Festival du film amazigh 2007 : une nouvelle génération algérienne

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La 7ème édition du festival national annuel du film amazigh (berbère) a eu lieu à Tlemcen, Algérie, du 11 au 15 janvier 2007. Festival itinérant, il avait déjà été organisé à Alger en 1999, puis à Tizi Ouzou, Oran, Bobigny, Annaba, Ghardaïa et aura lieu à Sétif en 2008. Le directeur de la télévision algérienne s’est engagé à acheter les droits des films ayant reçu l’olivier d’or, le trophée du festival.

En attendant que le festival d’Alger ressuscite de ses cendres, c’est dans la sphère culturelle amazigh qu’a subsisté le dernier festival de cinéma en Algérie, lequel prend à cœur, en l’absence de toute école de cinéma (1), la formation de jeunes réalisateurs et d’animateurs de ciné-clubs par des stages successifs. C’est ainsi que le festival leur proposait ainsi qu’aux journalistes un stage sur la critique cinématographique animé par des membres de la Fédération africaine de la critique, lequel a débouché sur la constitution d’un comité chargé de préparer la constitution d’une association algérienne de la critique de cinéma.
Le festival rassemblait en un panorama et une compétition une partie des films récents dont la langue de tournage et/ou le sujet sont de culture amazigh. La compétition à laquelle nous nous attachons ici comportait une quinzaine de films de fiction et documentaires, ainsi qu’un film d’animation de 6 minutes, Zim et Zam de Matoub Massinisa.
Le mot amazigh recouvre les cultures dites berbères et les dialectes de la langue tamazigh qui compte 20 millions de locuteurs : en Algérie, kabyle (taqbaylit), touareg (tamasheq, tamahaq, tamajaq), chleuh, chaoui (tachelhit), chenoui, mozabite, chelha, tagargrent ; au Maroc, chleuh, rifain (tarifit), zayane, ghomara ; au Mali, touareg ; en Tunisie, chelha ; en Lybie, nefoussa ; en Mauritanie, zenaga ; en Egypte, siwi. Le tamazigh est souvent transcrit en caractères latins mais il a son propre alphabet conservé par les Touareg : le tifinagh.
Si le souci de mémoire et de documentation patrimoniale est constant dans les films comme en témoignaient les trois longs métrages historiques tournés en tamazigh, La Colline oubliée d’Abderrahmane Bouguermouh (1994), président du jury et honoré par le festival, Machaho de Belkacem Hadjadj (1995) et La Montagne de Baya de feu Azzedine Meddour (1997), la revendication identitaire amazigh ne s’exprime plus en terme d’opposition à la dominance de la culture arabe mais comme une volonté d’expression au sein d’un ensemble composite. Le tournant opéré par le pouvoir algérien en avril 2002 qui a reconnu le tamazigh comme langue nationale a permis au festival du film amazigh de conquérir peu à peu une place officialisée en 2005 jusqu’à son parrainage par le président Bouteflika et par la ministre de la Culture Khalida Toumi.
Une jeune génération
Il faut que le problème soit crucial en Algérie pour que les jeunes réalisateurs qui tentent aujourd’hui l’aventure cinéma dans un pays en convalescence s’y frottent aussi souvent : soumis à la pression sociale, les jeunes diplômés au chômage tombent dans une désespérance les menant jusqu’au suicide. Quelle alternative trouver pour survivre ? Alors que Smaïl Messaoudi penche pour l’émigration dans son 24′ Quelqu’un d’autre (Yiwen n niden) où le jeune Farid cherche à embarquer clandestinement dans un bateau vers l’eldorado occidental, la solution proposée par Mohamed Yargui dans Au bout du tunnel (Ad-bin tifrat) aux jeunes de son pays est autrement plus réjouissante.
