Ce n’est pas une mince affaire d’intervenir après toi, Bruno. Surtout que mon intervention sera très technique. Ce qui m’a été demandé c’est de partir d’images qui ont été définies et choisies par l’équipe du professeur Gourévitch et montrer ce qu’on peut en faire en cours, comment décoder une image, travailler à partir d’elle en sachant que tout ce que je vais dire s’inscrit en contrepoint de ce qu’a dit Bruno, un volume horaire resserré, des choix d’images en parallèle avec les textes.
La place du document dans les programmes se fait de deux manières, par les manuels mais aussi par des dossiers documentaires réalisés par les enseignants. Une enquête qui a été faite en 2004 par l’inspection générale d’histoire et géographie montre que 80% des enseignants, lycées et collèges confondus, partent systématiquement d’un élément documentaire du manuel scolaire, une image, un texte. Donc il faut réguler l’utilisation de ce document et indiquer une ligne. Le travail sur document ne constitue pas le seul vecteur d’appropriation des connaissances. Ceci vient en contrepoint du fait que nos élèves ont une culture de l’image très forte, ils sont abreuvés d’images. Ils vont la chercher d’eux-mêmes mais pas toujours au bon endroit. On parlait tout à l’heure de Wikipédia mais il n’y a pas que Wikipedia qui existe. Certains élèves vont sur d’autres sites afin de nous provoquer, de nous dire que nous ne disons pas la vérité, qu’ils ont trouvé d’autres images mais ces images ne sont pas décodées. Il faut les reprendre avec eux, les expliquer, les recontextualiser.
Pour autant le document est devenu un élément central du processus d’apprentissage. Le recours au document s’inscrit dans un projet d’éducation global : traiter efficacement les thèmes et nourrir leur culture. L’image fixe représente une source ni plus facile ni plus concrète mais précieuse. Nous sommes des sociétés abreuvées d’images, toute sociétés confondues, qu’elles soient européennes, africaines, asiatiques, et je vais vous montrer comment on doit les décoder.
J’ai fait à partir du corpus qu’on m’a donné un choix qui n’est pas forcément aléatoire et je vais essayer de monter une trame, de synthétiser ce qu’on nous demande et comment on nous demande à nous enseignants, de traiter l’image en classe. Cette méthodologie rejoint la plupart de celles des collègues.
Présenter d’abord l’image, son genre, son contexte,
Deuxième étape la décrire en séparant les éléments principaux des secondaires,
Troisième étape l’analyse, l’image, le rapport image texte,
Quatrième étape l’interprétation, ce que veut dire l’image.
Cette méthode est transdisciplinaire, elle n’est pas spécifique à l’enseignement de l’histoire, on la retrouve dans l’enseignement du français, les arts plastiques, les arts appliqués. Nos élèves sont assez forts dans ces domaines.
Voilà l’inventaire technique : comprendre la construction de l’image, le cadrage, les prises de vues, les formes dominantes, les couleurs, la fonction esthétique de l’image, la recherche artistique, informative, argumentative, narrative. On revient avec les photos sur la narration et donc sur le récit et les relations entre l’image et le texte, très importantes dans notre matière même si c’est parfois l’enseignant qui l’organise.
– Voir illustration 1 –
Le premier document que j’ai choisi c’est une carte, qui vient du manuel Bréal pour terminales de 2004 et où certaines informations apparaissent avec une séparation comme l’a dit Bruno entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone, lusophone, hispanophone etc
Il ne s’agit pas de comparer mais de dissocier. Les programmes abordent le tiers monde, la relation dominants-dominés, la diversification mondiale et la carte correspond bien à la séparation de deux systèmes coloniaux que l’on essaye d’opposer.
