Diffusion : des efforts surhumains ?

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La production et la diffusion du cinéma africain ne sauraient être traitées séparément, affirmaient les participants du colloque »Cinéma et circuits de diffusion en Afrique », au Fespaco 99.

« Si la production d’un film représente un effort considérable, la diffusion est un effort surhumain. » Dès l’ouverture du colloque, l’optismisme était rangé au placard. Pour Dominique Wallon, ancien directeur du CNC français et auteur d’un rapport ayant préparé la réforme de l’aide européenne aux cinémas du Sud, la crise de la production est également liée au manque de diffusion, que les aides négligent. L’état des lieux est piteux : peu de diffuseurs professionnels et de salles, souvent en mauvais état, manque de copies, films de série B et productions américaines. D’où la nécessité d’investir dans un réseau de salles, privées mais aussi publiques, de mettre en place une billetterie contrôlée et de constituer un véritable réseau de promotion des films. Wallon souligna l’importance de la diffusion des courts-métrages et l’étendue du patrimoine de films africains dont la plupart n’ont jamais été vus.
Nécessité donc d’intégrer la diffusion dans les aides au cinéma ACP – mais sous quelle forme ? Telle était la question de Serge Kancel de l’Union européenne qui annonça au passage la mise en place d’une cellule de mission d’assistance technique par l’Union, attribuée au Festival d’Amiens. Avec qui doit-on passer le contrat ? Une aide systématique au cinéma ACP ne pourrait-elle pas donner de »mauvaises habitudes » aux distributeurs ? Les enjeux économiques augmentent les tensions dans le domaine…
Pour que le film africain intègre véritablement les circuits commerciaux, il faut qu’il soit compétitif et qu’il bénéficie d’un minimum de matériel de promotion : bandes-annonces, affiches, documents de presse etc. C’est ce qui manque terriblement à beaucoup de films africains, affirme Bassek Ba Kobhio qui présenta l’expérience d’Ecrans noirs. Cette association camerounaise diffuse depuis quatre ans – et avec succès – des films africains en Afrique centrale, surtout dans des centres culturels mais aussi dans des salles commerciales quand elle dispose de matériel promotionnel. »Le problème n’est pas que le public africain aime ou n’aime pas ces films. Quand un film africain est présenté, il va le voir – il en déteste beaucoup, il en aime certains », affirme Ba Kobhio. »Il nous faut raisonner en termes de région », continue-t-il. Débordant du cadre des salles de cinéma, l’association programme, depuis un an, un film africain par mois à la télévision camerounaise.
La compétitivité des films africains fut soulignée aussi par Noureddine Saïl de Canal+ Horizons. »Un film africain doit passer comme un film normal, sans klaxons ni débats », martèle-t-il. Une réglementation sur l’intervention des télévisions dans la production des films est nécessaire : »Si les télés sont libres, elles préfèrent acheter sans participation, et si elles sont fauchées, elles préfèrent ne pas passer de films africains. »
Et le marché ? Aux Etats-Unis, dit Cornelius Moore du Southern Africa Media Center, »Le marché des salles commerciales est extrêmement difficile. Il n’y a que 2% de films étrangers dont la moitié provient de France. » Il se limite donc aux écoles, universités, bibliothèques etc. Le marché de la télévision par contre, avec ses nombreuses chaînes privées, offre des possibilités considérables. Moore mentionne l’exemple d’une chaîne cablée qui programme chaque année une semaine du cinéma africain.
Point de modes d’emploi, mais beaucoup de questions – tel était le solde de ce colloque. Dans les ateliers, les discussions allèrent bon train, par moments passionnées. Ce fut le cas quand Ba Kobhio suggéra la possibilité de transformer le réseau des festivals en réseau d’exploitation, en utilisant les fonds prévus pour le déplacement des cinéastes pour payer des droits de diffusion. »Mais cela ne nous ferait-il pas déboucher simplement sur un marché de substitution ? » s’exclame un participant. A Gaston Kaboré de rappeler calmement que pour l’instant, c’est souvent le réalisateur qui paie les copies et le sous-titrage, sans aucune assurance de retour financier…
« Le film africain doit devenir compétitif. » Faut-il laisser à cet exploitant de salles sénégalais le dernier mot ? L’effort surhumain ne serait-il pas d’allier commerce et culture ?

///Article N° : 837

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