Algérie du possible – la Révolution d’Yves Mathieu, de Viviane Candas

La brûlure de l'engagement

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En sortie en salles en France le 7 décembre 2016, Algérie du possible – la Révolution d’Yves Mathieu, au-delà du touchant hommage d’une fille à son père, lève des non-dits et éclaire un pan d’Histoire méconnue.

Ecrivaine, actrice et réalisatrice, Viviane Candas se penche ici sur la figure de son père, mort à 42 ans en Algérie en 1966 dans des circonstances douteuses. Ce qui rend passionnant et édifiant ce film, c’est que la réalisatrice passe par cette démarche personnelle en forme d’enquête, ponctuée par sa voix-off, pour aborder ce pour quoi son père s’est engagé et a sans doute perdu la vie : la révolution algérienne. Ses interlocuteurs, et non des moindres, lui parlent de son père avant d’élargir leur propos à l’Histoire et à la politique. Si bien que plutôt qu’une leçon d’Histoire, le film parle de l’engagement et de ses raisons. Si bien qu’Yves Mathieu apparaît avant tout comme un indigné qui sut choisir son camp et prendre les risques correspondants.
Combattant courageux de la France libre, il étudie le droit et les sciences politiques, devient avocat, adhère au Parti communiste, et s’engage contre le fascisme colonial auprès du RDA en Côte d’Ivoire où il est responsable d’un bulletin tirant à 3000 exemplaires. Son arrestation en 1950 lui vaut dix mois de prison. En 1958, il est exclu du PCF car il milite également au FLN. Lui qui était né en Algérie soutient le gouvernement Ben Bella à l’indépendance et sera le corédacteur des fameux décrets de mars qui organisent la nationalisation et la réattribution des biens vacants (laissés par le départ des colons), et tracent les voies de l’autogestion. Ces décrets bloquent les trafics mais lui attirent de nombreuses inimitiés.
Les rencontres avec les acteurs de ces moments historiques, à commencer par Ben Bella lui-même (tournée en 2009, avant sa mort en 2012), éclairent ces moments essentiels de la sortie de la guerre et de l’organisation révolutionnaire de l’Algérie indépendante : les difficultés de l’autogestion où directeurs et prédateurs prennent le pas sur les comités de gestion, l’urgence des campagnes d’alphabétisation, de reboisement (après les bombardements français au napalm durant la guerre), de santé… Le coup d’Etat de Boumediene en 1965 renverse la donne…
Comment représenter un homme dont on ne détient que quelques lettres et une photographie – cet homme que Jacques Vergès décrit comme un « homme de toute pièce, qui épouse la cause tout en restant lucide » ? Par son engagement, mis en exergue par ses compagnons de route. Ce fut celui de ces hommes et femmes de ces temps révolutionnaires. Sa mort prématurée évita à Yves Mathieu les désillusions et le cynisme. Si le film démarre dans le noir, sans doute est-ce en référence à ce qu’il n’a pas vu, la suite, sur laquelle il se termine, non sans laisser à Ben Bella un émouvant mot de la fin.
C’est ainsi que ce film fait œuvre de mémoire, notamment de ces anticolonialistes français qui voulurent poursuivre leur combat solidaire dans l’Algérie indépendante, mais constitue aussi une touchante réflexion sur le parcours d’un père et un hommage à son engagement. Si dans le monde actuel les modalités en ont changé, ce genre de films en réanime la brûlante nécessité pour élargir le champ du possible.

///Article N° : 13867

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Les images de l'article
© Les Films de l'Atalante
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Yves Mathieu © Les Films de l'Atalante
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