L’argument de ce 15′ qui a obtenu l’olivier d’or, le prix du jury dans la catégorie fiction, est minimal : un jeune se retrouve au chômage, se désespère puis retrouve une raison de construire sa vie. Cela n’empêche pas ce court métrage d’être passionnant de bout en bout, tant le fil narratif est servi par un langage de cinéma plutôt que par des mots. Dès le début, les choses sont posées avec finesse. Un simple panoramique sur la chambre où le réveil sonne situe le jeune Youcef qui loge chez ses parents. En quelques plans bien rythmés, il se prépare pour rejoindre son travail. De la saisie informatique pour un ingénieur, ce n’est pas la panacée mais au moins existe-t-il socialement. Il s’agit pourtant d’un pré-emploi et l’ombre du patron qui vient envahir le mur annonce à Youcef qu’il ne peut le garder. Ainsi symbolisée, l’annonce de son supérieur s’apparente à un coup du destin. Sous le choc, le jeune licencié arpente la ville. Mohamed Yargui excelle à exprimer par l’image ce que Youcef ressent : une allée bordée d’arbres l’enserre dans un étau, une plongée sur un chantier rappelle la dureté de la recherche d’emploi.
Plus encore, en préférant aux dialogues des voix intérieures qui l’agressent, reflets des normes sociales contraignantes, il révèle la schizophrénie d’une société qui demande à ses jeunes de réussir sans leur en donner les moyens. La solitude de Youcef le mène vers la mer tandis que la géographie des escaliers de la ville de Bedjaïa sous-tend sa progression mélancolique. Des jeux de perspectives en tous sens permettent à Yargui de maintenir la tension de cette quête angoissée. Cette mélancolie si commune aux cinémas de la Méditerranée est-elle mortifère ? Non, Youcef se bat en cherchant un emploi de boutique en échoppe. Il arrive au bout du tunnel lorsqu’il comprend qu’une qualification manuelle lui permettra de sortir du cercle de la folie. Réussir sa pâte sera un accomplissement dont la saveur rend à Youcef le sourire qui l’avait quitté.
Il y a certes les lourdeurs de certains raccords ou les maladresses d’une mise en scène appliquant les recettes d’école, mais ce premier court métrage se détache par son souci d’exprimer par la symbolique de l’image ce que ressent un personnage qui prend en mains son destin. Il augure d’un talent en formation, celui de Mohamed Yargui et de son équipe d’amis amoureux de cinéma de Bedjaïa, mais aussi celui d’une jeune génération qui se saisit de la caméra pour prendre en charge son devenir en imposant ses propres thèmes dans une société en renaissance où tant de choses sont encore figées.
Le stage de réalisation organisé durant le festival 2006 avait ainsi permis de tourner collectivement un amusant 5′, Tout va bien, sur un couple sans cesse dérangé alors qu’il répète Roméo et Juliette mais qui continuera contre vents et marées, à l’image de la détermination de ces jeunes réalisateurs face aux difficultés. Ce film d’atelier explore sans lourdeur l’échelle des plans et les angles de caméra qui soutiennent son propos.
S’il y a quelque chose que partagent bien ces premiers courts métrages montrés à Tlemcen, c’est la sincérité. Et cela malgré le manque de moyens. Smaïl Messaoudi avait déjà son scénario de Quelqu’un d’autre (Yiwen n niden) prêt en 1999. Il a tenu à le tourner tel quel en 2006 pour régler son compte avec son traumatisme de jeune diplômé au chômage. Le film en léger sépia est marqué par ce rapport au temps, une volonté insistante de représenter l’attente, le blocage, les changements de lieux d’une migration intérieure qui se fera en désespoir de cause tentative d’émigration. Une musique répétitive composée par l’acteur principal Allili Mohand Larbi qui interprète avec une belle retenue un Farid peu à peu dépossédé de lui-même, condamné qu’il est à devoir vendre ses livres sur le trottoir. Ici aussi comme chez Yargui, une échappée vers la mer et le regard au loin, l’incommunicabilité avec les femmes, la tentation d’en finir comme cette fourmi morte dans le creux de la main, les escaliers de la ville de Bedjaïa qui devient infernal miroir de son errance. Bien qu’ayant tendance au risque de lasser le spectateur à confondre temps du personnage et temps du cinéma dans son souci de faire percevoir l’attente, le court métrage coup de gueule de Smaïl Messaoudi innove autant par son non-conformisme que par son souci de se faire répondre musique, cadre et mouvement sans devoir se plier aux dialogues.
