroun, il est auteur de plusieurs textes de poésie dont Ecchymoses qui a été publié en 2003 aux Editions agbetsi et interlignes à Yaoundé. Chien ! est sa première pièce de théâtre inédite. Le ton acerbe de l’écriture montre que ce poète est un dramaturge qui fulmine comme un volcan en ébullition sa rage d’appartenir à un contexte étouffant, frappé de corruption, le clientélisme sexuel…

ACTE 1 :
La maison de Epapala. Une table, quelques chaises en désordre, les assiettes, des marmites traînant sur les lieux ; une grosse botte de légumes posée sur une petite étagère : c’est la cuisine-salon.
SCENE PREMIERE
Epapala : vêtu uniquement d’un pantalon froissé ceinturé par une corde grossière, les cheveux hirsutes, les pieds nus.
Miaou : (son épouse) : Ensemble tailleur en tissu wax très décolleté, très maquillé, haut perchée sur des escarpins et jupe à fente extravagante ; un petit sac à main.
Miaou (arrive en trombe, parlant nerveusement et à jupe à grand renfort de gestes).
J’ai dit non : seigneur ! Grand Dieu ! Mais que veux-tu me faire manger à la fin ? Il y a une semaine c’était le sel de trop ; avant hier « excès de piment », hier le poisson était passablement pourri. Aujourd’hui, tu te proposes de me faire avaler le  » malaxé de riz » à la façon de chez vous, dis-tu.
Ah mais non ! Oui, oui : je dis non, non et non ! Mais qu’est-ce que c’est cette histoire ? Bon sang de merde de bonjour, quelle foutaise !
Moi je décide ceci : aujourd’hui tu prépares le kpwem. Tu resteras piler les légumes pendant une heure. Tu poseras les noix au feu après. Et je veux du jus, m’entends-tu ? Du jus ! Espèce de fainéant, bon à rien, fier -à –bras.
Epapala : (à moitié endormi)
Oui…oui…
Miaou : (le saisissant par le pantalon et le secouant)
Monsieur ronfle encore ! Quel toupet.
Epapala :
Mais ma’a…Attends un peu. Miaou mon amour, je…je suis quand même ton mari non ?
Miaou :
Mari de magouille, mari de malheur, oui. Sinon à quoi me sers-tu ? Tu n’es même pas fichu de te trouver un emploi digne de ce nom comme le font les véritables hommes.
Epapala: (Toujours ceinturé par sa femme)
Mais, Miaou, ma’a, je t’aime.
Miaou (Le secouant énergiquement)
On t’a dit que je mange ça ? « Chérie » le matin, « je t’aime » le soir…
D’ailleurs à partir de ce jour, je t’interdis de m’adresser la parole. J’ai honte d’avoir une malédiction telle que toi comme époux.
Epapala: (très tendrement)
Wèèèh ! Mon amour…
Miaou :(lâchant la ceinture, lui tirant l’oreille)
Tu n’entends pas, n’est-ce pas ? Tête vide, « nullard », zéro tout rond.
Epapala : (toujours tendrement)
Miaou, ce n’est pas quand même ma faute si je suis artiste. Tu sais toi même la condition qui est la nôtre dans ce pays.
Miaou : (hors d’elle, le gifle)
Je te dis une énième fois de ne plus prononcer ce mot misérable dans ma maison ! Artiste, artiste…artiste de mes fesses, oui. Tu es vraiment un idiot comme me disait ma mère.
Epapala :
Elle t’avais dit ça ?
Miaou : (s’éloignant mélancolique)
Tais-toi !…un vrai con, qui a ruiné toute ma jeunesse en vaines promesses. Tu m’avais promis les fourrures, les bijoux : diamant et or ; les parfums : ô de Lancôme, samsara de Guerlain, Ushuaïa…Les tissus de marque et les vêtements griffés : Karl Lagerfeld, Christian Dior, Yves Saint Laurent…La gloire et les honneurs des grands festivals, comme celui de Cannes ou de Ouagadougou. Car, me disais-tu, c’était là la vie des grands artistes. Et tu te prétendais « grand artiste », et je t’ai cru : hélas !
