Les Réunionnais de Lindigo communiquent une nouvelle fois leur bonne humeur, leur sérénité et leurs rythmes énergiques avec leur 4e album : Maloya Power. Une manière de valoriser la culture ancestrale du Maloya, musique des esclaves de la Réunion. Accompagnés de Fixi, membre du groupe de chanson français Java, le chanteur réunionnais Olivier Araste et ses musiciens partent en tournée internationale.
Qui se cache derrière le groupe Lindigo ?
J’ai créé le groupe en 1999. Nous sommes huit musiciens qui pratiquent notamment certains instruments traditionnels du maloya comme le roulèr, le [kayamb], le sati ou encore le kabosy.
Votre 4e album est intitulé Maloya Power. Qu’est-ce que cela signifie ?
Le maloya c’est le passé, le présent et le futur. Le passé car c’est la musique des esclaves malgaches qui étaient à la Réunion. C’est une musique des ancêtres. Mais c’est aussi le présent, une manière de vivre. Mais avec cet album nous tournons aussi le maloya vers l’avenir, pour sa diffusion à l’international.
Vous êtes vous-mêmes Réunionnais, descendant d’ancêtres malgaches qui étaient esclaves
Quand tu sais d’où tu viens, tu sais où tu vas. C’est la raison pour laquelle nous avons donc commencé par des albums sur les racines. Le premier parlait de la famille, et du respect envers ses ancêtres. Le deuxième, Zanatany Gasy rendait hommage aux enfants de la Grande Île. Quant au troisième, il parlait de la mixité du peuple de la Réunion. Avec ce 4e, il s’agit de mettre en valeur le maloya.
Pourquoi avoir choisi, en tant que musicien, de vous tourner vers la musique traditionnelle plutôt que vers des sonorités plus commerciales ?
Lorsque j’ai commencé à vraiment m’intéresser au maloya, j’étais encore jeune et le maloya ne nous était pas interdit. Nous avions le droit de l’exprimer, contrairement à nos ancêtres qui ont été brimés dans leur liberté d’expression. Mais il est important de rappeler aux futures générations que le maloya n’est pas seulement une musique de fête comme aujourd’hui, qu’il y a une histoire de revendications derrière. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je tiens à chanter en malgache, la langue de mes ancêtres.
Mais c’est un grand pari pour moi et les musiciens. Mais cela fait un moment que nous parlions de faire un album centré sur le maloya. J’ai tout simplement ouvert mon cur et pris conscience que je suis maloya et resterai maloya. Au début, les gens rigolaient de nous voir faire du maloya en discothèque.
En discothèque mais également dans les cérémonies traditionnelles
comment combinez-vous ces deux réalités très différentes ?
En effet, tous les samedis nous jouons pour des cérémonies traditionnelles, en l’honneur des ancêtres. Je m’abreuve de cette source pour créer. Et cela fusionne bien. Les personnes qui assistent aux cérémonies traditionnelles comprennent mon cheminement et ils voient que j’essaie de diffuser le pouvoir du maloya et sa beauté au-delà de l’île.
Qu’est-ce que cela vous apporte de jouer sur autant de scènes différentes ? Quel est votre message ?
Je pense qu’aujourd’hui il faut faire bouger les choses, vivre avec cette histoire, la transmettre et vivre avec son temps. Il faut se servir de tout ça pour que nos enfants connaissent le style maloya, sa musique et son inspiration, ses revendications. C’est la raison pour laquelle nous allons aussi dans les écoles, dans les crèches : pour en parler et chanter. Et évidemment, nous entamons également une tournée internationale.
Quelle relation entretenez-vous avec Madagascar, qui fait partie de l’histoire du maloya ?
Nous avons déjà joué à Madagascar. Et j’essaie ici de parler des associations culturelles de Madagascar même si Madagascar souffre d’une mauvaise image à La Réunion. Mais j’essaie de mettre en avant l’interculturel entre nos deux terres. Je le fais avec le sourire en étant moi-même. Je dis les choses avec sincérité et je crois que les gens le voient.
Vous êtes dans la même maison de production que Damily, un artiste malgache qui essaie lui aussi de valoriser au-delà des frontières la musique traditionnelle du sud de Madagascar, le tsapiky. Avez-vous eu l’occasion de vous rencontrer ?
Je connais leur travail. J’aimerais beaucoup fusionner avec le tsapiky et les langues du sud de Madagascar. Ce serait vraiment bien de faire une collaboration.
Sur ce 4e album, vous vous êtes associés à un chanteur français, accordéoniste, Fixi du groupe Java. Comment est née cette collaboration ?
C’est un coup de foudre, une affinité familiale spontanée. Nous nous sommes rencontrés au festival de musique Sakifo(1) en 2009. Nous nous sommes de nouveau croisés à Paris puis il est venu à la maison, à la Réunion. Nous nous sommes trouvés tout simplement. Ensemble, sur scène, on se lâche. Son accordéon nous a fait rêver.
Dans quelles conditions avez-vous enregistré cet album ?
En pleine nature ! La Réunion est ma terre, celle où je puise toute mon énergie, mon inspiration, que je ressens mon être. Pour Maloya Power je n’arrivais pas à me sentir bien dans un studio. J’avais l’impression d’être dans un carton. Le son ne rendait rien.
Alors nous avons cherché un studio mobile pour pouvoir enregistrer à l’extérieur, sur les hauteurs de Sainte-Suzanne avec vue sur la mer, au milieu de la forêt et des champs de canne à sucre. Pendant deux semaines nous avons cuisiné au feu de bois tous ensemble. C’était vraiment l’esprit Lindigo.
T’es tout de suite plus libre pour chanter, pour danser. Tu vis réellement le morceau en vrai. L’album est dès lors beaucoup plus vivant, à l’état pur. C’est alors beaucoup plus proche de ce qui se dégage également sur scène.
1. Le festival majeur de l’Océan Indien qui se déroule chaque année à la Réunion. L’édition 2012 aura lieu du 1er au 3 juin : www.sakifo.com/2012/Lindigo au [CABARET SAUVAGE] le 20 avril 2012///Article N° : 10697