Faut-il opposer Blokosso à Abidjan ? Le village autochtone à la métropole triomphante ? Cent ans après le coup de pioche fondateur de la métropole, la relation des Ebriés à la ville reste marquée par la confrontation, la prise de bénéfices, et la médiation inter-ethnique. Celle-ci est d’une brûlante actualité.
Choisi comme tête de pont du chemin de fer qui devait relier l’océan au fleuve Niger, le site d’Abidjan connut son premier coup de pioche en 1903. Ces quelques pages écrites en 2003 sont donc dédiées au centenaire de cette ville.
Elles sont inspirées par la redécouverte, en ce début de vingt-et-unième siècle, des villages qui ont précédé la ville et que l’on peut toujours reconnaître dans le paysage urbain ou péri-urbain. L’un d’entre eux, en particulier, fascine bien des voyageurs. Il s’agit de Blokosso. Pourquoi celui-là ? Il est situé au pied même du complexe hôtelier le plus considérable de la ville – et peut-être de l’ouest africain – , lui faisant concurrence par les nombreuses locations qu’il offre volontiers aux étrangers. Ceux d’entre ceux-ci qui font le choix, généralement pour un long séjour, de s’installer parmi les villageois, cumulent le plaisir d’être au coeur de la métropole, au contact de son quartier le plus huppé, et celui de voir battre la vie d’une communauté encore très attachée à ses traditions matérielles ou rituelles.
Quoi de plus symbolique de ce siècle si chargé que la coexistence d’un village témoin et de la mégapole qui l’enserre ? Faut-il pour autant opposer Blokosso à Abidjan ? D’un côté un village de l’ethnie ébrié niché au bord de la lagune de même nom. De l’autre la métropole triomphante (1) qui, non contente d’avoir conquis tout l’espace lagunaire sur des dizaines de kilomètres tout autour du village, se permet depuis trente ans de le toiser du haut des trente étages de son hôtel emblématique (il s’agit du célébrissime hôtel Ivoire), qui le serre de près avec ses annexes marchandes et sa plate-forme, où miroite une lagune artificielle ornée de fausses paillotes et de faux totems.
Découvrant simultanément la grande ville africaine et ce village relique, le voyageur ne peut qu’être touché par ce rapport inégal. L’image du dernier village gaulois luttant contre l’empire romain vient naturellement à l’esprit. Mais, en réalité, nous sommes très au-delà de la situation d’Astérix et de ses compagnons ; très au-delà dans le temps et dans le processus de confrontation-assimilation entre deux mondes.
Blokosso et tous les villages ébriés (2) emmenés dans la mouvance urbaine sont depuis des lustres consubstantiels à cette mouvance même. Dépassant sans y renoncer la conscience de leur antériorité, ils ont pris une part active dans l’élaboration de la ville comme dans la vie politique et administrative du nouvel Etat dont elle est la capitale.
Les Ebriés sont l’un de ces peuples lagunaires (3) rattachés au groupe akan qui furent les premiers interlocuteurs du pouvoir colonial venu par la mer, qui négocièrent leurs droits sur le sol, qui adoptèrent la religion importée, l’école, la langue, et qui, très tôt engagés dans les emplois administratifs, prirent naturellement leur place dans les rouages de la Côte-d’Ivoire indépendante (4).
Ils s’étaient aussi essayés aux cultures de rente, café, cacao, palmier à huile, proposées par la colonie. La rue unique de leurs villages en porte encore la marque, alignant ses vénérables « maisons de planteurs » aux toits à quatre pans, tandis qu’une église rétro ferme la marche tout au bout du village, dans l’axe de la rue. Une seconde église étrange et rigolote est venue plus tard s’insérer parmi les maisons : celle des fidèles de Harris, un prophète syncrétique d’inspiration baptiste, venu du Libéria par la plage. Un temple protestant complète parfois la panoplie.
Lorsque, dans les années 60, la ville entra dans la spirale d’une croissance quasi mégapolitaine, et que les lotissements officiels devinrent notoirement insuffisants à satisfaire la demande de terrains à bâtir, les communautés villageoises bien placées mirent sur le marché leurs propres lotissements. Les planteurs, souvent fonctionnaires par ailleurs, tramèrent leurs terres les uns après les autres, géomètres privés à l’appui. Ils enfreignaient ainsi le principe de l’Etat seul lotisseur après Dieu, jouant sur le droit coutumier qui leur était reconnu pour un usage rural. En dépit de la guerre foncière qui s’établit alors entre ces lotisseurs coutumiers et la vision urbaine moderniste qui prévalait en haut lieu (c’était l’époque glorieuse du président Houphouët-Boigny), c’est de cette dynamique que naquirent les banlieues les plus populeuses de la ville, notamment dans l’immense secteur d’Abobo.
