L’Afrique de tous les dangers, c’est dans l’air !

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Le 3 janvier 2008, C dans l’air, remarquable émission (habituellement) de La 5, s’est gravement déconsidérée par une pitoyable litanie des pires clichés sur le destin forcément tragique de l’Afrique. Cette chaîne française publique, diffusée dans une quarantaine de pays africains, n’échappe pas aux travers d’une certaine nostalgie coloniale.

L’animateur habituel de ce débat, l’intelligent Yves Calvi, était hélas en vacances, remplacé par Thierry Guerrier, un ancien de TF1 et de RTL qui porte trop bien son nom : d’une agressivité à la limite de la grossièreté, il semble considérer que son rôle est de couper systématiquement la parole à ses invités. Dès le début de ce débat avorté, ces derniers échangeaient des regards pathétiques, chacun essayant en vain de s’exprimer. En fait d’invités, il y avait Sylvie Brunel (ex-présidente de l’ONG Action contre la faim), l’inévitable Antoine Glaser (La Lettre du Continent) et l’héritier de Jeune Afrique Marwane Ben Yahmed ; l’unique représentant de l’Afrique subsaharienne (seul sujet du débat) étant Jean-Paul Ngoupandé, premier ministre centrafricain repenti du régime d’Ange-Félix Patassé, lequel est actuellement exilé au Togo et visé par une enquête du CPI pour crimes de guerre.
Casting d’enfer donc, pour un programme dont le titre sensationnel, Afrique de tous les dangers, laissait d’emblée deviner le sérieux… Inutile d’ailleurs d’entrer dans le détail, puisque vous pouvez visionner gratuitement cette émission sur le site de France 5. (*) Seulement signaler que les prises de paroles étaient interrompues par des reportages mettant dramatiquement en scène avec un commentaire appuyé un enchaînement saisissant de « hordes barbares », notamment à Abidjan. Cela obligeait les intervenants à contrer ces visions que l’animateur relançait avec des messages de téléspectateurs présentés comme « ce que pensent les gens » et donc légitimement sélectionnés.
Les « questions » ou plutôt les interruptions de l’animateur aguerri n’ont jamais d’autre but que de conforter l’idée que l’Afrique est à feu et à sang. Les prétextes (troubles post-électoraux au Kenya, assassinat d’une travailleuse humanitaire au Burundi) sont exploités à fond, avant même qu’on puisse y voir clair dans ces tristes histoires. Chaque intervention des invités qui tente de nuancer un tableau apocalyptique est impitoyablement interrompue et tournée en dérision.
La sagace Sylvie Brunel est rabrouée quand elle ose faire remarquer qu’une carte qui vient d’être diffusée sur « les guerres en Afrique » date de 1995 – ce qui relève de la manipulation pure et simple. Mais l’animateur ne se laisse jamais démonter, rivé à son petit boulot qui est d’affirmer à tout prix que l’Afrique ne changera jamais, qu’elle n’a à choisir qu’entre le chaos ethnique et la colonisation chinoise ! Une façon de faire écho au discours dakarois de Sarkozy/Guaino : « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».
Nous aurions pu espérer mieux sur un tel sujet de la part de France 5, « chaîne éducative » financée par les contribuables français dont je suis.
Mais on peut aussi attendre pire, puisque l’animateur a annoncé une prochaine émission consacrée aux « effets positifs de la colonisation ».
Nous ne manquerons pas de la visionner avec une grande attention.

(*) www.france5.fr/cdanslair////Article N° : 7208

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