L’histoire des foyers de travailleurs migrants est jalonnée de luttes. Pionnière, celle des résidents des foyers Sonacotra mobilise jusqu’à 30 000 grévistes entre 1975 et 1980. Retour sur cet élan revendicatif qui inspira l’organisation autonome des résidents pour défendre leurs droits.
Longtemps, foyer de travailleurs migrants rimait avec Sonacotra. Rebaptisée à deux reprises [1]. Deviendra Sonacotra après la guerre d’Algérie en 1962, puis Adoma en 2007, cette société d’économie mixte gère depuis 50 ans cette exception française d’un habitat désigné pour les immigrés. Sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, elle naît en 1956 pour résorber les bidonvilles, construire les foyers et y assurer le contrôle d’une main-d’oeuvre essentiellement algérienne. En 1973, les foyers Sonacotral hébergent ainsi plus de 73 000 travailleurs migrants. D’autres structures gèrent des foyers dès les années 1960 comme l’Aftam, l’Adef et Soundiata mais leur statut quasi-associatif et leur démarche philanthropique diffèrent de la fonction politique de la Sonacotral. Menacée par une mobilisation d’ampleur des résidents, la société vacille dans les années 1970.
Pour la fin du foyer-usine
En 1975, les habitants du foyer Romain Rolland de Saint-Denis (93) refusent l’augmentation arbitraire de leurs « redevances » et entament une grève des loyers. Le mouvement se répand progressivement dans les autres foyers de la région parisienne et dans toute la France. Jusqu’à 30 000 travailleurs migrants se mobilisent. Ils revendiquent un gel et une baisse des loyers et la reconnaissance du comité de résidents comme leur instance de représentation. Ils dénoncent aussi la répression exercée par les gérants, pour la plupart d’anciens combattants de la guerre d’Algérie recyclés par la Sonacotral. Les résidents tiennent à séparer l’espace du logement de la logique de l’usine, où l’esprit colonial était encore prégnant.
Une lutte autonome
Le mouvement exprime des revendications unanimes : liberté de circulation, droit de réunion et de visite, droit à l’intimité. Mais il fut aussi traversé de contradictions. Alors qu’une partie du mouvement est appuyé par la CFDT et le PCF, d’autres représentants forment un Comité de Coordination organisé en plate-forme revendicative autonome. Leur motivation ? Négocier directement avec le gestionnaire en échappant à l’emprise des syndicats et des partis politiques. Rassemblant 20 000 personnes, 30 nationalités et occupant 55 foyers en 1976, le comité devient un acteur incontournable de la lutte. Pourtant, dès 1980 le mouvement s’essouffle et si des négociations aboutissent, elles laissent un goût amer aux grévistes. La Sonacotra fléchit en acceptant de réformer le règlement intérieur, de limiter les augmentations de loyers et de consulter davantage les résidents. Mais elle refuse de reconnaître le comité de coordination comme instance de représentation et n’accordera jamais le statut de locataire aux résidents. L’histoire des foyers de travailleurs migrants est jalonnée de luttes. Pionnière, celle des résidents des foyers Sonacotra mobilise jusqu’à 30 000 grévistes entre 1975 et 1980. Retour sur cet élan revendicatif qui inspira l’organisation autonome des résidents pour défendre leurs droits. Cette victoire en demi-teinte résonne encore aujourd’hui. Ainsi, le 22 février dernier à l’Assemblée nationale, les résidents des foyers et le Copaf [2] faisaient entendre leurs propositions pour changer la loi sur les logements foyers et le statut de leurs résidents.
[1] SOciété NAtionale de COconstruction de logements pour les TRavailleurs Algériens
[2] Collectif pour l’Avenir des FoyerA lire également : « Les Sonacos ou la grève des loyers des résidents des foyers Sonocotra » publié par l’association Génériques www.generiquesorg/odysseo///Article N° : 12457