Un amoureux de la bande dessinée fouine coins et recoins de la capitale congolaise. Ses cahiers de quelques pages qui dévoilent tout connaissent un immense succès populaire et passent de main en main. Mfumu’eto (« notre chef » en tshiluba, l’une des quatre langues nationales de la RDC), petit, le visage ovale et toujours rieur, 37 ans et des poussières, est tellement épris, passionné, accroc de BD, qu’il a transmis ce feeling à son unique enfant, Princesse d’or qui, à 17 ans, excelle déjà dans le dessin et la peinture.
Cette fille est vraiment la princesse de son père depuis la rupture de ses parents alors qu’elle avait à peine 2 ans et demi ! Princesse d’or fait partie de ces enfants doués qui fatalement grandissent trop vite pour leur âge. Et c’est le cas de le dire ! Elle a acquis une autre sensibilité, tient la conversation avec n’importe quel adulte, et évolue dans le milieu de l’art comme un poisson dans l’eau.
Au-delà de toute considération, elle explique sa sortie plutôt officieuse dans le milieu (son lancement officiel est pour l’année prochaine, dixit son père) comme une espèce d’encouragement aux artistes bédéistes congolais pour tout ce qu’ils font de beau et qui fait parler en bien de la RDC.
Dans le métier depuis maintenant dix ans, Mfumu’eto est un pur produit de l’Académie des beaux arts de Kinshasa, version « architecture de l’intérieur ». Il dit de lui-même qu’il est un reconverti qui n’a fait qu’un retour au bercail.
Timide de nature, c’est sa passion pour la bande dessinée qui a réussi à lui donner le verbe facile et le cran nécessaire pour assumer sa reconversion et surmonter tous les chocs reçus dans la vie, les plus marquants étant la rupture de ses parents ainsi que sa propre rupture avec la mère de Princesse d’or. Il aurait voulu voir sa fille finir journaliste, mais il n’est aucunement déçu par ses choix, au contraire ! Il se propose de canaliser ce talent pour qu’il évolue positivement.
Plutôt solitaire, Mfumu’eto pense de plus en plus à son remariage avec
l’art (un peu négligé car élever seul une fille n’est pas chose facile), avec la presse dans un partenariat déterminé, avec son public bien réceptif à sa BD qui traduit les préoccupations de l’heure : la guerre, la conjoncture et ses conséquences, les conflits sociaux, etc. C’est seulement ensuite qu’il pensera à un remariage dans le sens affectif du terme.
Salué par la profession lors de la 3è édition du salon africain de la BD et de la lecture pour la jeunesse organisé par l’Atelier de création, de recherche et d’initiation à l’art, ACRIA, Mfumu’eto s’est décidé à passer à un stade supérieur dans son travail. Une bande dessinée de qualité, tant dans l’impression que dans le type de papier utilisé, destinée aux Africains et au monde entier. Il prévoit même deux versions de ses BD : l’une purement locale, et l’autre devant atteindre le plus grand nombre, ici et ailleurs.
Mfumu’eto est devenu une référence sur les thèmes qui nous parlent d’amitié, de solidarité, des faits sociaux et phénomènes de société, des musiciens et de leurs rivalités, des à-côtés des pouvoirs
sans oublier de nous raconter, et avec un brin d’humour inestimable, le sort réservé aux « mobutistes » par la petite classe sociale du Congo Démocratique, vu que c’est elle qui en a le plus bavé durant ce règne !
Après avoir rayonné dans les années du lancement du processus démocratique, après s’être laissé concurrencer violemment par les BD couleur et reliure cartonnée, après avoir longtemps pris son mal en patience, Mfumu’eto se ragaillardit. Le colloque sur la « BD africaine et ses problèmes » y serait pour beaucoup, ce qui a poussé Mfmu’eto a dire qu' »avec l’ère de l’internet, ma revue ne va pas demeurer dans l’ombre. » A suivre
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