Voici une autre carte –voir illustration 2 -, c’est la carte Nathan où on retrouve à peu près les mêmes colorisations. Les images ne sont pas choisies dans les manières scolaires de façon innocente. Elles sont très colorées. Elles le seront de plus en plus car il faut attirer le client c’est à dire le regard de l’élève. Il faut que ce soit attrayant et pas seulement pour l’élève ; J’ai assisté à des choix de manuels et on est parfois halluciné par l’attitude d’enseignants qui choisissent un manuel parce que les photos sont bien en couleur et pas seulement pour le fond. Aussi on ne travaille pas seulement sur le document comme valeur documentaire mais sur l’objet du document c’est à dire sur le fait qu’il attire l’il, qu’il va plaire aux élèves donc ils vont lire le document et ne pas m’embêter dans mon cours.
J’ai fait une petite mise au point. 4 pays indépendants en 1955, 36 en 65 mais la carte ne le montre pas. C’est une carte figée qui donne une situation particulière à un moment particulier. Donc on nous présente les étapes de la décolonisation. Cela vient en contrepoint de ce que nous a montré Bruno. On pourrait le mettre en parallèle avec un résumé, un texte, une photo et surtout une photo d’un homme politique africain. A 90% c’est Senghor qui apparaît.
L’image suivante – Voir illustration 3 -, c’est une affiche tirée d’un manuel scolaire donc un autre type de document. Cette affiche date de 1956 et on peut la comparer aux images lancées actuellement par l’armée américaine en Irak ou en Afghanistan. C’est la même typologie. C’est une image de propagande qui ressemble à une image de BD donc facile à décoder pour nos élèves, attrayante mais qui pose un problème de signification. Elle offre une vision dépouillée et universelle de cette décolonisation qui semble accessible à tous.
J’ai pris, extrait d’un document de l’Académie de Rennes, une méthode de décodage sur la propagande. Le professeur donne aux élèves sa source. L’image tend vers la simplification parce que dans le symbole s’attestent une personnalisation du chef, une personnalisation de l’ennemi, le grossissement et la défiguration, l’orchestration, la transfusion et la recherche d’une unanimité pour la conclusion. Cette méthode d’analyse de la propagande est valable au collège mais aussi au lycée. J’ai fait un petit décodage tel que j’aurais pu le faire avec mes élèves.
Nasser, c’est la personnalisation du chef. Il faut savoir que Nasser est un colonel de l’armée égyptienne qui a pris le pouvoir par la force or là, il est en civil. C’est l’homme d’Etat arrivé. Il n’a plus rien à prouver. Il est chef d’Etat. On est en 56. Il a battu les franco-anglais au déparquement de Suez et de Port-Saïd donc il est vainqueur ce qui explique aussi son beau sourire et la position du bras. C’est un chef d’Etat arrivé ; il n’a pas besoin de montrer autre chose. Il salue comme quelqu’un qui est dans une position assez assise. En revanche, si je prends Ben Bella qui lui n’est pas encore chef d’Etat – en 56 il représente juste un mouvement le FLN – il est présenté sur l’image à égalité. Ce qui est intéressant quand on travaille sur cette image avec les élèves, c’est qu’on a deux personnages importants de la décolonisation qui sont sur un pied d’égalité et pourtant cette égalité n’est pas franchement visible. Nasser est clair, Ben Bella est en sombre donc opposition de couleurs. Le bras de Ben Bella est différent de celui de Nasser, il a une gestuelle qui vous amène vers l’avenir. Et il semble dire : « Je ne suis pas encore chef d’Etat mais vous allez voir, bientôt je le serai, parce que j’ai le soutien du leader charismatique, du grand frère Nasser qui en plus soutient tous les mouvements de libération surtout de son propre camp »
Deux autres points dans cette analyse. Nous voyons le drapeau. C’est le drapeau de l’Egypte et on a le drapeau du FLN qui, à cette époque, n’est pas obligatoirement le drapeau choisi pour l’indépendance de l’Algérie. Ces drapeaux terrassent la bête immonde c’est à dire le colonialisme qui a une représentation particulière. Ma formation de base c’est l’analyse de documents d’iconographie militaire donc je vais l’utiliser.