Ce qui se passa dans cette banlieue nord d’Abidjan illustre bien trois facettes des rapports ébriés à la ville : la confrontation, la prise de bénéfice, la médiation inter-ethnique. Commençons par ce dernier versant, qui documente la brûlante actualité ivoirienne. Les villages ébriés de la région d’Abobo (Abobo-Té, Abobo-Baoulé, Anonkoi-Kouté) sont aux avant-postes du réceptacle migratoire abidjanais. Ils ont vu arriver les travailleurs réquisitionnés pour la construction de la voie ferrée Abidjan-Niger. Ils ont accueilli ceux qui désertaient ce dur chantier et qui cependant voulaient se rapprocher de la nouvelle centralité. De cette époque datent les premiers campements allogènes, notamment de l’ethnie attié, devenus peu à peu villages.
Les Attiés sont les voisins septentrionaux des Ebriés, et un peu leurs cousins. D’autres campements, piquetant de plus en plus le domaine ébrié, sont le fait de peuples beaucoup plus lointains, engagés par les Ebriés eux-mêmes dans leurs plantations (provenant notamment de l’ethnie mossi (5), que l’on retrouve aussi dans quelques grandes plantations européennes), ou sollicitant un point de chute pour exercer diverses activités, agricoles ou non, en rapport avec le marché urbain grandissant. Parmi eux, les marchands dioula, d’abord groupés autour de la gare d’Abobo, aujourd’hui figures emblématiques de toute la banlieue abobolaise.
Le mot dioula est un terme générique pour désigner tous les originaires des savanes mandé et bambara, en deçà ou au-delà des frontières du nord (avec la Guinée, le Mali, le Burkina Faso), dès lors qu’ils se déplacent au sud pour commercer. Cette réalité est ancienne et tous les Ebriés savent ou savaient négocier en « dioula », cette langue véhiculaire de toute une tranche d’Afrique. Plus générique que jamais, l’épithète dioula qualifie à présent, plus ou moins, toute la sphère musulmane (sauf les originaires d’un deuxième cercle plus lointain, des Wolofs et des Maures aux Haoussas (6)), que l’on trouve globalement tournée vers les affaires et les petits métiers marchands, mais aussi vers le salariat urbain lorsque la nationalité ne fait pas obstacle.
Si aujourd’hui la question de la nationalité et de l’ivoirité est devenue sensible au point de mettre le pays au bord de la guerre civile (7), c’est probablement, en partie, le résultat d’un sentiment de submersion par le nombre. Les courbes démographiques ne sont certainement pas en faveur des peuples christianisés du sud, et le réservoir humain est immense au-delà des frontières du nord. Le tropisme nord-sud, en direction des terres humides et des métropoles portuaires, semble par ailleurs irrépressible. La part des étrangers, pourtant, diminue, mais s’agit-il déjà du résultat d’un rejet ? Quoi qu’il en soit, il est important de rappeler que, dans la sphère coutumière qui perdura longtemps en marge du phénomène d’urbanisation, l’accueil fait à l’homme du nord fut amène et sa présence souhaitée.
Il est vrai que le temps de l’offrande rituelle, vin de palme ou noix de cola, est révolu. Là où il suffisait de marquer, par ces cadeaux symboliques, son allégeance au maître de la terre, les prix de vente et les loyers indexés sont depuis longtemps devenus les arbitres de l’échange. Doit-on croire que, comme dans d’autres situations historiques bien connues, l’intérêt pécuniaire travaille en sens inverse des ressentiments identitaires ? Le vécu du temps des grands lotissements ébriés (et attiés) d’Abobo et d’ailleurs dit le contraire. Dans les années 60 et 70, on voyait les chefs lotisseurs, drapés dans leur pagne et coiffés d’un chapeau années 30, munis aussi d’une canne des mêmes années, arpenter avec fierté les nouveaux quartiers qu’ils avaient créés et auxquels ils avaient donné leurs noms. Aujourd’hui même les villages qui, pas très loin, jouissent encore d’une tranquillité biblique, appellent de leurs voeux la venue d’une rocade qui leur apportera le développement urbain.
