Cela commence mal. Les ficelles habituelles du film à thème américain s’entremêlent sans en oublier aucune. Un homme noir en passe de devenir champion du monde de boxe est jeté en prison, accusé de meurtres qu’il n’a pas commis. Une pénétrante musique achève d’asséner ce que l’image dramatise déjà à souhait, tandis que la dualité entre bons et méchants ne laisse aucune doute planer. Et puis, c’est le miracle : l’émotion s’engouffre par une voie inattendue, celle d’un jeune Noir qui se reconnaît dans le récit que Carter a publié sur sa vie. Naît une amitié qui permettra à chacun des deux hommes de gagner le pari de la vie. Bien sûr, pour ne pas déroger au scénario-type (Amistad etc), la justice triomphera grâce au soutien des bons Blancs et de par la Constitution des Etats-Unis. Tout cela est caricatural et stéréotypé à en pleurer, et d’ailleurs toute la salle sniffe en tous sens. L’intérêt du film est en marge du film, dans le parallèle établi entre la lutte des Noirs contre la ségrégation et celle de Carter pour la justice. On retrouve alors la capacité du cinéma hollywoodien à retravailler les grandes causes pour souder la société. Jewison n’est-il pas l’auteur de Devine qui vient dîner ?, un modèle d’intégration ? C’est sirupeux ( » La haine m’a jeté en prison, l’amour m’en fera sortir « ), trop pour être honnête. Chacun reste bien à sa place, si ce n’est ce jeune Noir aux joues rondes qui arrive à faire bouger les choses. Il devient ainsi le personnage central d’un film pourtant entièrement construit pour Denzel Washington, d’ailleurs couronné pour sa prestation tant à Berlin qu’aux Oscars un Denzel comme toujours excellent autant qu’agaçant dans son rôle charismatique de Hérault de la justice soumis aux épreuves de l’initiation dans la voie de la sagesse (on le voit même lire Krishnamurti). Il reste un film mi-péplum mi-western parfois efficace mais surtout décevant qui, alors que le journaliste et militant noir Mumia Abu-Jamal croupit depuis 17 ans en prison malgré l’impressionnante mobilisation pour obtenir sa libération, nous fait d’autant plus regretter le grand film qu’aurait mérité le sujet.
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