Nous avons ici un dragon qui est surtout issu d’une tradition asiatique mais aussi d’une tradition européenne, car, pour nous, le dragon c’est le mal, c’est Satan. On peut s’étonner de le retrouver sur une image de propagande issue du monde arabe mais le dragon dans le monde arabe représente aussi Satan et ce Satan a un drôle d’uniforme. Si moi j’avais dû en 1956 réaliser cette image comme dessinateur, j’aurais mis la tenue à la mode pour la guerre d’Algérie, la tenue du parachutiste camouflé qui représente le colonial français et anglais en lutte contre les peuples opprimés. Or là le choix est étrange puisque l’uniforme est celui de la Wehrmacht. Il a même une coloration particulière qui est celle des uniformes portés par les Ukrainiens dans la SS. Le fourreau est celui utilisé par les auxiliaires de la SS ce qui n’est pas innocent. Je ne connais pas le dessinateur mais la présence nazie est très importante à cette époque en Egypte, en Syrie et en Libye puisque certains nazis se sont repliés dans la zone, que nous sommes très peu de temps après la seconde guerre mondiale et que, pour l’Europe, le mal ce n’est pas le parachutiste français ou anglais mais c’est le représentant de la SS et pour faire un anachronisme c’est plutôt Oradour-sur-Glane que certains villages du Cameroun ou de Madagascar. Donc cette représentation particulière est très visible et c’est une affiche qui n’est pas utilisée en Occident.
(question dans la salle)
C’est la représentation faite simple du dragon oriental. J’ai retrouvé un manuscrit du XIe siècle dans lequel on a le même genre de dragon sur une enluminure pour St Georges. En fait le dragon ici c’est l’insigne des unités coloniales qui ont débarqué à Port-Saïd (j’ai parlé de cette interprétation à Eric Deroo et il n’y a pas été opposé) et qui portent sur le bras ce qu’on appelle le lapin agile dans les TDM (troupes de marine) en sachant que pour les parachutistes français le patron c’est Saint Michel qui terrasse le dragon et ici c’est l’inverse ; on est terrassé non pas par le dragon mais par les Maghrébins qui se sont liés contre les unités de combat.
(question dans la salle).
Cette représentation est vraiment très étrange. C’est une question que je compte travailler avec mes élèves et utiliser même cette affiche comme point de départ du nouveau programme de l’histoire des arts parce que cela permet un travail iconographique sur cette question et notamment la représentation de l’ennemi dans l’art.
Si on continue à décoder, on trouve une devise bilingue ; « par l’union des Arabes, la fin des forces colonialistes », ce qui traduit dans l’écriture ce que je vous ai expliqué sur l’image, en sachant que si cette image est diffusée dans le monde arabe, je ne suis pas sûr que tous soient capables de la lire. Je n’ai pas un petit tableau sur le nombre de personnes sachant lire et écrire dans les pays où cette image est diffusée et qu’il faudrait comparer au nombre de gens qui savent lire et écrire en français en Algérie pendant la même période. On pourrait mieux mesurer la portée du document en sachant que ce n’est pas l’écriture qui est la première chose intéressante dans le document mais l’image.
Voici encore un symbole qui représente un aigle avec deux pommes. J’ai cherché la signification des pommes, La pomme du pêché ? Adam et Eve. ? Cet aigle blanc possède 4 drapeaux, on les voit mal, mais il y a le FLN, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie. C’est donc une image ciblée contre le colonialisme français en Afrique du Nord.