Epapala: (protestant mollement)
Mais je ne suis pas fini
Miaou : (furieuse)
Tu n’as même jamais commencé…
Tu me parlais aussi de limousines, de chauffeur, de tapis rouge et de suites dans les plus grands hôtels du monde. Tu m’as même dis qu’à défaut de tout cela, tu te contenterais de gagner quelques petits prix comme le Goncourt, le prix Renaudot, le prix Médicis, l’Étalon d’Eyenga… euh…de Yenenga, et même le plus facile d’entre tous : le prix Nobel.
Epapala : (sursautant)
Comment ?! Le prix Nobel ? Plus facile d’entre tous ? Qui t’as dit ça ?
Miaou (prenant les grands airs)
Qui me l’a dit ? Monsieur me prend donc pour une tarée. Dis-moi un peu, toi l’artiste, Nelson Mandela n’a-t-il pas gagné ce fameux prix Nobel ?
Epapala (perplexe)
Il l’a bien gagné, pourquoi ?
Miaou
Et combien de temps a-t-il passé en prison selon toi ?
Epapala (de plus en plus intrigué)
Un peu moins de trente ans. Je pense. Pourquoi ?
Miaou (vexée d’être encore interrompue)
N’énerve pas, hein ?! Ici c’est moi qui pose les questions, et tu te contentes des réponses. Bon, et quel concours a-t-il fait pour gagner ce prix Nobel ?
Epapala (songeur)
Huum…
Miaou (se voulant convaincante)
Tu vois ? Il lui aura suffit de passer quelques petites années en prison, et de se laisser pousser quelques cheveux blancs sur la tête pour rafler 1 million de dollars. Au fait, ça fait combien en francs CFA, 1 million de dollars ?
Epapala
750.000.000 millions de francs, je crois.
Miaou (abasourdie)
Quoi ?! Tant que ça ! Pour quelques années de prison ?
Epapala
Ce n’était pas juste pour « quelques années de prison » comme tu dis.
Miaou (elle le gifle à la volée)
Tais-toi, je ne veux plus t’écouter. Sept cent cinquante …Mi-lions !!
Epapala (peureusement)
Oui…
Miaou (Fond en larme et s’acharne sur lui)
Si tu avais été un peu intelligent, tu te serais aussi fait emprisonner pendant au moins quinze ans de ta misérable vie ; pour qu’on puisse empocher ne serait-ce que la moitié du prix Nobel.
Epapala (essaie de la consoler d’une main hésitante)
Mais, Miaou mon amour, ça ne se passe pas comme ça…
Miaou
Tais-toi ! Tais-toi ! Tu n’es qu’un bon à rien ! Un artiste…rien qu’un artiste.
Epapala
Mais, chérie…
Miaoua (le giflant à nouveau)
Silence, vaurien ! Tu vas me piler les légumes et les noix ; faire la lessive, laver la vaisselle, vider la poubelle…
N’oublie pas mes sous-vêtements que j’ai trempé depuis là. Je pense que là c’est le véritable travail d’un artiste.
Epapala (dépité, s’assoit sur la natte de raphia)
Est-ce que j’ai le choix ?
SCENE DEUXIEME
Epapala (Toujours assis sur la natte)
Dibi (un grand boubou bleu en bogolan, un vieux chapeau de paille et une boîte de prise à la main)
Kabis (Culotte mal coupée au niveau des jambes, en bras de chemise, vieilles chaussures en peau de chèvre, tenant une espèce de racine)
Kabis (se tient le menton, l’air incrédule)
Hum…Hum…
DIBI (tapant sa boîte de prise sur sa cuisse)
Tss ! Pourquoi faut-il toujours que tu me traites de menteur ? A peine ai-je seulement fini de respirer que tu commences déjà à me jeter des regards suspicieux de maquereau fumé.
Kabis (mâchonnant sa racine)
Qu’est-ce que j’ai encore dit ? Je sais seulement que la dernière fois que tu m’en parlais, il était question de ta grand-mère et non de son époux.
Dibi (prisant avec force grimaces)
Mais qu’en sais-tu ? Je voulais certainement te parler du mari en passant par la femme.
Epapala (soudain)
Vous avez bientôt fini avec vos histoires de fous ? Quand quelqu’un a de vrais problèmes, il faut essayer de fermer les cabinets qui vous servent de bouches. Vous ne grandirez donc jamais ? Toujours à se prendre pour de jeunes morveux, et à jouer au frustré mental.
