Dans le cadre de la Biennale des Images du Monde, Photoquai 2011, et sur une proposition du collectif On The Roof, la galerie Baudoin Lebon présente l’exposition collective Synchronicity I qui regroupe douze photographes et vidéastes du continent africain (1). L’occasion pour nous de mettre en lumière le travail photographique de Malala Andrialavidrazana (née en 1971, à Antananarivo, Madagascar) qui y expose une première partie de la série Ny Any Aminay. Le second volet de la série sera présenté lors de l’exposition Synchronicity II, à l’occasion de l’édition 2011 de Paris Photo au Grand Palais. (2)
Celui-là qui, voyageur-né, dans les mondes aux diversités merveilleuses, sent toute la saveur du divers.
Victor Ségalen. Essai sur l’Exotisme : Une Esthétique du Divers (1978).
Malala Andrialavidrazana vit et travaille à Paris, mais ne reste jamais longtemps sur place. En 1996, elle est diplômée en architecture après avoir rédigé un travail de recherche intitulé » Le Projet Utopique de Nécropole Multiethnique Malgache « . Une recherche réunissant la culture malgache, le bâti funéraire et le rapport au deuil : la culture, le bâti et l’humain. Trois données qui vont structurer son travail photographique par la suite. En effet, quelques années plus tard, en 2003, elle se rend sur le terrain en entreprenant un tour du monde des sépultures. La série Outre Monde est le premier résultat visuel et esthétique d’un parcours à la fois architectural et photographique. La série traduit une recherche fouillée sur les différentes formes de sépultures selon les cultures, les ethnies, les coutumes et les rites. Une réflexion formelle traduisant une multiplicité d’approches à la mort, au deuil et au souvenir. Sans processus systématique, les photographies de Malala Andrialavidrazana révèlent la part intime de chaque société rencontrée. La série analyse non seulement nos rapports à la mort, mais aussi à la vie, à la famille et à la mémoire. Puis, du Tout-monde (Édouard Glissant) elle s’est dirigée vers la spécificité puisqu’en 2005, la photographe revient vers Madagascar, île natale qu’elle avait quittée en 1983. Là, elle réalise la série The Ancestor’s Land qui recense des espaces funéraires multiformes, modestes ou luxuriants. Un travail qui lui a permis de redécouvrir et d’approfondir la culture malgache. Outre Monde et The Ancestor’s Land offrent un regard personnel et singulier sur un sujet complexe, tabou pour certaines cultures et librement exprimé dans d’autres.
L’architecture a mené Malala Andrialavidrazana à la photographie et à l’art contemporain. Depuis 2003, elle allie avec pertinence la photographie contemporaine, l’esthétisme, l’anthropologie, l’ethnologie et l’architecture. De sa formation d’architecte demeure une passion pour le bâti, grandiose ou modeste. Selon les lieux, les villes traversées, Malala Andrialavidrazana retient sur ses images les paysages bouleversés par une architecture contemporaine surdimensionnée où la figure humaine y semble broyée, engloutie. Elle nous présente l’envers du décor, elle fouille derrière les façades uniformes et deshumanisantes, pour y rechercher des traces de vies authentiques.
La série Ny Any Aminay (2011) marque une poursuite des investigations de Malala Andrialavidrazana à Madagascar. L’île est pour elle un terrain de recherches infinies et protéiformes qui lui permet de montrer les différentes facettes d’une société mal connue du public occidental, qui se cantonne le plus souvent à une vision exotisée et fantasmée de l’île. Pour cette nouvelle série, la photographe a fait le choix de l’intime et nous fait entrer dans la sphère privée de la société malgache. Malala Andrialavidrazana ouvre un espace habituellement clos et dévoile une part de réalité. Loin des cartes postales, nous entrons avec simplicité et discrétion à l’intérieur des maisons, des salons, des chambres et des cuisines des familles rencontrées.
Une fois en confiance, les tananariviens se découvrent dans l’espoir qu’on cesse de les prendre pour ce qu’ils ne sont pas en dehors de leur propre territoire. Approchez, disent-ils. Puis, ils se racontent à travers leur style de vie et les objets qui les entourent, anciens, en vrac, en toc, en mode automatique ou en silence. Toujours fiers et dignes. Avec un grand sens de l’honneur. L’insularité des malgaches ne leur facilite pas le rapprochement des autres populations du monde. Pourtant, les temps changent, là-bas aussi (3)
La série est composée de deux volets de photographies couleur, le premier faisant état des intérieurs des familles rencontrées. Des images qui dévoilent « l’atmosphère secrète des intérieurs malgaches contemporains, de toutes classes sans les extrêmes « (4) Lingerie étendue, bijoux, décorations, animaux domestiques, cuisines et autres objets personnels y sont présentés avec élégance et subtilité. Nous sommes bien loin des images cartes postales présentant l’île comme un paradis où il y fait toujours bon y vivre. Si le premier volet de la série se concentre sur l’environnement, les objets et les atmosphères intérieures des familles, le second volet est lui, consacré à leurs corps, emprunt d’une pudeur préservée par l’artiste. Les corps sont fragmentés, partiellement entrevus. La présence textile, rideaux, vêtements, draps, dissimule les sobres présences. Un second niveau de lecture de la sphère privée qui nous permet de nous rapprocher » davantage de l’espace corporel, cette autre intimité capable de communiquer bien plus facilement qu’à travers la parole, dans un pays où finalement tout le monde se méfie les uns des autres « (5).
Ny Any Aminay est un regard délicat, respectueux et sensible sur une intimité apprivoisée.
1. Exposition Synchronicity, du 30 septembre au 19 novembre 2011, Galerie Baudoin Lebon. Plus d’informations [ici]. Collectif On The Roof :[ici]
2. Paris Photo, du 10 au 13 novembre au Grand Palais à Paris. Plus d’informations [ici].
3. Malala Andrialavidrazana, Ny Any Aminay, 2011.
4. Echange avec l’artiste, novembre 2011.
5. Ibid.///Article N° : 10478