Mozambique: du marxisme protestant au néolibéralisme transcendantal ?

Print Friendly, PDF & Email

Le 25 juin 1975, c’est dans la liesse d’une foule considérable, au sein de laquelle on notait nombre de métis, de Blancs, d’Indiens, que Samora Moisès Machel, deuxième président du Frelimo (Front de libération du Mozambique), proclamait solennellement l’indépendance de ce nouveau pays africain de langue officielle portugaise. On peut dire qu’à ce moment, la popularité de ce front nationaliste radical, qui allait se proclamer officiellement  » parti marxiste-léniniste de l’alliance ouvriers-paysans  » à son 3e congrès en 1977, était considérable dans l’ensemble du pays. Bien des zones, bien des milieux sociaux, bien des groupes ethniques, bien des familles, qui n’avaient pas, ou guère, participé à la lutte armée de libération, commencée selon la version officielle le 25 septembre 1964, avaient été saisis de ce qui était une authentique dynamique révolutionnaire. Non seulement le fascisme métropolitain s’était écroulé, là-bas, avec la Révolution des Œillets du 25 avril 1974, mais la colonisation allait disparaître, un nouvel ordre social allait pouvoir se construire. Bien peu furent ceux qui, dès ce moment, pensèrent que l’institution du parti unique était antagonique à l’initiative populaire indispensable au développement, un développement fondé sur des besoins sociaux exprimés par le peuple lui-même. Les petits secteurs d’opposition existant alors, souvent fort bruyants mais guère représentatifs, étaient surtout liés à des lobbies coloniaux, ou des notabilités ethniques utilisées auparavant par les secteurs éclairés du colonialisme dans leurs tentatives de créer, in extremis, une classe moyenne africaine qui leur serait favorable.
La légitimité des armes
Le Frelimo avait indubitablement la  » légitimité des armes « . Il avait été le seul mouvement capable de mener une lutte de libération durable – même si cela était passé, aussi, par une lutte acharnée contre d’autres petits groupes qui essayaient d’en faire autant. Ce Frelimo ne se revendiquait alors d’aucune idéologie particulière, si ce n’est l’anticolonialisme, mais il ne fait aucun doute qu’il avait été, de manière croissante, influencé par des idées marxistes – le marxisme stalinisé d’alors –, surtout après 1969 quand son premier président, Eduardo Chivambo Mondlane, nationaliste radical mais pro-occidental et admirateur des États-Unis, disparut, tué par un colis piégé très probablement produit par la Pide (1).
Le Frelimo avait été créé le 25 juin 1962, à Dar es Salaam. L’histoire officielle raconte que ce fut par la fusion de trois groupes ethnonationalistes antérieurs, la Manu (Mozambique African national Union, surtout d’ethnie maconde, dans le nord), l’Udenamo (União democrática nacional de Moçambique, plutôt présente dans le centre du pays) et l’Unami (União nacional de Moçambique independente, un petit groupe zambézien). Fusionnant trois groupes de base ethnique, le Frelimo apparaissait ainsi comme réussissant une  » étape ultérieure « , celle du nationalisme moderniste et vraiment mozambicain, porteur d’une nation nouvelle, homogène, en rupture avec les formations sociales traditionnelles et parlant portugais. Cette version de l’histoire reste celle inlassablement répétée. La réalité est naturellement plus complexe et permet de comprendre nombre des crises qui allaient suivre.
Le legs de la colonisation
On peut – on doit – pointer du doigt les erreurs faites par les dirigeants du Frelimo, mais cela ne saurait faire oublier le legs de la colonisation. Il suffit de regarder la carte pour comprendre que le Mozambique, plus encore que nombre d’autres pays africains, fut  » décidé « , entre le congrès de Berlin (1884-85) et les traités avec l’Angleterre (1891) selon une aire sans rapport avec les peuples présents. Pour mesurer l’acuité de ce handicap historique, il suffira de rappeler qu’aucun groupe ethnique du Mozambique (il y en a vingt-cinq principaux) n’est  » entièrement contenu  » dans les frontières du pays : aucun (2)!
