» Nous sommes en paix ici, même si nos poumons regorgent de guerres secrètes. «
Seitlhamo Motsapi
» Nous sommes une salade : pourquoi nous traiter comme un potage ? » s’écriait l’écrivain Denis Hirson en octobre aux rencontres d’Aix-en-Provence. Alors que les politiques et les médias se cherchent ici comme là-bas un discours unique célébrant l’avènement d’une nation magiquement réunifiée, les expressions artistiques sud-africaines jouent l’introspection et la complexité, explorent les antagonismes et les culpabilités, revendiquent une réécriture de l’Histoire, non pour gommer un passé mais par ce souci de la mémoire qui prétend la regarder en face pour en faire un synonyme de dignité. Il ne s’agit pas de refaire l’Histoire mais de la repenser, sans masquer l’existence des groupes, des cultures et des identités. Il s’agit de percevoir que l’apartheid a fait de l’Autre un étranger, écharde à rejeter par peur d’y perdre sa pureté. Et que ce qui est à dépasser n’est pas le doute mais le soupçon. En somme d’aller à la découverte de soi-même pour s’ouvrir à l’Autre, car cette incertitude ne peut qu’ouvrir le cur et la raison.
Le passé est encore trop récent pour que les différentes communautés se jettent dans les bras les unes des autres. Des métamorphoses doivent venir qui ne peuvent s’accomplir que dans la reconstruction de l’image de l’Autre pour dépasser les haines, les peurs et les phobies : extirper de l’arsenal de représentations forgées par l’apartheid ce qui fonde les certitudes relatives à l’inégalité entre les hommes. En somme, comme le disait l’écrivain Achmat Dangor, » alors que nous avons décrit par le passé victimes et bourreaux avec amour, trouver un amour tout particulier fondé sur la réalité nouvelle. » C’est bien de continuité et non de rupture que nous parlent les artistes sud-africains, non avec l’horreur mais avec l’humanité qui permettait de la dépasser. Et c’est sans doute toute l’actualité de ce dossier que nous avons voulu centrer sur ces nouvelles voix qui s’élèvent pour trouver à l’Afrique du Sud, et partant à chacun de nous, des voies d’avenir.
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