(question dans la salle)
Voilà donc une proposition de décodage avec une classe de 3e, voilà ce qu’on attend des élèves. Pour le résultat final, l’élève, dans son cahier, en contrepoint des documents, doit remplir un tableau dans lequel on lui demande plusieurs choses : description, interprétation, les personnages, ce qu’ils font, ce qu’ils disent. Ce tableau ne donne pas de réponse générale sur la portée du document ; C’est à l’élève de le déduire ou au professeur à corriger le travail de l’élève
– Voir illustration 4 –
Voici un autre type d’image qui vient en contrepoint de ce qu’on disait ce matin : le jeu : c’est cherchez la limite. Vous ne la trouverez pas. C’est un document de commande, de propagande de l’époque. Elle aurait très bien pu servir à Air France pour ses dessertes sur l’Afrique
Nous avons une super constellation qui resemble à Air Force One pour les Américains et les élèves le repèrent très vite parce que c’est technique, que cela correspond à une époque, qu’il est à hélice et on voir le trajet qui est facile à décoder. A l’inverse certaines choses sont mal représentées, ce sont des images volontairement oublieuses.
Il y a plein d’oublis dans cette image. Donc un symbole de modernité, le général et les foules mais il y a un stéréotype l’image de De Gaulle, cet homme fédérateur libérateur de la France, libérateur de l’Empire. Il n’y a pas une image de contestation, pas un seul panneau qui dit « nous voulons peut-être partager, être indépendants ». Rien, pas d’image d’intervention militaire non plus. C’est simplement De Gaulle dans ses uvres, le mythe gaullien, il arrive, je vous ai compris et tout va bien aller. C’est quelque chose que l’on peut tout à fait décoder avec les élèves parce qu’ils connaissent très bien le général De Gaulle.
– Voir illustration 5 –
Autre document que j’ai choisi et qui me plait particulièrement. Regardez et essayer de me dire pourquoi elle est intéressante. Qu’est ce qui pose problème dans cette image ? (réponses dans la salle) Oui Madagascar pose un problème
décolonisation pacifique !
Cette image est problématique parce qu’elle focalise sur l’ultra-présence d’un seul conflit, l’Algérie. On remarque quelques troubles mineurs, la Tunisie (la bataille de Bizerte a duré deux jours), le Maroc mais ce ne sont que des troubles alors que l’équivalent de quatre divisions françaises ont été déployées pour ramener l’ordre avant son indépendance donc on ne peut pas tout à fait considérer le Maroc comme étant une indépendance pacifique Et puis le Cameroun pacifique !
Cette image qui est tirée du manuel Belin de 2007 est tronquée, elle pose problème parce qu’elle trompe les élèves si elle n’est pas décodée, si elle n’est pas remise dans le contexte, si on ne note pas pour les élèves les absences s’y trouvent. Cela demande aux enseignants de bien peser le choix d’un manuel. Les manuels nous arrivent fin mai début juin en plein dans la préparation des examens. On a un ou deux jours pour se réunir. Dans les établissements où il y a peu de professeurs, cela peut se faire rapidement. Mais dans les structures comportant 70 ou 90 profs concernés, comment fait-on ? Donc il faut prendre le temps de lire les manuels en amont avant de faire le choix. Ce manuel a été choisi par 4 collèges de la ville de Grasse Ou bien les collègues n’ont pas bien regardé le manuel ou bien les concepteurs du manuel ont un peu zappé les évènements. La répression à Madagascar, au Cameroun, en Côte d’Ivoire ne s’y trouve pas. Regardez la date 54-62. C’est le meilleur des mondes. Mais avant il y a des manques importants. On est également dans la typologie définie par Bruno. N’apparaissent que les pays en voie de décolonisation française.
Ensuite on m’a demandé de décoder quelque chose qui est plus dans ma partie puisque ma spécialité c’est le décodage de monnaies. Voilà un timbre qui fête l’indépendance du Sénégal, 4 avril 1961 – Voir illustration 6 -.
