C’est selon. Dans l’absolu, je dirai que la poésie comme l’une des rares voix et/ou voies, à la fois de contestation et de proposition/construction, est un moyen majeur par lequel se construisent la liberté, la paix et par conséquent l’amour. Par l’engagement à tout sens dont la poésie est l’expression, le poète s’affranchit – et avec lui le peuple – de la demande d’autorisation pour exister dans une intégrité harmonieuse. Par ailleurs, le poète en tant que dépositaire dans sa fonction sociale – à l’instar du griot, presque – du savoir-dire les sentiments réels inspirés des situations traversées hier, aujourd’hui, voire demain, restitue forcément les mots en conséquence desdites situations. Ce faisant, il fait acquérir par sa » … liberté (qui) consiste aussi dans le risque de sa vie, à s’acquitter du devoir de libérer les consciences « , (1) la transcendance de la plénitude au plus grand nombre possible de personnes.
Dès lors plus que jamais, la poésie peut et doit continuer à faire résister l’humanité au chaos de la liberté, au chaos de la paix, au chaos de l’amour, dirai-je simplement au chaos du rêve. Le rêve absent presque du monde moderne postindustriel par les champs du travail, de la convivialité et de l’amour gravement accidentés, ne peut laisser indifférent le poète. Et là est sa légitimité, son utilité, j’insiste par stratégie active et non réactive, de porter le message au public, d’autre part d’interpeller les autorités diverses et multiples par rapport à leurs prérogatives. La légitimité de la poésie à transcender les frontières est universelle. Quelle que soit la langue de support, le langage de la poésie est invariable et plein de beauté et de bonté, j’allais dire de spiritualité au travers de la trilogie des » 3H » qui m’est chère : Humilité, Humanité, Humour. Des poètes, depuis Aimé Césaire en passant par Bob Marley, Mikael Smith… jusqu’à Wole Sonyinka ont fait reculer les frontières classiques d’enfermement des consciences individuelles, d’égoïsme.
La poésie, acte de proposition et de construction, » ...est et sera toujours une arme. Une armée chargée de futur « . (2) Pour ce faire, le poète qui me porte en ce qui me concerne fait de la plume le meilleur outil de la pédagogie comme leitmotiv pour combattre toute forme d’exactions. Cela confère au poète la latitude » de déflorer le ghetto linguistique aérant les mots carcans, le verbe geôlier (3) pour traiter fort justement, des sujets graves. Dans Les mots du silence (4) je rappelle :
» Je ne crie pas
Mais j’écris
Les MOTS que les années m’ont fait ingurgiter
Je les restitue nus à l’image des MAUX de ce monde
Cédant au serment prêté de la plume de pisser l’encre
Au lieu et la place des larmes et du sang qui coulent
En fleuve de l’inhumanité inondant la paix
Alors l’âme de ménestrel qui est mienne
Me démange et j’exulte à la fois
Oui, la langue de bois relève du recel de privilèges
»
Toujours par la stratégie de l’action, la poésie par son immatérialité peut contribuer à l’épanouissement social, à la production du bien-être de l’individu de manière à mon sens, plus significative que l’impact de l’acquisition matérielle. La poésie – quel que soit le thème abordé – par son chant d’AMOUR restituant le RÊVE confisqué, est aujourd’hui le chant suprême pour la survie de l’HUMANITE.
Négresse de grâce
Ô mienne !
Enjolive par ton sourire tropical
Argumenté de l’éclipse de ton regard
Nos longues années à venir
Ô négresse !
Danse de tes pas déhanchants
A balancer la cadence de ta croupe ferme
Que je me presse de te les emboîter.
(Le Réverbère de l’amour, p.33)
(1) Seydou Beye, Les Brisures de soleil (1998).
(2) Aitana Alberti, lors du IXe festival international de poésie de Medellin, 1999.
(3) S. Beye, op.cit.
(4) S. Beye, op.cit.Seydou Beye a publié en poésie Cantique pour femme (Nouvelles du Sud 1997), Les Brisures du soleil (L’Harmattan 1998), Le Réverbère de l’amour (L’Harmattan 1999). En lisant Seydou Beye, on comprend combien la lecture du célèbre poème de Senghor consacré à la femme noire a été féconde pour ce poète sénégalais.///Article N° : 1169