Dibi (suspendant son geste, une pincée de prise entre le pouce et l’index)
Complice…
Epapala (contrefaisant les voix)
La grand-mère a fait ceci, le grand-père n’a pas fait cela ; kié !
Kabis (crachant bruyamment)
Hé ! Mon frère, ne soit donc pas si dur avec nous. On se faisait du souci pour toi.
Epapala (farfouillant ses narines d’un doigt nerveux)
En souhaitant ma mort ?
Dibi (referme sa boîte après avoir inhalé une bonne pincée de prise)
Comment ?! Mais … qui a souhaité ta mort ?
Epapala (fronçant le sourcil)
De toutes les façons, sachez que je suis déjà mort dépuiiis !!Et il ne manque plus que la messe de requiem
Pour achever ce que mon épouse Miaou a commencé dans cette maison.
Kabis etDibi (rongés de curiosité, s’asseyent)
Hein ! Miaou ?
Kabis (impatient, recommence à mâchonner sa racine)
Mon frère, raconte…raconte-nous ce que ta dévergondée de femme a encore inventé comme prison.
Epapala (se saisissant de KABIS comme d’une vulgaire corbeille de tarots)
Quoi ? Qu’en… qu’entends-je ? De quel droit oses-tu donc, méprisable charabia poser ta langue serpentine sur mon adorable rayon de miel ? Ma douce et tendre papaye à l’ail, mais…de quel droit ?
Dibi (séparant les protagonistes à grand renfort de gestes)
A nyamb’ami ! A-t-on jamais vu deux doigts se disputer le morceau que la main destine à la bouche ?
Epapala (délaissant KABIS, se verse d’un seul mouvement sur Dibi)
Est-ce à dire, monsieur, que c’est nous deux doigts, toi la bouche et ma femme le morceau ? Attends …
Attends un peu, que je te refasse cette face de rat.
Kabis (s’interposant entre les deux, sa racine entre les dents)
Arrêter !…Allez-vous arrêter à la fin ?
Complices…complices…
(Les deux se défient à grand renfort de gestes provocateurs)
Kabis (les mains levées au ciel)
On parle à des adultes comme si on leur mettait seulement le feu aux fesses.
Epapala (sort une cola d’un geste rageur et regagne sa natte)
Ça va, ça va ! Moi je ne suis plus là dedans.
Kabis (s’asseyant à son tour après Dibi)
Voilà qui est bien parlé, comment !
Peux-tu maintenant nous dire ce qui se passe avec ton épouse Miaou ?
Epapala (croque un quartier de cola et en jette deux devant les visiteurs)
Vieux frère, mon cœur est transpercé de mille deux cent quatre vingt dix-neuf tristesses.
Dibi
Hééé !! Vieux frère, à ce point ?
Kabis (ramassant promptement les deux quartiers de cola)
Hééé !! Parle…parle mon frère ; ton soucis est notre soucis, hein DIBI ?
Dibi (boudant toujours et louchant vers la part qui est censée lui revenir)
Oui non !?
Epapala (toussant pour s’éclaircir la gorge)
Je ne suis plus rien chez moi, rien du tout…
Kabis (fait mine de tendre une cola à Dibi, l’air distrait)
Comment te comprendre ? Tu ne nous explique rien.
Dibi (avance le bras pour prendre)
Toi aussi ! As-tu besoin d’un dessin pour comprendre ?
Kabis (se grattant le sommet du crâne avec la main contenant le quartier de cola)
J’en aurai grand besoin ; parce que j’avoue ne rien comprendre du tout.
Dibi (n’en pouvant plus, arrache la cola des mains de Kabis)
Ce que, hum…ce que celui-ci essaie de dire c’est qu’il ne peut plus…heu…
Kabis (sursautant, comme piqué par une mouche tsé-tsé)
Il ne peut plus quoi ? Soyez un peu clair là.
Dibi (cherchant maladroitement le geste approprié pour exprimer le fond de sa pensée)
Il ne peut plus heu…heu…
Kabis (l’air totalement égaré)
Tss ! Il ne peut plus quoi « heu » ?
Dibi (lance la cola dans sa bouche)
…Avec Miaou !
