Afrikales ou l’Afrique à fond de cale

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Coup de gueule de l’écrivain djiboutien contre un festival parmi d’autres dont les manques finissent par poser crûment la question du respect envers des artistes africains éternellement considérés comme pouvant se contenter de moins. Il ne nous appartient pas de vérifier le bien-fondé de ces accusations qui n’engagent que son auteur mais il nous semble important de publier ce texte pour que la question générale qu’il soulève soit reposée à tous.

Depuis une douzaine d’années, j’ai participé à maintes manifestations culturelles autour de l’Afrique tant en France, en Europe qu’en Afrique, notamment à Bamako lors d’écrit rémunérationes éditions successives du festival  » Etonnants Voyageurs / Bamako  » organisées conjointement par des Français et des Maliens. On constate que des progrès substantiels ont été faits, de part et d’autre, pour arriver à une meilleure compréhension et à un meilleur équilibre. Et partant, les vieux préjugés, les malentendus, les quiproquos fruits de l’histoire partagée mais pas toujours rose semblent reculer. C’est ainsi que les musiques, les cuisines et les arts africains ont fait une entrée remarquable dans les foyers de France et de Navarre. Dans le plus petit village du Périgord, de la Corrèze ou la Manche, on écoute, on chante, on danse, on rit ou communie avec des comédiens, des griots, des chanteurs et des écrivains venus du Togo, de Bobo-Dioulasso ou du pays bamiléké. Les uns et les autres repartent un peu plus souriants, un peu plus quiets C’est à prix que notre monde se fera plus ouvert, plus tolérant et plus fraternel. De cela, j’en suis convaincu.
Justement, en Basse-Normandie, un groupe de militants issus de la solidarité internationale (la précision est importante) décide d’organiser un festival ambitieux, articulé sur sept pôles (solidarité internationale, musique, théâtre, cinéma, littérature, expositions / artistes en résidence) et s’étendant sur les trois départements, la nouvelle ne pouvait que séduire l’ensemble de la population tournée vers l’Afrique et ses talents créateurs. Hélas, les attentes et résultats (encore partiels) sont loin d’être satisfaisants. Passe l’amateurisme qui ferait sourire plus d’un. Passe les vœux pieux et la méthode Coué. Passe la programmation chaotique qui enregistre et, souvent, revendique, sous couvert de partenariat et non sans vergogne, le travail des autres institutions et / ou associations (Chemins de traverse, BDP, Big Band Café etc.…) quand elle n’est pas carrément fantaisiste (salon du livre inexistant, résidence artistique douteuse…). En somme, plus que les contingentes techniques, c’est l’esprit du festival qui me paraît en défaut, en décalage par rapport à l’état du monde. L’artiste africain se bat tous les jours pour son autonomie et désire qu’on le traite comme tout autre artiste de la planète. Il n’est point plus gentil ou plus affamé ou moins compétent ou plus disponible… que ses collègues d’Argentine, de Corée ou d’Australie. Donc prenons-en acte ici et maintenant. Une fois pour toutes !
L’association Afrikales a fait le choix de salarier deux de ses organisateurs, c’est son bon droit mais elle doit en tirer les conclusions et ne peut pas empiéter sur la part dévolue à l’artiste africain qui est censé être le cœur et le moteur du festival. Elle ne peut pas mégoter sur les cachets, les frais de transport, d’hébergement ou de bouche – cela paraît essentiel, élémentaire ! Et pourtant, c’est arrivé plus d’une fois avec l’équipe des Afrikales. Ce n’est pas avec des bons sentiments qu’on fait du bon travail. A vouloir trop tirer sur la corde de l’amitié, de la fraternité et de la solidarité, on risque de faire écrouler l’édifice plus vite que prévu.

///Article N° : 4077

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