Du 12 au 14 Novembre 2012, un colloque international autour des poétiques contemporaines et de l’oralité dans les écritures francophones se tenait à Budapest, capitale Hongroise. Une quarantaine de chercheurs ainsi que cinq artistes de renom ont participé à cette manifestation scientifique impulsée par Yazid Lakhouache, directeur des Frankolorés/ Théâtre du Jour et organisée par le Centre Interuniversitaire d’Etudes Françaises (CIEF) de l’Université ELTE et le laboratoire SeFeA/Institut de Recherche en Etudes Théâtrales de l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Après la récente parution d’un ouvrage faisant suite à l’événement, un film est à présent disponible. Entre voix scientifique, témoignages de lecteurs, performances et paroles d’artistes, nous ouvrons à tous le monde de la recherche afin de créer des espaces de rencontres sans cesse renouvelés.
C’est la volonté de s’embarquer vers un monde idéal qui parcourt dans tous les cas la conscience utopique, la fait résonner des échos du monde inoubliable du conte, anime les rêves d’une vie meilleure, mais aussi – et il est grand temps qu’on le comprenne – suo modo les uvres d’art.
Ernst Bloch, Le Principe Espérance
L’enjeu du grand colloque Corps et voix d’Afrique francophone et ses diasporas : Poétiques contemporaines et oralité, organisé à Budapest par Réka Tóth et Sylvie Chalaye avec le soutien de leurs universités de rattachement ainsi que celui de l’Institut Français, était de parvenir à réunir chercheurs et artistes autour des écritures afro-caribéennes d’hier et d’aujourd’hui dans le but d’actualiser les questions liées à l’oralité et au conte. Cette manifestation a été le fruit de nombreux échanges entre l’université de Budapest et le laboratoire Scènes Francophones et Écritures de l’Altérité de Paris 3. C’est un projet qui voit le jour après plusieurs séjours de recherche, des conférences et la dynamique entremise de Yazid Lakhouache ayant permis aux institutions de se rencontrer. Yazid Lakhouache est l’homme de théâtre qui représente le vivier de la diffusion des littératures francophones en Europe de l’Est par le biais des nombreux ateliers, spectacles et grâce à son festival annuel les Frankolorés, il est également celui qui a conduit les lectures et a activement participé à toute l’organisation de ce voyage. Cette histoire scientifique fut un véritable challenge, celui de réunir des chercheurs en littérature francophone dans un pays où le français n’est pas majoritaire et où la diversité culturelle commence tout juste à s’installer.
L’objectif de fédérer et de produire de l’altérité dans un territoire inattendu a pourtant été atteint avec succès. Une réussite permise par le caractère polyvalent du programme de ces trois journées scientifiques qui ont emmené chercheurs, artistes et publics de l’université ELTE à l’Institut français de Budapest soit, d’une rive à l’autre du Danube. Conférences, débats, tables rondes et témoignages ont été ponctués par les performances d’artistes présents mais aussi des lectures données par les étudiants qui suivent les ateliers menés par Yazid Lakhouache depuis maintenant plusieurs années. Les mises en voix de textes fondamentaux de Césaire, Senghor, Ahmadou Kourouma ou encore d’Édouard Glissant, ont fait échos à ceux d’auteurs contemporains dont certains étaient présents comme Kossi Efoui, Gerty Dambury et Guy Régis Junior. Enfin, nous avons pu vivre concrètement le conte grâce aux talents de Roselaine Bicep et de Lima Fabien qui étaient parmi nous.
Plusieurs mois après ce chaleureux voyage, un ouvrage publié dans la Revue d’Étude Française de Budapest reprend les travaux des chercheurs qui mettent en évidence l’idée selon laquelle la tradition du conte semble intrinsèquement attachée aux dynamiques diasporiques qui marquent l’histoire afro-caribéenne dont elle assure transmission et continuité culturelle. Il s’agit, en outre, d’un ouvrage qui se propose d’interroger la physicalité des poétiques contemporaines d’oralité et leur capacité à convoquer corps et voix, à travailler notre mémoire en passant par la matérialité des perceptions sensibles. Un premier chapitre s’attache à ce paradoxe d’une oralité qui parvient à habiter le texte et l’écriture. Dans un second temps, ce sont les détours et les dynamiques de subversion qui s’attachent à la pratique du conte qui sont abordées. Un troisième volet interroge cette capacité des poétiques contemporaines à réinvestir l’oralité, tandis que le quatrième chapitre s’attache à la musicalité et à la vibration vocale. Enfin le dernier chapitre convoque le corps-territoire d’une oralité diasporique. (1)
Pendant ces trois journées où se sont succédé les interventions de chercheurs venus des universités du monde entier, Romain Vauclair, caméra sur l’épaule, promenait son micro des tables de conférences aux discussions plus intimes qui prenaient place autour d’un verre. Des communications aux performances, en passant par les lectures ; le film que nous vous proposons vous plonge au cur de ce parcours scientifique inédit et vous donne à vivre la rémanence des uvres de Sony Labou Tansi à Aimé Césaire, en passant par Édouard Glissant, Birago Diop, Werewere Liking, Kama Kamanda, Patrick Chamoiseau, Amadou Kourouma, mais aussi Kossi Efoui, Koffi Kwahulé, Guy Régis Junior, Dieudonné Niangouna, Jean-Luc Raharimanana, Gerty Dambury
Un conte d’Afrique à Budapest from Romain Vauc on Vimeo.
Réalisation : Romain Vauclair et Pénélope Dechaufour.
Comité d’organisation du colloque international Corps et voix d’Afrique francophone et ses diasporas : Poétiques contemporaines et oralité : Dávid Szabó (ELTE), Réka Tóth (ELTE), Melinda Kiss (ELTE), Sylvie Chalaye (Paris 3), Pénélope Dechaufour (Paris 3), Yazid Lakhouache (Le Théâtre du jour).
Mises en voix : les étudiants de l’Atelier Théâtre de ELTE/CIEF et les lycéens des Ateliers Théâtre des sections bilingues des Lycées Kölcsey Ferenc et Hunfalvy János sous la direction de Yazid Lakhouache.
1. Sylvie Chalaye et Réka Tóth, Texte introductif du volume Corps et voix d’Afrique francophone et ses diasporas : Poétiques contemporaines et oralité, Revue d’Études Françaises N°18, Hongrie, Presses universitaires ELTE, 2013.///Article N° : 11743