Ces trois courts métrages étaient les seuls à tenter ainsi une écriture cinéma, mais ils n’étaient pas les seuls à aborder des thèmes nouveaux, témoins d’une société qui s’interroge sur elle-même et sur son rapport à sa propre Histoire après le traumatisme de la dernière décennie. L’autonomie de moyens que permettent les nouvelles technologies favorise l’émergence de nombreux travaux qui n’auraient pu voir le jour dans un cadre institutionnel aux normes encore rigides. C’est bien sûr là que le travail critique prend tout son sens et ce n’était pas un hasard si le festival avait choisi de proposer à ses stagiaires d’ajouter ce regard à leur formation de réalisateurs avant même qu’ils ne terminent leur premier film.
Dans le contexte algérien actuel, toute initiative d’images est éminemment respectable. Cette analyse des films de la compétition n’est donc pas à prendre comme un jugement en bien ou en mal mais comme une tentative de discernement critique tel qu’il a été défini durant le stage : une distinction entre une image qui impose un discours (souvent institutionnel, religion ou Etat) ou renforce des préjugés et régressions et une image qui laisse au spectateur la latitude de penser en l’invitant à être responsable de son devenir.
Scénarios dangereux et mépris des femmes
Si le fait de prendre pour sujet le sida est courageux dans une société où il est tabou de parler de sexe, La Rencontre mortelle de Saïd Bellili (24′) consterne par la platitude des images et des dialogues, mais surtout par un scénario où le héros séduit par une belle apparition se suicide après qu’elle lui ait révélé être séropositive et l’avoir entraîné dans son malheur. Terrible façon de culpabiliser ainsi les femmes, lesquelles ne sont d’ailleurs que ramenées à leur place traditionnelle dans les films présentés qui n’innovent jamais en la matière. Au contraire, les pires clichés sont parfois encouragés comme dans L’être cher (Aeziz akken yebyu yili) d’Ahmed Djenadi, un long métrage où une jeune femme a du mal à supporter son beau-père particulièrement agressif et acariâtre. On découvrira peu à peu que le comportement exagéré du beau-père est causé par la belle-mère comploteuse qui aurait placé dans sa chambre un objet maléfique pour lui jeter un sort. Une sorcière en somme : sous prétexte de dénoncer l’abandon par leurs enfants des vieux dans les hospices et sous couvert de bons sentiments pour faire verser une larme lorsque père et fils se réconcilient, le film encourage ce travers encore fréquent dans la société de tenir une personne responsable de ses maux en lui attribuant des pouvoirs maléfiques. En passant, il suggère que tout le monde peut se réconcilier si le bébé à naître est un garçon plutôt qu’une fille…
De même que Plus belle que l’ange (Touf Tanir’t) du Marocain Abdellah Dari, un de ces quarante films en tamazigh tournés chaque année au Maroc pour une distribution locale en vidéo, L’être cher a toutes les caractéristiques des productions à petits budgets dites « populaires » : fixité des plans où des acteurs doivent surjouer pour exister par leurs seuls dialogues et le font avec force mimiques, montage linéaire haché où les scènes dialoguées en champ-contrechamp alternent avec des déplacements, platitude d’une image sans perspectives, musique dramatique appuyée, absence absolue de métaphores et de hors-champ. Cette esthétique de feuilleton télé concourre à supprimer ce qui empêcherait une identification immédiate aux personnages. Ce sentiment de proximité dicte au spectateur ce qu’il doit ressentir et ne lui laisse pour choix que d’adhérer aux solutions du scénario.