Kabis (comme frappé d’illumination)
Aaah bon ! yéé ! Vieux frère…
Mais, tu n’as aucun souci à te faire. Je connais un vieux : Ibrahim Garba Nassourou, il soigne ce truc là en un clin d’œil. C’est un vrai faiseur de merveilles ce type.
Dibi (mâchant bruyamment)
Le viel Yaoussa sale sale qui habite tout seul après le marché là ?
Kabis (acquiesce d’un doigt énergique pointé en avant)
Lui même ! Il est peut être sale comme tu dis ; mais très puissant. Avec lui c’est « tip-tôp » !
Dibi (lève les bras au ciel)
Héé ! Dieu écoute les prières des gens ici dehors, au nom…la qualité que j’ai souffert là ?! Nheu ! J’ai été en consultation chez près de soixante trois marabouts. Et à chaque fois, c’est chacun qui voulait seulement me tuer…
Kabis
Comment te tuer ?
Dibi (il secoue d’abord la tête en signe de profonde indignation)
Quand ce n’était pas des potions gluantes à boire, c’était de méchantes poudres piquantes à priser ou des écorces bien dures à croquer.
Kabis (curieux)
Mais tu as quand même vu un changement non ?
Dibi
Où même ?! Tous des escrocs. Jet te dis…je me souviens même de mon dernier traitement en date, chez cette infâme sorcier d’Obomafieu. Nheu…Héé, moi-même ! Et vous devinez ce qu’il nous fallait faire pour guérir ?
Kabis (du buste, il exécute un brusque mouvement de recul pour marquer son étonnement)
Parle seulement
Dibi (ôte son chapeau avec beaucoup d’irritation)
Figurez-vous que ce vieux clou rouillé d’Obomafieu a osé me dire à moi, Dibi la wuba ya bon’ékoukoudou, de mettre un gros chat noir dans un sac Mbandjock…de… de masser le matou ainsi emprisonné d’une pluie de pilon…De le faire sortir quand il se débat encore avec toute sa rage ; et là…et là…
Kabis (impatient)
« Et là » quoi ?
DIBI (soutenant sa tête d’une main dans une expression dépitée)
Et là…héé !haa !hoo !Nheu… et là de vite lui faire une bise.
Kabis (interloqué)
Quoi ? Une bise ? À un chat enragé ?
Dibi (solennel)
Une bise à un chat enragé !
Kabis
Et tu l’as fait ?
Dibi (haussant les épaules, fataliste)
Et je l’ai fait.
Kabis
Alors ?
Dibi
Alors…alors c’est à peine si mes deux oreilles sont restées collées de part et d’autre de ma tête ; tellement ce chat s’est acharné sur moi. On aurait juré qu’il me gardait une ancienne rancune. Et n’eut été Ndendock mon épouse, qui m’a d’abord rassasié de puissants coups de pilon avant finalement d’atteindre le chat, nous n’en serions pas aujourd’hui à la phase des faits divers.
Kabis (les yeux écarquillés, la bouche ouverte)
DIBI ! héé haa Dibi ! Toi aussi tu es trop bête un idiot comme ça même ! Hein, complice EPAPALA ?
Epapala (avec dédain)
Sincèrement, je me pose des questions sur votre réel équilibre mental. En tant qu’artiste, votre raisonnement ne dépasse celui d’une sauterelle rachitique. Où alors est-ce la faim qui vous trouble ainsi l’esprit au point de vous rendre plus bavard que les femmes en plein accouchement ? De toutes les façons, les gens comme vous ne paraissent sage que la bouche fermée. Alors, faite-moi le plaisir de boucler ce qui vous tient lieu de gueule.
Kabis (avec une moue outrée)
Wèèh ! Comment tu nous parles comme ça ? On n’est quand même pas des chiens !
Dibi (acquiescant de la tête)
Vraiment ! Encore moins des poules ! C’est quoi même ? Le type ci aime entendre hein !
Epapala (hausse les sourcils, plein de fierté)
Est-ce de ma faute si vous préférez limiter votre intelligence à la circonférence de vos ventres ? Et votre connaissance à la consommation des tubercules et des criquets.
