Haïti, la rançon de l’indépendance, de Wandrille Lanos

Remboursez !

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Si Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde, il y a des raisons. La France y a tenu une grande part. C’est ce qu’explique remarquablement ce documentaire à voir sur le petit écran.

Les documentaires faits pour la télévision sont en général assez formatés : un commentaire illustratif des images. C’est bien sûr ici le cas puisque ce film est destiné à passer sur différentes chaînes, en commençant par France 2 le 12 mai 2025 en deuxième partie de soirée, mais visible ensuite en « replay ». Il se détache cependant par la qualité de sa recherche iconographique et de ses archives, et par les personnes invitées à parler, le plus souvent haïtiens, à qui l’on laisse le temps d’approfondir leur propos. On verra ainsi notamment Frantz Voltaire, Yanick Laens, Jean-Marie Théodat, Myriam Cottias, sans oublier Jean-Marc Ayrault qui a beaucoup fait pour que sa ville de Nantes travaille sur sa mémoire esclavagiste.

Tout cela est passionnant et terrible : parce qu’il fallait indemniser les colons expulsés par la révolution des esclaves en 1804, une dette énorme est imposée au pays en échange de la reconnaissance de son indépendance. Les intérêts s’étant ajoutés, elle ne sera soldée qu’en 1952. L’ultimatum musclé était clair : le pays n’avait le choix que de payer, au détriment de son propre développement. Cette rançon est la principale source du délabrement d’Haïti, de sa plongée dans les dictatures et le chaos. Le rappel historique du début est bienvenu mais la deuxième partie du film est particulièrement intéressante, touchant à des faits d’extorsion et d’impérialisme financier qu’on connaît mal et qui sont là très clairement expliqués.

L’évaluation des plantations s’est faite esclaves compris, ce qui augmentait considérablement le prix. On a donc remboursé aux colons la perte de leurs esclaves, ce qui est fort de café ! A l’heure où la question est à nouveau posée de restituer cette ponction (cf. la tribune de Thomas Piketty qui propose de la placer dans des fonds réservés à des infrastructures d’éducation et de santé indispensables), un tel film met les pendules à l’heure. On assiste là à « l’histoire d’une petit pays qui avait tout et d’un grand qui a voulu tout lui prendre ». Le grand, c’est la France qui s’est singulièrement enrichie avant et après 1804. La résistance fut féroce, qu’il fallait cacher pour ne pas donner l’idée à d’autres. Qui connaît la bataille de Vertières, gagnée en 1803 par les esclaves contre les 42 000 soldats de Bonaparte ? La victoire d’une République noire met en danger l’édifice colonial.

Haïti payera. Le néo-colonialisme y est financier. Certes, en plus des banques, la prédation de l’occupation américaine de 1915 à 1934 plonge le pays dans le chaos. Mais quand Aristide arrive au pouvoir en exigeant la restitution du montant faramineux de la dette, on le réduit au silence. C’est parce que ce documentaire analyse les conséquences historiques de ce qu’il décrit qu’il est aussi pertinent pour les temps présents; A voir absolument !


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