Se voulant humoristique en stéréotypant à outrance son personnage, Le Curieux de Sami Allam met en scène un homme avare qui croit avoir fait une bonne affaire en achetant un appartement bon marché. Il se révèle victime d’une machination qui rend borgne tous ceux qu’une voix mystérieuse rend trop curieux. Il n’est pas sûr qu’on puisse voir dans ce 22′ sans rythme ni poésie la dénonciation d’un intérêt trop marqué pour surveiller la vie des autres et c’est finalement ses propres personnages que le film méprise.
Soucieux de traiter du manque de communication dans le couple, un thème nouveau qui pourrait contribuer à davantage d’égalité, Mesri Lahouari enfonce le clou dans Le Cadeau avec force zooms, gros plans, voix intérieures, effets spéciaux et dramatisation. Un couple qui ne communique plus retrouve le dialogue après avoir douté de leur amour mais ici encore, la femme ne peut être reconnue que lorsqu’elle est mère.
Nécessaire vigilance
Cette nouveauté des thèmes ne saurait ainsi diminuer l’importance d’une vigilance critique, ce qu’illustrait également l’ensemble des documentaires présentés.
La Femme chaouie de Haya Djeloul est supposé dresser le portrait d’une femme chaouie dans un coin reculé des Aurès. Elle est filmée dans ses gestes quotidiens traditionnels, du ramassage des dates à celui du bois, de la confection du beurre aux galettes. L’image est parfaitement touristique, en zooms et panoramiques avant d’explorer les détails du paysage tandis qu’un commentaire omniprésent est plaqué sur une musique de chants traditionnels en continu et une image décorative qui transforme les gestes en folklore. L’harmonie n’est qu’apparente : les contradictions de la vie réelle ne sont jamais abordées. Ce discours sur une femme qui en 52 minutes n’a jamais droit à la parole offre le spectacle nostalgique d’un musée tandis que la période de la guerre de libération est évoquée par des images de propagande de l’époque ou des extraits de La Bataille d’Alger. C’est bien l’institution qui parle derrière l’image dans ce produit de la télévision algérienne. Mystifier l’activité humaine empêche de rétablir la continuité de l’héritage. Cette illusion du réel entrave la construction collective d’un lien entre le passé et le présent. Entendre le réalisateur indiquer que le film sert de support pédagogique dans des cours de cinéma « pour sensibiliser aux signes paralinguistiques » donne des frissons dans le dos.
Si La Femme chaouie est un musée, L’Imzad de Tifaoui, une musique féminine touarègue, produit par le CNRPAH, est un livre. Le docte commentaire ethnologique ne s’arrête jamais de commenter l’image ou plutôt l’image d’illustrer ce texte savant par ailleurs tout à fait intéressant mais inadapté au cinéma ou à la télévision car il mobilise l’espace de compréhension au détriment de l’image elle-même. Rien n’y fait : la multiplication des plans, les fondus enchaînés, toute la grammaire cinématographique ne peuvent restaurer une communication et l’on oublie vite tout ce que l’on n’a fait qu’entendre plutôt que percevoir. Dommage : cette vielle monocorde jouée par des femmes sur des chants signifiants est en voie de disparition, et avec elle la symbolique correspondante. Les femmes ne reprenant pas la tradition, c’est la transmission de la cosmogonie qui se dilate et ainsi les repères de la culture tamasheq.