SCENE TROISIEME
(Miaou rentre précipitamment en fouillant son sac à main, comme cherchant quelque chose. Puis elle se fige au discours que tient son mari : il ne l’a pas encore vu)
Epapala
Aaaté ! C’est ce que tu trouves à dire ? Merde ! Messieurs, est-ce de ma faute ? Si…
Kabis (essayant de le prévenir de l’arrivée de son épouse)
Tu as peut être raison mais tu ferais d’abord mieux de regarder derrière toi.
Epapala (piqué au vif)
Toi aussi regarde derrière toi avant de me parlé. Oui chacun de nous doit toujours regarder son derrière. Toi même qui bavarde trop là ne fais pas que je t’expose. Ce n’est pas parce que tu vois les gens.
Kabis (pointant avec insistance un doigt apeuré au dessus de la tête d’Epapala)
Je t’ai seulement dit de regarder derrière toi ; pour ton propre bien.
Epapala (hors de lui-même)
Quitte moi là ! Et occupe toi de ton derrière. Même un bébé moustique a plus de fesses que toi. Tourne toi…tourne toi un peu, têtard ! Il ne faut pas souvent m’injurier comme ça… « Regarde ton derrière, regarde ton derrière », comme si j’étais son enfant.
Dibi (à Kabis)
Tss ! Laisse le, c’est son problème.
Epapala
Toi là, je ne t’ai pas branché c’est seulement la magie avec vous ce matin ! Toute la malchance là a commencé avec cette pétasse de Miaou.
Kabis (haussant le ton pour que Miaou puisse distinctement l’écouter)
Mon frère, c’est ta femme que tu qualifies de « pétasse » comme ça ?
Epapala (la bouche tordue dans une expression de dégoût)
La femme de qui ? Un « un djoundjou » comme celle là ? Je ne sais même pas ce qui me retiens dans cette cabane, avec toutes les misères que cette traîtresse me fait subir. Les travaux les plus idiots me sont toujours réservés. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que depuis trois mois, elle me fait laver ses sous-vêtements. Et à 21 heures passées, madame s’apporte avec son haleine pleine de bière pour me polluer l’oxygène : « oh ! Là, là, que de sel !…mais cette viande n’est pas assez cuite…quelle est cette tâche sur mon string ?… » Et patati patata.
Mais moi je vous assure, qu’un de ses jours je vais lui tordre le coup à cette gonzesse de merde pour en finir avec cette vie de chiens.
Dibi (à haute voix, faisant l’incrédule)
Est-ce que tu peux parler « fort fort » comme ça devant elle même ?
Epapala (bombant le torse, commence à décrire de grands moulinets de sa main)
Pourquoi ? Hein, pourquoi pas ? Je vois que vous ne me connaissez pas bien si les murs si pouvaient seulement parlés ! Vous auriez au moins une petite idée de la discipline de fer que je lui fait subir ici. D’ailleurs ce n’est pas parce que vous me voyez faire des petits trucs par pitié pour elle que vous allez vous imaginez des choses…
Kabis (comme pour le narguer)
Donc, tu n’as pas peur d’elle ? Entre nous…
Epapala (indigné, pose les mains sur sa tête)
Moi ? Je peux avoir peur de ce couscous mal malaxé ? Comment !
Miaou (lui tapotant doucement l’épaule)
Ah bon ?!
Epapala (sursautant avec terreur)
Woyoooh !!
Miaou (d’une impassibilité inquiétante)
Ah bon ?!
Epapala (tremblotant comme une feuille de bananier agitée par le vent)
Woyooh !!
Miaou (cassante)
Ah ça alors ! Ah, mon assassin ! Je te tiens enfin mon meurtrier est-ce ainsi que tu me remercies ?
Epapala (se met à genoux)
Non, non…ce n’est pas ce que je voulais dire ; c’est que…
Miaou (secoue la tête en signe d’extrême énervement)
C ‘est quoi ? J’ai tout entendu.
Epapala (faisant un signe de croix)
…Prier pour nous et à l’heure de notre mort amen !
Miaou (se déchausse et jette son sac)
Dix huit ans de mariage ! Vraiment…montre ce que tu as déjà acheté dans cette maison. Tu ne fais que me promettre ciel et terre ! Incapable ! Parasite : est-ce cela la tradition vis à vis du « couscous mal malaxé » ? Hein, c’est à toi que je parle ?
