L’homosexualité en Afrique ? »Ça n’existe pas », a-t-on répondu à Laurent Bocahut et à Philip Brooks quand ils se sont mis à penser à un documentaire sur le sujet. Et pourtant, deux ans plus tard, »Woubi chéri » est diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte, mettant en scène une foule de »woubis » et de »yossis » ivoiriens, sous la direction délurante de Barbara, une travestie qui revendique haut et fort des droits à ses »copines ».
D’ailleurs, si l’homosexualité n’existe pas en Afrique, pourquoi serait-elle si réprimandée par la législation ? Inscrite dans le code pénal dans plusieurs pays africains, elle est passible d’amendes ou de peines d’emprisonnement ou de mort. Les homosexuels et les lesbiennes ont été la cible d’attaques particulièrement virulentes de la part du président zimbabwéen Robert Mugabe qui les a publiquement qualifiés de »porcs », adeptes de »pratiques bestiales ». Des exceptions existent pourtant : l’Afrique du Sud a été un des premiers pays au monde à interdire la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle dans sa constitution.
Au quotidien, l’intolérance oblige souvent les homosexuels à vivre plus ou moins cachés ou à mener une double vie, en bon époux et père de famille. Au Sénégal, on connaît les goor-jigéen, ou »homme-femme », qui comme Barbara trouvent leur place dans la société en adoptant un comportement et un accoutrement féminin.
La discrétion semble être de rigueur surtout pour les femmes : »Au début, je voulais qu’il y ait autant sur les garcons, sur les filles et sur les travestis », raconte Laurent Bocahut. »Mais on a eu beaucoup de mal à trouver des filles qui acceptent de se faire filmer. Elles ont toutes des situations très complexes : soit elles sont mariées, avec des enfants, soit elles sont avec leurs parents et doivent se marier un jour ou l’autre et ne peuvent évidemment pas se déclarer comme lesbienne. »
Pour l’instant, aucune chaîne africaine n’a accepté de diffuser »Woubi chéri ». Le documentaire a été présenté au Fespaco 1999, en même temps que »Dakan » du réalisateur guinéen Mohamed Camara. A la conférence de presse, les deux films ont suscité un débat très animé, entre condamnations moralistes et sympathie pour les personnages. Si l’histoire de »Dakan » était toujours susceptible de passer pour de la fiction pure et simple, Barbara, présente dans la salle, était là pour dire haut et fort ce que beaucoup ne voulait pas entendre : »L’homosexualité existe bel et bien en Afrique et a toujours existé. »
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