Trois documentaires de meilleure facture étaient réalisés par des Algériens « de l’extérieur » et abordaient des thèmes qui ont longtemps fâché. Produit par France 3 Méditerranée et France 3 Corse, Slimane Azem, une légende de l’exil de Rachid Merabet (52′, 2005) s’attache à la mémoire du père de la chanson identitaire kabyle mort en 1983 qui a dû s’exiler lorsqu’il fut accusé de traîtrise par le FLN pour avoir voulu protéger en 1958 son village face à la supériorité armée des troupes françaises. Il n’a jamais pu revenir en Algérie et c’est paradoxalement cet entre-deux culturel qu’il a si bien chanté, ce va-et-vient du vécu immigré, alors que « on lui avait enlevé le mythe du retour ». La répression de la langue tamazigh aura contribué à sa dimension légendaire et c’est cela que le film cherche à mettre en avant, sans jeter de l’huile sur le feu mais en insistant sur la vision universelle de ce poète qui fut le premier artiste d’Afrique du Nord à recevoir un disque d’or. Comment convoquer la mémoire ? Pas de tournage en Algérie pour des raisons de production. Ce seront donc, classiquement et sans pouvoir dépasser ce regard à distance, les paroles des proches, les rares images d’archives, les chansons : un savant dosage en cercle permet à l’émotion de sourdre lorsqu’à travers une compréhension sensible du personnage, c’est le vécu de l’immigré et de l’exilé que l’on ressent.
Reste que le temps télévisuel n’est pas le temps du cinéma : jamais le film ne nous laisse écouter Slimane Azem plus que par bribes. Frustration. C’est aussi cette fragmentation qui marque le traitement du documentaire qui a obtenu l’olivier d’or de sa catégorie : Les Âmes de l’exil de Saïd Nanache (52′, 2006). Un exemple : le film s’attache à la complainte d’une vieille dame qui se sent abandonnée par ses quatre fils émigrés. Quand ils ne sont pas morts, ils ne lui rendent plus visite. Elle est filmée en train de prier. La séquence est coupée en au moins trois plans de proximité : de devant en plongée, de côté, de derrière. Dans toute culture, la prière est un acte éminemment respectable. Ne faudrait-il pas pour cela un peu de distance, voire un peu de cache dans l’écran comme un rideau, et un plan fixe qui ramène la mise en scène à un regard plutôt qu’à cette façon rythmée de montrer du doigt ? La prière n’est pas un spectacle, ni cette femme si souvent réduite par une caméra qui la domine. La misère non plus : ce n’est pas parce que cet œil scrutateur du pré-générique explore les infiltrations d’eau et les détails de la pauvreté de l’ancien combattant d’Indochine qu’il dénonce mieux la ridicule retraite que lui offre la France qu’il a servie une quinzaine d’années. La simple inscription de ce personnage dans son environnement aurait suffi, plutôt que de chercher à nous imposer une pensée. L’indécence et l’indiscrétion ne démontrent rien de plus que leur propre volonté de régir la réflexion. Même chose pour la vieille femme : sa dignité est sans cesse concurrencée par le rythme qu’imposent les changements d’angle de caméra où l’insert d’illustrations imagées de son propos. Elle n’est plus dès lors sujet autonome mais objet de la démonstration d’un réalisateur qui enfonce le clou par son commentaire.
Est-ce la télévision qui oblige ou bien l’intégration d’un modèle qui finit par se générer de lui-même par crainte d’ennuyer ? Le film se fait hommage aux femmes mais les respecte-t-il ? En quoi Menad Embarek valorise-t-il son sujet dans son 52′ Au « non » de Vinci lorsqu’il l’isole dans un café, sur un banc public ou sur le mur blanc d’une association de culture berbère dont nous ne verrons jamais les locaux au lieu de le filmer dans son environnement de vie ? Pourtant, Claude Vinci, le déserteur qui face aux exactions françaises avait choisi le FLN, mériterait davantage de respect. Le spectateur aussi. Ce n’est qu’après la moitié du film qu’il apprendra que Vinci est un chanteur, un écrivain, un homme qui a l’habitude de la scène. Sa prestation si sympathique d’acteur-né s’écroule, déjà écorchée par la valse des échelles de plans durant son témoignage. Vinci n’est pas Slimane Azem mais on lui coupe aussi la parole pour illustrer par une multitude d’images d’archives ou par un reportage en Algérie où il est absent, remplacé par le réalisateur. Il aurait peut-être aimé être là mais le fait qu’il ait été communiste après s’être engagé auprès du FLN a-t-il entravé un voyage de mémoire ? Vinci n’est pas Slimane Azem mais c’est un bon chanteur : pourquoi lui couper la voix dès les premiers mots de Celle que je n’aurais pas voulu faire pour le remplacer par son disque, ou bien ne pas lui laisser chanter plus d’une phrase du déserteur de Boris Vian à la fin du film ? Sa voix ne nous aurait-elle pas autrement émue ?