A condition que la rente foncière soit suffisante à éviter un sentiment de spoliation, il semble que l’urbanisation massive emporte l’adhésion des Ebriés et qu’elle n’efface pas complètement, dans leur esprit, la dignité de chef de terre. Les quartiers urbanisés restent les leurs. Il faut croire que la masse des nouveaux habitants, les citadins, conserve elle-même le réflexe de se référer à cette dignité, à en juger du moins par les surprenants résultats des premières élections municipales des années 80. Enfin appelés à voter sur une pluralité de candidatures, les Abidjanais portèrent des Ebriés à la plupart des dix postes de maire d’arrondissement. Les Ebriés ne représentaient pourtant déjà plus qu’une infime portion de la population totale. Mais leur antériorité sur ces terres leur conférait une dimension tutélaire et peut-être une neutralité d’arbitre.
Telle était en tout cas la situation lorsque régnait encore sur la Côte d’Ivoire un ordre maîtrisé par le président fondateur, le planteur Houphouët-Boigny, et par le PDCI, parti unique dominé par les planteurs du sud. C’est d’ailleurs le sage Houphouët qui avait ouvert dès 1969, par un « dialogue » dont il avait le secret, une grande négociation sur le domaine foncier ébrié. On était alors au plus vif des affrontements des Ebriés avec l’administration des Domaines. Les années suivantes allaient peu à peu fixer les intérêts respectifs de l’expansion urbaine et des communautés coutumières (8). Chaque village allait pouvoir conserver un territoire constructible inaliénable, correspondant en moyenne à six fois sa superficie bâtie. Par ailleurs, chaque hectare de terre agricole cédée à l’Etat donna droit à une parcelle dans un lotissement urbain équipé, ainsi qu’à une indemnité financière.
Cette dernière devait permettre d’amorcer un investissement ébrié en direction de revenus locatifs qui, en réalité, n’avaient pas attendu cette mesure. Mais ces dispositions restituèrent aux Ebriés « urbanisés » un matelas spéculatif qui les remettait à flot face à leurs cousins planteurs de toute la basse Côte-d’Ivoire, dont les revenus agricoles souvent florissants continuaient de s’investir massivement dans le jeu immobilier abidjanais.
L’arrangement des années 70 avait surtout confirmé et pérennisé le principe des enclaves villageoises dans la ville. Cette disposition paraissait amplement légitime lorsque l’on considère l’extraordinaire bouleversement subi en quelques décennies par des populations qui, au début du siècle, vivaient surtout de cueillette, de chasse et de pêche, qui pouvaient encore se nourrir de viande de brousse dans les années 50, et qui vingt ans plus tard se voyaient acculés à leurs jardins de case… tout en gérant, fort bien d’ailleurs, une rente urbaine déjà consistante. On peut cependant constater que ces périmètres désormais inaliénables étaient, par définition, des enclaves ethniques autochtones au sein d’une ville cosmopolite où les étrangers étaient réputés majoritaires (9).
Il restait à observer l’évolution de ces enclaves. Assez amples pour assurer à chaque enfant de l’époque une parcelle à bâtir, elles prirent rapidement l’allure d’un lotissement. Des rues parallèles à l’antique rue unique du village privèrent celui-ci de l’écrin végétal qui le singularisait encore. Les espaces domestiques qui, en arrière des cours, se prolongeaient en jardins de case d’abord potagers, puis fruitiers, et de plus en plus arborés jusqu’au bosquet d’essences forestières qui assurait, avant que l’on pénètre dans le domaine des champs et des plantations, un rideau d’intimité (souvenir du temps où chacun de ces villages était une clairière au coeur de la forêt dense), tout cela disparut, coupé net par les nouvelles voies. Pour faire bonne mesure, des rues transversales achevèrent un damier désormais conforme à la trame urbaine la plus courante, rompant l’homogénéité et la magie de la rue unique originelle.
La désolation de ces espaces désertifiés allait néanmoins faire place, assez rapidement, à un paysage d’immeubles de rapport, ce surgissement démontrant bien la capacité de réponse de la communauté. On peut presque dire qu’une enclave ébriée, qui se signalait autrefois par ses clochers et sa couronne végétale, se distingue désormais par le relief de sa masse bâtie. Les quartiers environnants n’ont pas toujours connu le même élan vertical. On n’en est pas encore aux tours, mais à de solides immeubles de quatre à six niveaux, compartimentés en logements locatifs.