Certes, le fait d’avoir été colonisés par la même puissance – à quelques exceptions temporaires près (3) – crée des liens : l’oppression est productrice d’identité. Mais il faut doublement nuancer. D’une part, la genèse d’une identité venue de l’oppression coloniale n’implique pas en elle-même le recul des autres identités (ethniques, religieuses, claniques, etc.). D’autre part, la colonisation portugaise au Mozambique a été, plus encore que celle des autres pays européens, et du fait de sa longévité, hétérogène. La légende des  » cinq siècles de colonisation « , paradoxalement véhiculée tant par le colonialisme que par les nationalistes, n’est avérée que pour d’infimes points de l’Empire (Ribeira Grande, au Cap-Vert, Goa en Inde), on peut l’admettre pour trois siècles en des points ou des bandes de territoires un peu plus nombreux (Moçâmedes et l’axe Luanda-Malange en Angola, la vallée du Zambèze jusqu’à Zumbo, l’île de Moçambique et ses étroites terras firmes au Mozambique, certains points de la côte de Guinée). N’oublions pas, par ailleurs, que le Portugal, après les splendeurs des Découvertes, connut un très long déclin, et que des zones ou des lieux stratégiques (la cour du Manicongo par exemple) qui avaient été vraiment colonisés – à la manière d’alors, du colonialisme mercantile, des missionnaires et des factoreries – furent abandonnées ou se réafricanisèrent presque complètement, produisant parfois d’étonnantes formations sociales hybrides, comme les prazos de Zambézia. En revanche, une présence multiséculaire est attestée, celle de colonnes marchandes  » portugaises  » (blanches, métisses ou noires) ou d’États africains alliés des Portugais pour la traite servile. Une large partie du continent austral fut donc parcourue par des  » Portugais « , ce qui fonda le rêve de la mapa cor de rosa en 1890 (4). Mais pour l’essentiel, la colonisation portugaise fut comme les autres, celle de l’occupation effective du territoire consécutive au traité de Berlin. Au Mozambique, les dernières grandes révoltes furent écrasées en 1913 et 1917-22 – et la lutte armée commence en 1964. Compte tenu du fait qu’en des superficies immenses, la présence portugaise resta, sur le plan quotidien, virtuelle jusqu’à la fin des années quarante, on voit que la colonisation réelle fut courte : dans chaque famille, il y avait encore des Anciens qui se rappelaient le temps où les Portugais n’étaient pas encore là.
Introuvable métissage et créolité
Cependant, il y a un plan pour lequel la colonisation  » séculaire  » eut des conséquences encore prégnantes aujourd’hui : en des points extrêmement restreints du territoire, mais socialement importants, apparurent des milieux sociaux  » luso-africains « , Noirs, métis, voire de Blancs africains de plusieurs générations. Ce  » métissage « , dont l’importance idéologique est restée fondamentale jusqu’à aujourd’hui encore dans l’idée que les Portugais se font de leur passé colonial, fut une réalité surtout pendant la longue période du déclin. Des sociétés décadentes locales (Inhambane, Moçambique, Mossuril, Chinde, Tete au Mozambique) exprimant des créolités diverses (5) persistèrent d’autant mieux que le colonialisme moderne des grandes compagnies capitalistes, hostile au paternalisme de ces milieux anciens et imposant partout le recensement, l’impôt et le travail forcé, ne les avait pas encore atteintes. Aujourd’hui encore, le mythe du métissage, extrêmement vivace dès qu’il s’agit du Portugal, relève donc au mieux d’une réalité sociale qui mourut au début du xxe siècle, avec l’arrivée du capitalisme colonial et d’un nombre croissant de petits colons métropolitains, que d’une pratique contemporaine. Il ne faut pas confondre l’Afrique et le Brésil (et même là, le métissage est le produit de l’esclavage). Il suffira de dire qu’en 1950, il y avait environ 9 % de métis (coloured) dans l’Afrique du Sud raciste et pas même 0,5% au Mozambique (6) !
Ces importantes réserves faites, il n’empêche que ces petits milieux métis ou, plus généralement, créoles (7), furent néanmoins plus importants dans l’empire portugais, et même au Mozambique, et plus anciennement enracinés et urbanisés, que dans nombre d’autres colonies africaines. Ultra-minoritaires, ces milieux eurent un rôle déterminant dans la genèse des nationalismes. Par ailleurs, il faut souligner que la  » limite  » entre colonisés et colonisateurs passait socialement plus bas, dans l’empire portugais, que dans les autres, en raison du nombre et de la modestie des colons métropolitains. Ainsi naquirent parfois de vraies amitiés entre Africains et Blancs, même sur fond structurellement raciste (8), et il y eut des Blancs dans tous les fronts nationalistes africains.
