« Seuls les morts ont vu la fin de la guerre ». Le dernier film de l’auteur de Blade Runner commence par cette phrase de Platon et l’on se dit qu’il pourrait être une méditation sur la mort ou la guerre. Que nenni
L’attaque commando de l’armée américaine du 3 octobre 1993 à Mogadiscio pour capturer deux chefs de guerre et mettre fin aux affrontements en Somalie s’est soldée par un sanglant carnage et une misérable débâcle : elle réveille un nids de frelons, comme le fait remarquer le général interprété par Sam Shepard – c’est tout un quartier de Mogadiscio qui vient combattre les Américains ou bloquer les rues. Le film est à la gloire de ces soldats hyper-entraînés et sur-endoctrinés qui se battent jusqu’au bout, non pour réussir une mission qui est d’entrée un lamentable fiasco mais pour sauver les soldats encore coincés et les blessés, et même rapatrier les morts. Combats de rue et morceaux de bravoure, opération chirurgicale in situ, anecdotes et blagues de soldats, toutes les ficelles du film de guerre conduisent à un seul but : face aux morts, le capitaine courageux nous dit (puisqu’il s’adresse à un mort qui lui n’entend rien) qu’il y a un sens à aller se battre ainsi à l’étranger.
Que le spectateur n’attende pas d’en savoir plus sur le drame somalien. Quelques phrases expéditives en début de film sur le pourquoi du comment : éliminer un chef de guerre pour arrêter la guerre, comme si c’était si simple. Les Somaliens ne sont toujours que foule déchaînée, homme d’affaires cynique ou barbouzes miliciens. On nous annoncera finalement que plus d’un millier d’entre eux furent tués mais on nous donnera la liste des 19 Américains morts au combat : l’Afrique reste le continent des morts sans noms. Ils resteront justement cet étranger pour qui l’on va combattre ou pour qui l’on se bat sans le connaître car ce n’est pas lui qu’on défend mais une idée, la fameuse démocratie à l’américaine, pour qu’il soit notre pareil.
Tout le film converge vers cette idée sans jamais la critiquer, et l’image lui obéit autant que les dialogues : jamais une faille, parfaitement univoque, sans arrêt efficace et d’un classicisme irréductible malgré les acrobaties héliportées, tout comme la musique qui pèse des tonnes. A la différence d’un Coppola sur Apocalypse Now ou d’un Kubrik sur Full Metal Jacket, Scott filme efficace mais sans originalité, seulement concentré sur son intention démonstrative. Pour qui n’est pas convaincu que l’armée américaine sauve le monde en intervenant en Somalie ou en Afghanistan, le film est d’un vide impressionnant. La nausée qu’il provoque ne vient pas de sa violence, qui n’a rien de bien nouveau, mais de sa malheureuse laideur.
2001, 2 h 23, avec Josh Hartnett, Ewan McGregor, Tom Sizemore, Eric Bana, Jason Isaacs, sortie France le 20 février 2002. http://www.spe.sony.com/movies/blackhawkdown///Article N° : 3571