Vie, drame, libération, pouvoir : des raisons d’écrire aujourd’hui

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Ecrire aujourd’hui c’est répondre, je pense, à la question : qu’à t-on à dire? Autrement dit, y a t-il encore des raisons d’écrire aujourd’hui ? Mon écriture est une écriture de mon Etre-au-Monde, singulièrement mon être camerounais, africain. Mon écriture peut donc être comprise au premier abord comme une écriture du moi. Mais c’est un moi habité inhabituellement, forcément par d’autres moi. C’est un moi peuplé, mon moi est finalement un peuple. A cet effet, les mots me viennent comme le monde, me pénètrent comme je pénètre le monde. L’engagement, l’acte d’écrire deviennent ainsi pour moi responsabilité et l’écriture elle-même reflet de toutes les interactions qui ont lieu dans mon champ social.
C’est pourquoi je refuse de démissionner mon écriture de ceux qui, se prévalant de leur pouvoir, ordonnent la vie des autres selon leur propre envie; de nuit comme de jour, nous noircissent ainsi que le périmètre et l’horizon. Je refuse de démissionner mon écriture des fausses vérités, des discours, papiers et preuves officiels du tout va bien quand 80% nous sommes si vrais dans l’infortune des bourgeons sevrés d’eau, d’humeur et de soleil sur les terres des baobabs, sapélis, okoumés…De dire que leur vérité aura d’éternité la senteur du traître souffle des souffles interdits, des…des morts…des 80% de petits morts que nous sommes.
Mon écriture jusqu’ici parle de ces innombrables sujets vivants qui ont besoin de vie, en situation permanente de drame existentiel, en quête d’une libération des servitudes. Comment ne pas être indigné, insatisfait à la lecture des œuvres dont les auteurs ont choisi d’écrire le silence des mots, de faire du littérairement correct, c’est à dire du non-désengagement, en contradiction avec un environnement qui est socialement et politiquement incorrect. Il faut bien le dire, l’écriture est un pouvoir. Moi, quand j’écris, je gouverne et je m’en efforce en cela de donner pouvoir à mes mots, en les faisant connaître jusqu’au plus profond de nos misères intimes, création, procréation, le monde de mon discours littéraire s’inscrit dans un projet de vérité. Il traduit l’exigence de vie et de survie en tout temps et en tout lieu de l’humain.
Face à ce qui m’est donc donné tous les jours de voir, d’écouter, de réfléchir, de comprendre, de vivre, je me refuse comme écrivain-poète à la juxtaposition des mots, à la superposition des vers, à la musicalité des rimes pour enfin me conclure dans l’inutile belle beauté d’un poème embourgeoisé, des poètes platoniques. C’est dire en effet que le discours des beautés ou alors le travail poétique que je fais sur les mots sert à mieux accomplir le discours de la vérité.
A quoi servirait-il finalement, si je ne vous parle pas de moi, de vous, de l’autre, des sous-versions des versions officielles dans une poésie de beauté et de vérité que tout un chacun a droit à la juteuse vie, au juteux pays ?
Ce sont ainsi là, pour moi, des raisons d’écrire aujourd’hui.

///Article N° : 3991

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