Epapala (levant les bras au ciel)
Mon père, accueillez moi dans votre paradis céleste.
Miaou (campée en lutteuse, les mains aux hanches)
Je t’ai tout donné, tout…c’est moi qui t’achète tes cigarettes, tes alcools, m’occupe de ton habillement, me soucier de ta nourriture de chaque jour, payer le loyer, l’eau, l’électricité pendant que monsieur joue à l’artiste.
Epapala (les mains jointes)
…Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre nous du mal.
Miaou (de son index, elle effleure sa langue ; puis, pliant deux doigts, elle en présente trois au-dessus de sa tête en signe de juron solennel)
Je jure comme je suis comme ça, qu’entre toi et moi c’est seulement la mort qui va jouer aujourd’hui.
Kabis (tirant DIBI à la dérobée)
Bon, nous on s’en va
Miaou (les mains aux hanches, le buste penché en avant)
Je vous ai d’abord invité chez moi ? Asseyez vous personne ne bouge ! Vous oubliez les rêves à cause de la longueur de la nuit ? Ce n’est plus mon affaire ? Moi, Miaou Ngo Massep na’ano !? Tss !…
Dibi (avec un air de chien battu)
Mais madame Miaou nous on ne faisait que passer.
Miaou (les menaçant du doigt)
Ne me tentez pas j’ai dit assis ! Parce que si mon sang tourne là, vous allez voir un miracle ici dehors regardez moi ses bandits !! Vous êtes ses complices n’est-ce pas ?… n’est-ce pas ?…
Kabis (suppliant des deux mains)
Non !…je jure ! Nous on passait seulement quand il nous a interpellé, demandez même à ma maman, au non !
Miaou (fait un pas dans sa direction, le regard fixe)
Et où est ta maman ?
Kabis (peureusement, recule d’un pas en se grattant le menton)
Elle…elle est morte.
Miaou (dandinant sur ses jambes comme un boxeur sur les rings)
Je vois…vous me prenez pour votre folle n’est-ce pas ? Bien ; comme vous voulez semer le terreur, nous allons semer la terreur !
Epapala (toujours à genoux, essaie d’intercéder pour ses amis)
Wèèèh ! Qu’est-ce qu’ils ont encore fait ?
Miaou (se retournant brusquement vers son mari)
Toi, j’entend que tu es mon mari : j’en doute fort. Alors ferme moi ça. Moi j’ai à parler…bon : trop bon trop con ; mais trop c’est trop ! Prend, et tes clics et tes claques et déguerpis d’ici !
Epapala (les yeux et la bouche grands ouverts)
Heiin ?!
Miaou (contrefaisant sa voix)
Gbèèèk !! Tu as bien entendu : dehors ! D’ailleurs, j’avais déjà songé à te trouver un remplaçant. Et ce matin en revenant cherché mes clés ici tu m’as fourni toi même de te le présenter.
Epapala (regarde à gauche et à droite, comme cherchant frénétiquement quelque chose)
Quoi ?! Qui ?!
Miaou (s’avançant vers la sortie)
Ton remplaçant ; bien plus qualifié que toi…en tout ! Il est resté m’attendre dans la voiture. D’ailleurs…Tsédé ?!… Tsédé !
Une voix (grave et calme)
Oui chérie, j’arrive !
Dibi (interloqué, regarde KABIS)
Djé’aa ? Chérie aa ?
Kabis
« Chérie ? »
Epapala (très agité, manque même de tomber en se levant dans une confusion totale)
Ayaah ! Quelqu’un va voir quelque chose quelque part dans quelques instants…quoi ?!…ici ? Tss, Ah mof !
SCÈNE QUATRIÈME
(Apparaît Tsédé. Il a des manières très familières avec Miaou qui est venue à sa rencontre ; d’ailleurs, il lui passe une main autour de la taille, en la taquinant amoureusement.
Il est richement vêtu : chéchia et grand boubou blanc en basin brodé de fils d’or, sandales en peau de python ; un trousseau de clés à la main : il a sans doute une voiture de luxe)
Tsédé (salue d’un léger signe de la tête)
Messieurs…
Epapala (sautillant de colère)
Je rêve !…je rêve !…
Miaou (l’ignorant royalement)
Georges mon amour, je te présente celui-ci…c’est mon ex-mari ; le con dont je te parlais.
