Le nouchi, argot de la jeunesse de Côte d’Ivoire, séduit de plus en plus d’adeptes. Aujourd’hui, langue véhiculaire dans différents milieux, et de couches sociales ivoiriennes, elle est la première langue des jeunes âgés de 10 à 30 ans. Langage parlé qui fait florès depuis plus d’une décennie dans les chansons ivoiriennes, son extension dépasse même les frontières du pays. On comprend alors l’intérêt qu’il suscite ça et là. C’est bien à propos qu’il vient d’être doté d’une écriture.
Les nouvelles formes de communication épistolaires, courriel et SMS, mises en avant par les progrès technologiques informatiques, sont devenues aujourd’hui les moyens privilégiés de contacts. Un peu partout, les cybercafés sont à longueur de journée pris d’assaut par des personnes de tous âges, notamment sur le continent africain où les ordinateurs à domicile sont peu nombreux. On cherche, on recherche, on se cherche ! Et ça communique ! Les langues, dotées d’écritures, d’orthographes font le bonheur des utilisateurs. Mais un constat : ce n’est pas toujours le cas des langues africaines. Quant aux Nouchiphones et Nouchiphiles, ils tentent tant bien que mal de se débrouiller, en se référant à l’orthographe française. La réalité est si épatante qu’elle a attiré encore une fois l’attention du linguiste.
Chercheur-associé au CREDILIF (Centre de Recherche sur la Diversité Linguistique de la Francophonie) de l’université de Rennes 2 Haute Bretagne, Blaise Mouchi Ahua s’est mis à la tâche. Spécialiste de la situation sociolinguistique ivoirienne et du nouchi, ce linguiste (aussi auteur de plusieurs uvres littéraires (1) et vivant en Allemagne nous propose dans un article intitulé « Élaborer un code graphique pour nouchi : une initiative précoce ?« , publié dans le n°22 de la revue Le Français dans le monde (2), une écriture de cette langue argotique. Même si elle paraît déroutante par rapport à l’orthographe française, elle s’avère un code graphique simple, qui rime avec la prononciation, à l’instar de ceux qui sont proposés pour les créoles français. Une écriture qui, tout en prenant appui sur l’orthographe française, est caractérisée par une harmonisation graphique des voyelles et des consonnes. Elle tient compte aussi de plusieurs caractéristiques linguistiques du nouchi. C’est une écriture phonético-étymologique, comme le linguiste l’a dénommée lui-même, dont l’objectif premier est de permettre aux internautes qui le voudront de communiquer entre eux : de « tchêkê » sur le clavier de l’ordinateur et d’arriver à s’écrire de « vrais » messages nouchi. Exemples : « Frêr-san, on di qwé ? » « Mon cher ami, quoi de neuf ? », « Qéchia, fo damé sur lwi ! » « Ecoute, ne t’occupe pas de lui ! », « Yé l’ê dabah » « Je l’ai bien battu », « Sa go ê frii » « Sa petite amie est très belle ».
À bien voir, Blaise Mouchi Ahua s’est appliqué à un travail énorme, qui mérite notre estime ! Le nouchi, notre argot, a donc une écriture établie par l’un de ses descripteurs, qui en a fait sa préoccupation depuis plus d’une dizaine d’années. Elle peut fort bien servir de référence, de norme. C’est là un bon avantage ! Et c’est à nous (Nouchiphones et Nouchiphiles) d’en faire bon usage, pour la promotion de ce patrimoine linguistique qui, qu’on le veuille ou non, fait son chemin, et cela de façon inexorable ! Il y a lieu de mettre en place une équipe dans le but de créer un espace de communication écrite sur la toile : un autre espace d’échange de vues et d’opinions par la pratique écrite du nouchi afin de valoriser et vulgariser cette écriture, et pourquoi pas de permettre au génie de cette langue, par laquelle les Ivoiriens s’identifient, de se libérer pour se mettre au pas de l’évolution technologique. Nous y pensons !
1. « Moi, un métis afro-européen »(Publibook, 2006), L’exil des compatriotes en Allemagne (Publibook, 2006), Je suis demandeur d’asile (Publibook)
2. à lire sur http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/22/Ahua.pdfContact Félix Mba : [email protected]///Article N° : 8065