Arthur et Ibrahim d’Amine Adjina 

Print Friendly, PDF & Email

Cette pièce s’adresse à tous à partir de neuf ans et porte des messages qui peuvent sembler enfantins, mais qui sont ô combien essentiels. Arthur et Ibrahim, c’est une jolie histoire de copains de classe qui nous offre le commun et l’universel dont notre époque manque cruellement. L’histoire réussit à aborder l’immigration algérienne, le colonialisme français ou encore le racisme à hauteur d’enfants à l’aide d’un concept fort, qu’ils comprennent tous : l’amitié. 

Une superbe mise en scène ludique et évocatrice vient sublimer l’aventure ingénue des deux héros. Aux deux amis, interprétés par Mathias Bentahar et Antoine Chicaud (en alternance avec Romain Dutheil) s’ajoutent trois personnages dont deux joués par Anne Cantineau (en alternance avec Pauline Dubreuil) ; la maîtresse Thérèse et la mère d’Arthur ainsi que le père d’Ibrahim joué par Kader Kada.

Le père essaie, jusqu’à presque en devenir fou, de préparer son fils à affronter ce qu’il a  lui-même pu subir sans penser une seule seconde que pour Ibrahim, la vie pourrait être différente. Il explique maladroitement à son fils que la France ne les aime pas, qu’elle a fait du mal aux Algériens et qu’Ibrahim n’est pas Français. Alors, comme pour lui rendre hommage, Ibrahim ne jouera plus avec ses camarades qui ne seraient pas arabes comme Arthur. C’est pourquoi son meilleur ami va tout faire pour avoir le droit de jouer avec Ibrahim en tentant de devenir arabe. S’ensuit alors une aventure poignante, absurde et rocambolesque lors de laquelle on suit les deux copains dans leurs interrogations sur ce que ça peut vouloir dire d’être arabe.  

On notera le remarquable moment sur l’utopie, lors duquel Arthur dépeint un pays rêvé le temps d’un exposé. Un bel élan lyrique qui pousse même les plus grands à chercher à imaginer un autre monde.

Le texte d’Amine Adjina est très bien écrit, paru aux éditions Actes Sud en 2018, il met en lumière des maux qui restent très actuels et le propos de la pièce garde toute sa justesse. Portée par des comédiens talentueux, l’histoire drôle et touchante d’Arthur et Ibrahim nous ramène aux considérations primordiales.               

Un autre superbe moment est celui où la tension monte entre le père et la maîtresse et qui trouve une résolution parfaite. Elle est blanche et représente l’institution scolaire et cette France prétendument universaliste face à cet homme algérien, visiblement traumatisé par la colonisation. Ils essaient de se comprendre, mais le dialogue semble impossible. Les enfants ajoutent cette imagination qui nous permet d’aller au-delà de tels antagonismes. Ce moment est désamorcé grâce à la candeur du regard d’enfant que la pièce invite à garder, quel que soit son âge.

On sort de la pièce profondément content et plein d’espoir pour les jeunes générations, tant qu’il y aura des spectacles percutants célébrant l’ouverture à l’autre.

Lucie Messy

Les images de l'article





Laisser un commentaire