Extrait des Déconnards de Koffi Kwahulé

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 » Devant la case d’Aléman flottait le drapeau français qu’il saluait tous les lundis en chantant  » La Marseillaise « . Après ce rituel (car c’en était un dans son esprit), comme pour annoncer à tout un chacun qu’il venait de rendre les honneurs au drapeau… à de Gaulle… le drapeau, il l’avait surnommé  » de Gaulle « … Donc, comme pour annoncer qu’il venait de saluer de Gaulle, il soufflait dans son vieux clairon.
Le général de Gaulle, c’était son dieu. Il était pour lui l’homme qui avait prouvé que les Français eux aussi étaient des hommes. Les Allemands étaient venus occuper la terre de France comme si jamais auparavant ce pays n’avait été habité par des hommes. Alors de Gaulle, ce véritable dieu-blanc, avait eu l’intelligente humilité de faire appel à eux, eux les tirailleurs sénégalais. Devant les Allemands, de Gaulle s’était dressé, seul ! Il avait dit non ! Lui seul ! Et lui des hommes comme ça, il les respectait.
Et cette médaille qui ne le quittait jamais, c’est de Gaulle lui-même qui la lui avait mise sur la poitrine en lui disant :  » Wala midaill’pasqué toi courangé « . Pour lui la France, c’était de Gaulle.
Mais l’Allemagne…. ah l’Allemagne ! C’était autre chose ! l’Allemagne c’était le courage, la vaillance, la ténacité, la discipline…  » Ah dizibline dé Alémans ! « . C’était ce qu’il admirait le plus chez les Allemands.  » La di-zi-bli-ne !  » Dans sa case, il avait une croix gammée, et chaque fois qu’il saluait quelqu’un, il le faisait avec le salut hitlérien. Hitler ? Connais pas ! Il ignorait même tout de cette guerre où deux de ses frères avaient trouvé la mort ; il savait seulement que d’autres Blancs qui s’appelaient  » Alémans  » avaient provoqué de Gaulle et les vrais Blancs de France ; comme beaucoup Aléman croyait que les Français étaient l’unité de mesure en matière de race blanche. Mais vrais Blancs ou pas, les Alémans étaient de vrais guerriers !
Il avait décidé de s’appeler Aléman parce qu’il estimait que son propre courage n’avait d’égal que celui des Allemands. « 

Koffi Kwahulé, Les Déconnards, éditions Acoria, 2000. ///Article N° : 1223

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