Il est tiré du manuel Nathan et vient en contrepoint du timbre que Bruno vous a présenté tout à l’heure sur celui de l’indépendance du Cameroun. Le timbre-poste c’est un objet dont l’utilisation est si banale qu’il est employé sans qu’on le regarde. Mais c’est l’émanation d’un Etat, il est porteur d’un message qu’il transmet à travers une large palette d’icônes et de symboles. C’est pourquoi chaque timbre-poste est un indice de la représentation idéologique et culturelle émise par un pays. Le premier timbre est un timbre en penny qui représente la reine Victoria, première superstar mondiale.
En contrepoint on a ce genre de timbres. C’est une tradition. Quand un état devient indépendant, il fait deux choses : une monnaie et des timbres. On aurait pu choisir un timbre fiscal. Nous connaissons le contexte: l’échec de la tentative de la création d’une communauté, dernière tentative de la France pour conserver ses colonies. Le Sénégal obtient l’indépendance. Sédar Senghor devient le Président et le 4 avril est décrété jour de fête nationale. Comment peut-on décoder ce document ?
Il y a une Marianne noire- ce n’est pas innocent, nous sommes sur le continent africain- : elle est coiffée d’une couronne d’olivier avec quelques fleurs que je n’ai pas réussi à identifier. Y-a-t’il une fleur particulière au Sénégal ? Elle n’est sans doute pas là par hasard -. Cette Marianne symbolise la République nourricière mais aussi la protectrice notamment des enfants. Ce timbre est libellé en francs d’où la première réaction des élèves : « C’est un timbre français! ». Il a donc fallu décoder la situation du franc car l’indépendance des Etats africains s’accompagne du franc CFA donc il faut expliquer l’émission monétaire des pays africains francophones.
Vous voyez aussi le faisceau du lecteur. Nos élèves croient souvent que c’est italien, c’est fasciste. Non c’est républicain, c’est l’attribut de la défense de la démocratie. L’enfant qui porte un rameau d’olivier symbolise la paix que l’on retrouve aussi dans les couleurs assez froides avec une dominante de bleu. Ensuite on a un regard qui n’est pas droit qui passe au-dessus de la tête de l’enfant qui va vers l’avenir mais qui se porte sur l’enfant qui représente cet avenir. Il est remarquable que pour ce timbre le Sénégal ait choisi une position qui au-delà des valeurs républicaines se tourne aussi vers l’antiquité et vers la culture religieuse (la vierge à l’enfant). Nous avons ici une prolétarisation des dieux et des déesses.
En réfléchissant à cette image, je suis arrivé à un personnage important : Senghor, la superstar, une star qui arrange tout le monde qui ne pose aucun problème, qui est lisse. Il n’y a pas plus français que lui. Il est issu de l’élite coloniale, il a lutté pour l’armée française (il était dans les troupes coloniales) il a été élu à l’Académie française, il a écrit des ouvrages sur la négritude, il a fait partie du gouvernement français dans les années 50 ; il est député donc connu dans le paysage français. Il ne surprend personne et il est difficile de l’attaquer directement. Pour nous, européens, c’est une figure très rassurante de la décolonisation. Pour les Africains, une figure très intéressante car il n’y a pas plus intégré que Senghor par rapport à la métropole. Donc toutes ces ambiguïtés n’apparaissent pas mais pourraient ressortir. Il faudrait mettre en contrepoint le timbre et la personnalité de Senghor et peut-être lui adjoindre une personnalité aussi forte comme celle d’Houphouët-Boigny en sachant que sur les documents fournis c’est Senghor qui l’emporte par le nombre de présences. – Voir illustration 7 –
En revanche et sans avoir mesuré la taille, je constate que ce sont toujours des portraits en miniature ce qui permet de gagner de l’espace sur les manuels, de l’espace sur des séquences qui se rétrécissent de plus en plus. La taille du document est intéressante ; Senghor partage la vedette avec Ho Chi Minh. Ho Chi Minh-Senghor c’est le binôme des manuels scolaires. Parfois un troisième larron se glisse. J’ai vu Gandhi mais c’est rare, et sur un manuel de 3e j’ai même vu Che Guevara.