Mais il faudrait pouvoir mesurer, dans ce nouveau patrimoine, la place que se réservent les Ebriés pour leur propre habitat. Il y a quelques grosses villas habitées par des notables, qui ne sont généralement pas les chefs traditionnels, encore modestement tapis dans les vieilles cours. Plus insolites sont certains étages d’immeubles, dont les profondes terrasses en balcon signalent une transposition de l’espace-cour ébrié. L’étalement résidentiel de la communauté ébriée au milieu de son parc locatif se confirme par de récurrentes mobilisations d’une section de rue pour une cérémonie familiale, un deuil ou un mariage. Le nombre des chaises rassemblées sous les auvents de toile disent bien l’ampleur du sentiment d’appartenance communautaire.
Comme le village de Cocody, son très proche voisin qui donna son nom au prestigieux quartier qui les enserre tous deux, Blokosso a d’égales raisons de se réjouir et de se plaindre. Son territoire réservé n’est pas aussi vaste que ceux d’Abobo-Té, d’Anono, ou de Yopougon-Kouté, pour prendre trois exemples au coeur des trois villes nouvelles « négociées » du nord, de l’ouest et de l’est de l’agglomération. Cocody pourrait en outre se plaindre d’avoir été déplacé, comme Anoumabo, d’une rive à l’autre de la lagune lorsque la capitale s’installa sur la presqu’île du « Plateau ». Au jour où le « dialogue » fut lancé sur le sort du patrimoine ébrié, les jeux étaient déjà faits pour ces villages du premier cercle.
Il est toutefois évident que la valeur acquise par leur bout de terrain, donc par les immeubles qu’ils y construisent, est sensiblement supérieure à celle des territoires ébriés plus reculés. Cette valeur a sans doute encore une belle marge de croissance devant elle quand on songe à la centralité du site, à l’aura de la commune de Cocody, tout spécialement dans cette extrémité sud où Blokosso côtoie le quartier des résidences d’ambassadeurs. Cette situation enviable peut, certes, être dangereuse. Mais les gens de Blokosso sauront sans doute éviter que leur village ne développe une image négative, même si le mariage de l’authenticité communautaire et de la spéculation immobilière n’est pas facile.
Nul ne peut juger si ce fut un erreur de balayer la petite église à deux clochers qui barrait l’ancienne rue unique. Prolonger celle-ci jusqu’à une rocade de sortie, où se trouve l’enclos d’une nouvelle église, était probablement nécessaire au désenclavement du village et à sa modernisation. Mais il y a sans doute mieux à faire que de laisser une partie du rivage, ancienne grève piroguière plantée de cocotiers, évoluer en dépôt d’ordures (10), même si la pêche n’est plus ce qu’elle était.
Tout cela n’empêche cependant pas de tomber sous le charme, surtout lorsque l’on est un étranger d’au-delà des mers et que la proximité des principaux sièges de la coopération internationale suggère naturellement (et peut-être trop) le chemin de Blokosso. Il est piquant de penser qu’après avoir tiré son nom d’un vieux fortin du début de l’ère coloniale (dont on ne sait plus rien), ce village soit en danger de devenir une auberge des amoureux de l’Afrique.
Il semble cependant que l’on soit encore loin de l’écueil du village ethnico-touristique. On y peut encore jouir sans remords, dans le confort standard d’un logement loué, du voisinage de la vie des Ebriés. On peut se réjouir que celle-ci soit visible et accessible, qu’elle soit encore singulière aussi bien dans son quotidien que dans ses manifestations festives et rituelles. La ferveur religieuse (11), les passages de génération, comme les mille gestes qui président à la fabrication de l’attiéké, cette délicieuse semoule de manioc qui réussit à conquérir les menus de tous les Abidjanais, tout cela participe d’une identité locale encore très vivante.
Reste à savoir si cette identité n’a pas vocation, maintenant que les masques sont tombés sur la scène nationale, à se durcir et à se crisper, comme certaines manifestations récentes dans les villages ébriés eux-mêmes le font craindre. L’attiéké ne suffira pas à unifier toutes les ethnies rassemblées dans la ville, malgré la puissance symbolique des choses nourricières (12).
