Kirikou et la sorcière

De Michel Ocelot

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Kirikou réjouit car il évite heureusement tous les clichés généralement rassemblés dans les films proposés aux enfants sur l’Afrique, et encore plus dans les dessins animés. Avec un très beau résultat.

Encore dans le ventre de sa mère, Kirikou sait ce qu’il veut :  » Mère, enfante-moi !  » Et la mère de répondre :  » Un enfant qui parle dans le ventre de sa mère s’enfante tout seul !  » Le petit bonhomme qui vient au monde et coupe lui-même le cordon s’écrie :  » Je m’appelle Kirikou !  » Ce n’est pas par orgueil ou vanité que le minuscule enfant se donne ainsi, contre toute tradition, son propre nom : il revendique dès sa naissance un statut responsable. Aussitôt, il met son envie de comprendre au service de la collectivité, la protégeant de la terrible sorcière Karaba. Sans cesse, il demande :  » pourquoi Karaba est-elle méchante ?  » sans obtenir de réponse. Car ce n’est qu’en résolvant cette énigme que le village pourra être sauvé. Il lui faudra, comme dans tous les contes, chercher l’aide d’un vieux sage et triompher des épreuves pour y arriver. Le sage lui donne la clef et sa réussite profitera à tous.
Nos enfants s’identifieront volontiers à Kirikou : petit mais vaillant, nu mais généreux, tout en rêvant lui aussi d’être grand. Il s’oppose à une sorcière méchante mais belle. Rien de manichéen dans cette opposition : la clef de l’énigme sera de délivrer la sorcière de sa propre souffrance. Cette ouverture philosophique n’est pas la seule qualité de ce film. En peu de mots, les personnages ont une véritable épaisseur : la mère de Kirikou est indépendante et ouverte, acceptant l’autonomie que revendique son enfant mais toujours présente quand il a besoin d’elle ; le grand-père qui habite la montagne interdite s’oppose au vieillard craintif qui radote au village : il a la noblesse de la vieillesse sereine et bienfaisante. Et surtout, l’Afrique n’est pas un décor : les paysages sont épurés, les personnages comme les plantes sont issus d’un travail de stylisation où la simplification (inspirée par les fresques égyptiennes et par les tableaux du Douanier Rousseau) n’est pas une réduction à des stéréotypes mais consiste à donner un rôle à chaque élément et à supprimer le superflu. Les animaux ne sont pas humanisés mais restent les animaux de l’Afrique. Les fétiches qui servent Karaba sont directement issus de la statuaire africaine. La musique, composée par Youssou N’Dour, n’est ni en tam-tam ni en synthés mais utilise en douceur les instruments traditionnels. Et c’est dans son laboratoire à Dakar qu’ont été enregistrées les voix, avec des acteurs africains et non des titis parisiens !
On sent un réalisateur qui connaît (il a passé son enfance en Guinée), respecte et valorise la culture africaine. Véritable travail d’équipe soutenu par les Armateurs, une maison de production engagée pour le cinéma d’animation de qualité, son film est un splendide bijou à laisser entre toutes les mains ! Souhaitons qu’il soit un aiguillon pour le cinéma d’animation africain, très méconnu bien que florissant (200 films étaient répertoriés en 1993 par Bruno Edera, de la Télévision Suisse Romande).

///Article N° : 640

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