– Voir illustration 8 –
Voilà une autre typologie de document, une affiche produite par la France, le Ministère de la Coopération, une affiche de Massacrier, un graphiste très peu présent sur Internet on n’en trouve que deux mentions une de l’INRP et une sur un site de ventes. En fait j’aurais pu m’adresser au musée d’Antibes qui travaille sur toute la production affiche des années 50-60. Moi j’ai été l’élève de Bruno et ces images faisaient partie de mon quotidien. Ce qui m’intéresse ici c’est le texte « je parle français, tu parles français, il parle français. » Dans l’alternance des couleurs, on retrouve les couleurs du drapeau français, on retrouve les deux enfants qui nous regardent dans la même position. Il y a une égalité parfaite entre les deux.
En revanche quelque chose change et je reviens à la position des bras de l’affiche Nasser-Ben Bella. Le petit français est en bas, le petit africain est vers le haut mais c’est le petit français qui termine. Le jeune français a un tee-shirt ou un sweet-shirt de couleur uni alors que celui du petit africain est rayé et on sait que le rayé pose problème notamment dans les connotations de couleurs. Ils ont une égalité au niveau de la tête mais aussi au niveau des souliers. On a la représentation d’une carte qui celle des anciennes colonies francophones. La Guinée est toujours absente et Madagascar n’y figure pas. C’est une des premières images de ce qu’on va appeler la francophonie.
Vient en contrepoint une seconde image, plus facile à décoder pour nos élèves.
– Voir illustration 9 –
Nous avons l’ensemble des drapeaux qui correspondent aux pays indépendants et la dernière brique qui se positionne c’est la France. Or il y a un pays qui est curieusement positionné. Regardez le mur et le drapeau rouge, blanc et vert, peut-être la Côte d’Ivoire mais c’est une hypothèse.. En tout cas la brique qui ferme le mur c’est le drapeau français.
Voilà comment on peut travailler avec des élèves, proposer des décodages, comparer des regards, cela vient en contrepoint de nos cours, c’est si l’on veut des études de cas puisque l’Education nous impose de travailler en études de cas.
Je vais terminer par un document que j’ai trouvé ici et qui pourra être étudié dans quelques temps. C’est le timbre qui a été édité pour le cinquantenaire des indépendances africaines ; Vous remarquerez qu’on a fait un choix. A l’intérieur du continent africain on a deux personnages, un jeune homme et une jeune femme qui symbolisent un peu l’Afrique nouvelle avec toujours en contrepoint le drapeau français avec une frontière très bien dessinée alors que depuis les accords de Schengen elle n’est plus aussi nette, avec le drapeau européen un peu plus éloigné. C’est un document qui date du moins de juin. Il serait intéressant de le décoder avec des élèves. Vous noterez qu’on retrouve toujours ce mur façon brique avec les Etats qui sont nommés sauf un, la Guinée. (interventions dans la salle). C’était le dernier document que je me suis permis de rajouter et qui n’était pas dans le corpus mais qui venait en complément des documents qui vous ont été présentés
(questions dans la salle)
Ce que je voudrais dire en conclusion c’est que l’analyse rigoureuse n’empêche pas l’enseignant de procéder avec des élèves à des hypothèses auxquelles on n’a pas toujours des réponses.
Il faut laisser aux élèves, je dirais, une sorte de liberté de manoeuvre, d’interprétation, tout en les cadrant par rapport à une analyse rigoureuse puisque chaque document doit être décodé, construit et déconstruit
(1) Yves Gourmen ne nous ayant pas envoyé son texte, les propos qui sont tenus ici sont tirés de la bande son et n’ont pas été relus par leur auteur. Les images proviennent des scans que le Partenariat eurafricain a envoyés à Yves Gourmen pour lui permettre de construire et d’illustrer son exposé.///Article N° : 10117