Intellectuel camerounais et personnage atypique, Jean-Baptiste Obama a incarné tout le long de sa vie l’exemple d’une dissidence culturelle.
Jean-Baptiste Obama, alias » le philosophe africain « , s’est éteint le 16 avril 2003 à l’Hôpital central de Yaoundé à l’âge de 78 ans à la suite d’un cancer. Personnage connu pour le port intempestif de son éternel pardessus, il a marqué surtout par ses prises de positions iconoclastes en ce qui concernait la dynamique culturelle africaine et une politique plus volontariste et soucieuse de la préservation des valeurs traditionnelles authentiques. Le parcours de cet intellectuel débute le 19 avril 1925 à Yaoundé, Ngok-Ekélé. Il poursuivra des études de théologie biblique et de philosophie scolastique respectivement à Paris, Rome et Jérusalem jusqu’en 1964. Sa vie intellectuelle peut se résumer en un pôle d’activités essentielles où la promotion de la culture africaine occupe une place centrale.
Il a pu faire une magistrale démonstration de ses prises de positions iconoclastes en 1985 à Yaoundé lors d’un colloque portant sur le thème de l’identité culturelle camerounaise. Cette réflexion était initiée par le ministère de l’Information et de la Culture de l’époque. Pour marquer ses positions, Jean-Baptiste Obama émit quelques réserves de fond sur la capacité réelle du politique à pouvoir définir un cadre culturel propice à l’épanouissement des Camerounais. Voici ce qu’il en dit ce jour du 14 mai 1985 : » On définit la culture comme le comportement des vies d’un peuple [
] je pourrais aussi dire que la culture, c’est l’héritage physique, intellectuel et moral, spirituel et artistique qu’un groupe humain transmet à ses descendants par l’éducation. J’insiste beaucoup sur cet aspect parce qu’on a confondu culture avec civilisation ; la civilisation matérielle n’a jamais cultivé personne, [
] la culture c’est un héritage intellectuel, moral, spirituel et artistique [
]. Nos écoles, n’apprennent pas les arts africains, les arts camerounais, elles n’apprennent pas la musique, ni la danse, ni rien
«
Ainsi était le » philosophe africain » : entier, polémiste, perspicace, pédagogue et soucieux de l’avenir de la jeunesse, truculent aussi et un tantinet provocateur. L’ancien coordonnateur du CFLC (Centre fédéral linguistique et culturel) de Yaoundé, de 64 à 68, et personnalité ressource de premier ordre lors des préparatifs du premier Festival des arts nègres à Dakar en 1966, il fut aussi fondateur d’une ONG internationale reconnue d’utilité publique par l’Unesco, le Foyer d’éducation et d’union (F.E.U.), qui deviendra en novembre 1973 une fondation pour la promotion de la culture africaine dans toutes ses variantes : la Fondation pour le développement et l’exploitation de la culture africaine et camerounaise (FEU-FONDECAM). Elle assurera la promotion de jeunes talents comme la jeune Anne-Marie Nziè en 1966 et lancera la revue Histoire et arts.
Très tôt, Jean-Baptiste Obama comprend qu’il est extrêmement utile et important pour les Africains de maîtriser les canons de leur propre esthétique musicale et d’intégrer les éléments de leur culture dans la liturgie du catholicisme romain. Ce qu’il n’hésita pas à mettre en pratique avec l’orchestre spécialisé Muthecin. Toujours dans la perspective de la vulgarisation de l’esthétique musicale africaine, Obama a présenté, au Festival des arts nègres de Dakar de 1966, une communication fondamentale intitulée » La musique africaine traditionnelle. Ses fonctions sociales et sa signification philosophique « . Cette réflexion s’inscrit dans le prolongement de ses travaux inédits sur le mvet présentés lors du Festival du Mvet de Yaoundé en 1964. En 1951, Obama inaugure avec succès le projet relatif à la musique d’église en » style camerounais « .
Tour à tour philosophe, théologien biblique, historien, dramaturge, musicologue et critique d’art, Jean-Baptiste Obama, le » philosophe africain « , laisse un héritage culturel aux dimensions plurielles et complexes qui mérite d’être réhabilité.
Quelques contributions de Jean-Baptiste Obama :
» Musique sacrée en pays de mission « , 1er Congrès international de musique sacrée de Paris, Paris, Editions du Congrès, 1957.
» Modernisation des traditions musicales africaines « , Colloque de Venise (Italie), 1960.
» Musique africaine entre Orient et Occident « , Congrès Orient-Occident en musique, Jérusalem (Israël), 1963.
» L’art nègre dans la vie africaine « , Abbia, no. 8, 1965.
» Arts, sciences et techniques « , Conférences au centre culturel français les 11 et 16 septembre 1964 dans le cadre du Festival du Mvet de Yaoundé, 1964.
» Le Mvet « , L’Effort Camerounais, 4 octobre 1964.
» La musique africaine traditionnelle, ses fonctions sociales et sa signification philosophique « , Actes du Colloque sur la Fonction et signification de l’art nègre dans la vie du peuple et pour le peuple (30 mars 8 avril), 1er Festival mondial des arts nègres, Dakar, 1-24 avril 1966.
» Le théâtre camerounais au C.F.L.C. « , (numéro spécial), Imprimerie Unesco de Yaoundé, 1966.
///Article N° : 3503
Un commentaire
Les mots me manquent, et en tant que neveu de l’illustre disparu, j’éprouve un sentiment de gêne et d’un travail inachevé lorsqu’il s’agit de parler des oeuvres de ce Grand Philosophe que le Cameroun a connu.
Je me souviens de ses derniers jours à l’hôpital de la Caisse avant son transfert à l’hôpital Central, il m’a beaucoup parlé malgré ses douleurs atroces liées à sa maladie, il me confia un secret et une mission sur ses oeuvres que je devais récupérer chez un Ministre toujours en place. Malheureusement je devais repartir à Paris reprendre mon travail, je n’ai pas pu le faire
et compte tout mettre place une plateforme en souvenir de son passage sur cette terre. Aujourd’hui, nous devons réfléchir comment lui rendre un vibrant Hommage à la hauteur de son statut National et International.
NB: Monsieur Joseph Owona Ntsama, pouvez-vous me joindre à cette adresse mail svp?