1. Capitale de la Côte-d’Ivoire depuis 1934 en remplacement de Bingerville, Abidjan n’a cessé jusqu’en 1980 de doubler sa population tous les sept ans. On ne craignait pas, alors, d’annoncer 10 millions d’habitants pour l’an 2000. Mais la courbe s’est infléchie et seul le cap des trois millions d’habitants a été franchi jusqu’ici (Ph. Haeringer, planche et notice « Abidjan 1976 » in Atlas de Côte-d’Ivoire, IGT/ORSTOM, 1979, ainsi que »Abidjan » in Métropoles en mouvement, Anthropos, 2000).
2. Plutôt que de nous conformer aux conventions des anthropologues, nous déclinerons le mot « ébrié » comme c’est l’usage populaire, comme on ferait du mot « basque » ou du mot « berbère ».
3. Les lagunes s’étirent sur 400 kilomètres en arrière des plages de la basse Côte-d’Ivoire.
4. Dans le cadre de l’Afrique Occidentale Française (AOF), cependant, d’autres régions côtières avaient encore davantage pris de l’avance en matière d’occidentalisation. Par exemple la côte togolaise et dahoméenne (aujourd’hui béninoise), surnommée le « quartier latin » de l’Afrique. Beaucoup d’originaires de cette région occupaient des postes de cadres en Côte-d’Ivoire, aussi bien dans l’administration publique (par exemple dans l’enseignement) que dans les entreprises privées. Peu avant l’Indépendance, une sorte de pogrom dirigé contre eux se leva du 24 au 26 octobre 1958, entraînant de nombreux et précipités rapatriements. Une même poussée de fièvre concerna, onze ans plus tard, les commerçants yorouba dits nago, originaires du Nigeria, qui avaient pignon sur rue.
5. Les Mossis peuplent le centre de l’ancienne Haute-Volta, devenue Burkina Faso. Contrairement à la plupart de leurs voisins, ils ont en majorité embrassé la religion catholique. Cette caractéristique, et aussi leur nombre (le pays mossi est l’un des plus densément peuplés des régions soudaniennes), à quoi il faut ajouter que leur capitale, Ouagadougou, est le terminus toujours provisoire du chemin de fer Abidjan-Niger, en ont fait les travailleurs préférés de tous les employeurs de la basse Côte-d’Ivoire. Mais cette préférence, aujourd’hui remise en cause, s’étend en réalité à tous les peuples dits voltaïques (ou groupe gour).
6. Peuples respectivement dominants au Sénégal, en Mauritanie, au Niger (et au Nigeria). Il y a un troisième cercle, dans lequel on retrouve notamment l’importante communauté levantine ou syro-libanaise, qui comporte une minorité chrétienne.
7. On lira avec profit, sur ce conflit, le numéro 6-7 de la revue Débats. Courrier d’Afrique de l’Ouest, INADES-CERAP, Abidjan, juillet-août 2003.
8. La fin des années 70 vit cependant la politique du bull-dozer battre son plein dans maints lotissements ouverts dix ans plus tôt par les Ebriés et les Attiés. Mais seuls en pâtirent ceux qui y avaient acquis des lots et les avaient construits, ainsi que leurs nombreux locataires. Un considérable investissement populaire, généralement de bonne qualité, partit ainsi en poussière (Ph. Haeringer, « Stratégies populaires pour l’accès au sol dans la ville africaine. Une grande partie de dés dans la banlieue d’Abidjan – ou l’impossible débat avec l’Etat », in Enjeux fonciers en Afrique noire, Karthala, Paris, 1982, pp. 341-359).
9. A la fin des années 70, ils l’étaient en effet parmi les jeunes adultes hommes (près de 60% entre 25 et 44 ans), mais leur part globale dans la population abidjanaise restait sensiblement plus modérée et cependant considérable (40 %). Cf. Ph. Antoine et Cl. Herry, « La population d’Abidjan dans ses murs », in Ph. Haeringer, éd., Abidjan au coin de la rue, Editions de l’ORSTOM, 1983, pp. 371-395.
10. Situation constatée en 1995, peut-être résolue depuis.
11. Les processions harristes tout au long de la rue principale du village ont une grande intensité, et sont un régal visuel et musical. Mais les autres confessions ne sont pas en reste.
12. Ph. Haeringer, « Trois citadins jour après jour. Un Ebrié, un Baoulé et un Mossi dans la compétition abidjanaise », in Ph. Haeringer, éd., Abidjan au coin de la rue, op. cit., pp. 533-543.///Article N° : 3089