Tsédé (avec hauteur)
Ah ! Ce n’est dont que ça ?
Epapala (s’énerve, se lance, Dibi et Kabis le retiennent)
Laissez-moi !…j’ai dit de me laissez ! Comment !? Venir m’injurier, ici ! Chez moi ? Tss !
Miaou (amoureusement accrochée aux bras de Tsédé)
Oh ! Oh ! Monsieur, essuie ta bouche ! Chez quel toi ? Cette maison, c’est moi qui la paye avec mon argent. Ton seul travail consiste à me remplir le cabinet.
Georges
Calme-toi chérie. Je croyais pourtant t’avoir conseiller d’en finir avec cet hurluberlu.
Epapala (s’énerve, se lance, ses deux amis le retiennent)
Libellule, moi ?! C’est moi ta libellule.
Tsédé (très calme et digne à la fois)
J’ai dit « hurluberlu » crétin !
Epapala (il s’élance, ses deux amis le retiennent encore)
Laissez-moi wèèh ! Laissez-moi un peu !…
Miaou (minaudant à l’adresse de Tsédé)
Mon exquis petit kossam au miel, ne fait pas attention à ce vaut rien, de toutes les façons, j’ai décidé de le foutre à la porte aujourd’hui même.
Tsédé (dont le portable se met à sonner dans la poche ventrale du boubou)
Tout à fait d’accord avec toi ma biche Bororo… Tu permets ?
Miaou
Je t’en prie, mon cœur
Tsédé (il s’éloigne un peu pour répondre à l’appel)
Tsédé Enyan Fam Ya’a Afunda Minkôk : allô ?…oui allô !…à qui ai-je l’insigne honneur ? Ah ! C’est toi, excellence ? Alors mon vieux ? Oui…oui…enfin, c’est à revoir ; tu sais même que depuis ta nomination comme ministre des finances, je n’ai pas eu le temps de venir te présenter mes félicitations.
Pourquoi pas ? Ah ah ! Ah ! L’abondance ne nuit qu’aux imbéciles…
Tout à fait…alors comment ça va ta jolie Lycéenne ? Enceinte ?…ta femme est-elle au courrant ?…Vraiment !…
A mon avis, elle n’acceptera jamais de divorcer…oui, à la grande instance. Motive-le seulement et il va te liquider ce petit divorce. Ok !…bon, ciao !
Miaou (s’adressant à Epapala avec hauteur)
Tu vois ? Tu vois à quoi ressemble un homme, un vrai ? Pas un raté comme toi, sans ambition, sans argent, sans intelligence : sans…sans rien du tout.
Qu’est-ce qui m’avait pris ? Ma mère m’avait pourtant bien prévenu. Mais mieux vaut tard que jamais ; j’ai décidé : Dehors !
Epapala
(Très affligé, s’assoit par terre, l tête entre les mains, tandis que DIBI et KABIS s’éclipsent sans demander leur reste).
Wèèèh ! Seigneur…si seulement tu me faisais lépreux ou aveugle ou même paralytique mais riche. Avec plein d’argent. Car aujourd’hui je comprends qu’il n’y a pas de maladie plus grande que la pauvreté…wèèèh !
Tsédé (s’adressant à Epapala d’une voix calme mais sans appel)
Bon monsieur vous avez vingt quatre heures pour vider les lieux.
Miaou (boude en tapant du pied par terre)
Mais chérie ! Vingt quatre heures…c’est trop ! Qu’il s’en aille maintenant ; immédiatement !
Tsédé (se tapant le front)
C’est vrai, en plus ! Mais où avais-je la tête ? Monsieur je vous ordonne de déguerpir sur-le-champ ! Dans le cas contraire, je me ferai un réel plaisir d’appeler mon ami, le commissaire Vincent Fouetteur Touchatou.
Epapala (se levant doucement, les yeux fixés au ciel)
Mon Dieu, mon Dieu !…pourquoi m’as-tu abandonné ?
Tsédé (un peu perplexe)
Mais de quoi parle t-il ?