Qu’il s’agisse du communiste Vinci ou du Berbère Azem, ce sont des sujets qui fâchent encore. Claude Vinci montre que le combat anticolonial n’opposait pas des pays mais des visions politiques et que dans chaque peuple, on pouvait compter les progressistes et les conservateurs. Avec Slimane Azem, c’est un pan entier de la culture algérienne qui a été reniée. L’existence de ces films est par elle-même l’espoir d’une mémoire qui se détache des mythes pour aborder la réalité en face. Il ne s’agit pas de réinterpréter le passé à la lumière de ce qui a suivi mais de dégager à travers les actes de ceux qui se sont engagés leur lucidité et leur prémonition, leur désir d’une société ouverte à toutes ses composantes dans l’utopie d’une vie commune.
Il faut le dire bien fort : ces sujets sont magnifiques et le réalisateur a pour responsabilité de les valoriser. Le documentaire qui cherche un financement télévisuel est contraint à une négociation mais son rôle est d’instiller un maximum de cinéma dans le film, c’est-à-dire une image qui laisse au spectateur son autonomie de pensée et au sujet filmé son expression propre.
C’était bien l’enjeu de la vigilance critique menée au cours de ce festival. Un comité a été désigné pour préparer la création d’une association algérienne de la critique cinématographique qui permette à l’Algérie de prendre sa place dans la dynamique de la fédération africaine (www.africine.org). En alliant l’énergie des jeunes qui en veulent à l’expérience et la documentation des anciens, ce pays peut reprendre la place qu’il mérite dans le grand dialogue critique qui écrit peu à peu l’histoire des cinématographies d’Afrique.

1. L’Institut national du cinéma (INC) créé à Ben Aknoun en 1964 avait formé Mazif, Belloufa, Allouache etc. mais a vite été délaissé puis fermé. Depuis, aucun institut de formation n’a vu le jour en Algérie.Déjà, le commissariat du festival à créé un magazine trimestriel de bon niveau, Asaru Cinéma, dont le premier numéro est sorti en ce mois de janvier 2007, avec un dossier sur l’état et les perspectives du cinéma en Algérie et des contributions notamment de Si El Hachemi Assad, Mohamed Bensalah, Mokrane Mariche, Salim Aggar, Hind Oufriha, Sadia Saïghi.
www.filmazigh.org
[email protected]
Festival du film amazigh
Bibliothèque nationale d’Algérie
BP 127, El-Hamma, Alger
Tel/fax : +213 (0)21 67 91 12///Article N° : 4698

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Les images de l'article
Mohamed Bensallah et le comité de préparation d'une association algérienne de la critique cinématographique lors d'un débat public
Réunion pour la formation d'une association algérienne de critique cinématographique
Les trois réalisateurs libanais venus présenter leurs films lors d'un regard sur le cinéma libanais
La maison de la Culture de Tlemcen où a eu lieu le festival
De gauche à droite, les réalisateurs Smaïl Messaoudi, Menad Embarek, Saïd Bellili et Sami Allam lors d'un débat public après leurs films
Le commissaire du festival, Si El Hachemi Assad, lors de son discours d'inauguration
Abdourrahmane Bouguermouh durant l'hommage qui lui a été rendu
Le carnaval de la cérémonie d'ouverture à l'occasion du nouvel an amazigh, yennayer
Le commissaire du festival, Si El Hachemi Assad





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