Au festival Nuits d’Afrique, qui depuis 13 ans fait danser Montréal, le hip-hop africain a rencontré le rap québecois.
Il a la cinquantaine, est plutôt fluet, sourit, plaisante… Tout le monde l’appelle Touré. C’est lui le patron de la première boîte black de Montréal mais c’est aussi le directeur du festival Nuits d’Afrique qui a eu sa 13ème édition en juillet dernier. Venu de Guinée il y a plus de vingt ans, cet autodidacte a réussit à s’imposer et se faire respecter dans la milieu du business musical québécois. Un tour de force si l’on songe que comme le Sénégalais Mamadou Konté, fondateur du célèbre label Africa Fête, il était illetré.
Nuits d’Afrique ratisse large : il y en a pour tous les goûts. Rap, mbalax, salsa, zouk, merengue, reggae, rock, jazz-fusion… 35 formations en 10 nuits ! Invité d’honneur : le Sénégal avec les artistes d’Africa Fête. Il faut dire que le nouveau responsable de la programmation n’est autre que Bouba Sow, bras droit de Mamadou Konté au siège d’Africa Fête à Dakar, lequel signale en rigolant : » C’est le black business ! »
Côté public, pas de souci : on se déplace de tout Montréal, Noirs et Blancs. L’équilibre est judicieux entre les stars internationales (Angélique Kidjo, Ray Lema, Amadou et Mariam, PBS) et les talents locaux (le Malien Madou Diarra, les Camerounais de Sunroots, la cubaine Barbara Ruiz ou les Haïtiens Pierre-Michel Ménard et Patrick Ross), sans oublier les découvertes dont la plus marquante était le mbalax de N’Der et le jazz-fusion des Ivoiriens d’Awana.
Comme aux Nuits atypiques de Langon, Nuits d’Afrique mêle les origines pour des impros très suivies. La Malienne Rokia Traoré a ainsi chanté avec Marie-Jo Thério, une des grandes voix du Québec. Mais l’événement marquant fut le buf entre Positive Black Soul et Dubmatique, les pionniers du rap africain et québécois. Entourés de leurs trois danseurs fétiches et de nouveaux instrumentistes (kora, djembé et tambour d’aisselle), Doug E Tee et Didier Awadi ont vite prouvé qu’ils n’ont rien perdu de leur hargne et de leur énergie pour dynamiter les sujets tabous au Sénégal. Quand à minuit, Dubmatique (que nous avions présenté dans notre numéro 16 spécial Québec) surgit des coulisses, la salle est surchauffée. OTMC, Disoul et DJ Choice entonnent leur tube La force de comprendre, titre de leur premier album qui s’était vendu à 125 000 exemplaires.
Plus qu’une rencontre, ce sont des retrouvailles : deux des Dubmatique ont grandi à Dakar et ont commencé à rapper là-bas ! Installés dans cet îlot francophone de 6 millions d’habitants, ils parlent de leur réalité : » Le rap, c’est comme un thermomètre. T’écoutes, et tu sais ce qui se passe ! «
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