Miaou (esquisse un geste de désinvolture)
Ah ! Ce n’est qu’un pauvre fou
Epapala (la tête basse)
Bon je vais juste prendre mes affaires s’il vous plaît.
Miaou (bondit comme un diable sous la prière d’un exorciste)
Quelles affaires ? Tout ce qui est là dedans, ce que tu portes même sur toi en ce moment, c’est moi qui aie tout acheté. Avec mon argent ! Alors ne me chauffe pas la tête pour rien. J’ai dit dehors ! Mendiant.
Epapala (cherchant à susciter leur compassion)
Pardon chérie je…hein, mon frère ?
Tsédé (avec dédain)
Et il insiste ! Vous me voyez être le frère d’un crachat comme ça ? D’ailleurs, je vais appeler le commissariat central.
Miaou (des deux bras, elle l’enlace sans façons)
Mon amour, s’il te plaît ne te mets pas dans cet état pour ce zéro. Où est même la personne ?
Tsédé (lui tapotant amoureusement l’épaule)
Je veux bien t’écouter mon cœur, mais dit à ce larbin de sortir de cette maison que je paye depuis des années, avec mon argent.
Epapala (comme reprenant soudain vie)
Hein ? Depuis des années ?
Miaou (les bras croisés sur la poitrine)
Oui depuis des années. Pour être plus précis, depuis le premier mois de notre mariage.
Epapala (pose les mains sur la tête)
Quoi ? Est-ce à dire que tu me trompes avec ton type-ci depuis toujours ?
Miaoau (sourit avec compassion)
Très exact. Sauf que « tromper » c’est un bien grand mot. Disons que je t’ai aidé depuis ce temps là avec mon « type-ci » comme tu l’appelles.
Epapala (interloqué)
Mais pourquoi m’as-tu fais ça ?
Miaou (comptant sur ses doigts)
Pour que tu ne meures pas de faim, et que tu ne te retrouves pas à la rue, sans domicile fixe. Sinon, comment penses-tu que je m’en sortais entre tes cigarettes, tes vêtements, ta ration alimentaire, le loyer, l’électricité et l’eau à payer. Jour après jour, mois après mois ? Sans compter tes deuils au village et mon entretien personnel ! Vraiment ! Au lieu de vouloir jouer les affligés comme un vrai mari, dis-moi merci et fiche le camp !
Epapala (n’en croyant pas ses oreilles)
Tu ne m’as donc jamais aimé, rien qu’un tout petit peu ?
Miaou (secoue doucement la tête et éclate de rire)
T’aimer? Ah ! Ah ! Ah ! J e ne sais pas si tu le fais exprès, ou si tu es réellement trop bête. Allez, ouste ! Du balaie !
Epapala (supplie, la tête posée sur une épaule)
Mais où veux-tu que j’aille ? Sans un sou en poche ?
Miaou (Le poussant vers la sortie)
Justement je ne veux pas le savoir. Ça m’est complètement égal pour tout te dire. Allez ! Allez ! On dégage.
Epapala (essayant en vain de résister)
Je ne sais même pas laver les voitures…ni charger les cars…comment je vais faire alors pour vivre ?
Miaoa (lui donnant un coup de pied aux fesses)
Tu apprendras.
Epapala (perd l’équilibre, mais se rattrape au dernier moment)
J’ai peur des « Nanga Boko »
Miaou
Rassure-toi, quand ils te verront si laid, ils auront aussi peur de toi.
Epapala
Donc je suis fini ?
Miaou (sans cesser de le pousser vers la sortie)
A ton avis ?
Epapala
Bon, au revoir…
Miaou
Vas-t’en, parasite ! Et bon débarras !
Epapala (à Tsédé)
Au revoir mon frère
Tsédé (indigné)
C’est la malchance avec ce type ? Tss ! Dégage, voyou !
Miaou (Revient en s’essuyant les mains, comme voulant se débarrasser de quelque saleté)
Ouf ! Enfin seuls
Tsédé (ouvrant ses bras)
Dans mes bras, mon petit beurre. Tu es vraiment une dame de décision : une main de fer dans un gant de velours.
Miaou
Ah ! Ce con était une véritable Épine dans mon talon.
Tsédé (enthousiate)
Assez parlé ; si on allait plutôt fêter ça ?
RIDEAU

///Article N° : 4218

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