Le phénomène  » créole  » fut cependant moindre au Mozambique qu’en Angola, pour ne point parler des archipels créoles et de la Guinée-Bissau. Les chefferies du Nord liées au trafic servile (et qui, pour cela même, résistèrent désespérément au Portugal quand celui-ci voulut instaurer le capitalisme colonial) étaient des sultanats musulmans, et furent détruites et ne purent guère transcroître, comme à Luanda, en grandes familles noires ou métisses, et urbaines. Par ailleurs les colons qui vinrent au Mozambique ne furent pas exactement les mêmes : la colonie était plus éloignée, le voyage coûtait plus cher, et l’économie même de services à l’hinterland britannique imposait une certaine technicité (chemins de fer, ports, etc.). On disait souvent que le Sud du Mozambique, notamment,  » ressemblait à l’Afrique du Sud  » avec des Blancs d’un niveau social supérieur à ceux d’Angola et plus racistes.
La marginalisation des élites traditionnelles
Enfin, décision de longue portée, le changement de capitale décidé en 1897 (effectif en 1903), bouleversa le pays. Du point de vue de Lisbonne, il s’agissait de  » brancher  » la colonie sur l’économie, en plein essor, du Witwatersrand et de l’Union sud-africaine en général : la priorité était désormais à la captation de devises par le trafic ferro-portuaire de et vers le Rand, et l’émigration taxée des travailleurs mozambicains dans les mines. Il s’en suivit que les petits noyaux de vieilles sociétés  » créoles « , situées dans le Centre et le Nord du pays furent socialement, économiquement et politiquement marginalisés. Ainsi, la colonisation du xxe siècle, ce fut essentiellement deux villes : Lourenço Marques (Maputo) au débouché du Rand et du Natal, et Beira, au débouché de la Rhodésie du Sud. Or ces deux villes n’existaient pratiquement pas (Maputo) ou pas du tout (Beira) auparavant. Il ne s’agit pas d’une colonisation qui se greffa sur, et subvertit, une bourgade africaine, ce fut une création ex nihilo, produisant par conséquent sur place toutes les caractéristiques de la colonisation portugaise contemporaine : une population coloniale extrêmement urbanisée (9), vivant principalement de métiers bureaucratiques et des services (peu d’entrepreneurs), sans capital initial, d’autant plus attachée aux privilèges découlant de la couleur de la peau (professions protégées, etc.) que nombre d’entreprises étrangères captaient l’essentiel de la production de richesse. Quelle élite africaine pouvait apparaître dans ce contexte urbain du Sud et surtout de Maputo ? Outre une infime minorité métisse officiellement reconnue, les assimilados ( » assimilés « , ou Noirs ayant obtenu la citoyenneté portugaise suite à toute une série de démarche) n’avaient pas la base économique et la place sociale pour créer de petites entreprises, du fait des caractéristiques de la colonisation et du fait qu’en général – il y a des exceptions –, ils n’étaient pas originaires d’anciennes familles de notables africains (parfois des régulos, les chefs  » traditionnels  » reconnus par les Portugais : mais ces derniers étaient rarement riches). Les indígenas eux-mêmes n’ayant pas le droit d’être propriétaires d’une ferme, d’un atelier ou d’une petite plantation, ni ne pouvant en pratique avoir le permis de conduire pour être commerçants (10), il n’y avait pas même une  » élite indigène « , plus investie dans la production  » moderne  » qui eût pu entrer en symbiose, via des mariages, etc., avec l’élite assimilada socialement plus bureaucratique. De plus, ces derniers étaient éduqués, évidemment, dans le modèle et dans le désir d’imitation des Portugais : eux-mêmes voulaient mentalement devenir petits bureaucrates et ne pouvaient socialement aspirer qu’à cela. Plus généralement, ils étaient en général conservateurs, revendiquant d’être considérés comme de vrais Portugais. Quand ils passaient au nationalisme (à la génération suivante, le plus souvent), ce modèle social de la nation portugaise homogène et bureaucratique n’était jamais loin. S’il n’y a pas de déterminisme social, on peut en revanche comprendre que ce contexte facilita la capture de cadres nationalistes, issus de ces milieux, par un certain marxisme.
Circonstance aggravante d’extériorité face à la société africaine, ces milieux très ténus étaient évidemment le plus souvent issus des groupes ethniques du Sud voisins de la capitale (rongas, changanes, parfois tsuas, bitongas ou chopis). Or ces groupes sont très minoritaires dans l’ensemble de la population mozambicaine, les régions du Centre et du Nord étant les plus peuplées.
On a donc un complexe explosif de facteurs : faiblesse insigne de l’élite africaine moderne, extériorité sociale face au monde de la production (tant coloniale qu’africaine), absence fréquente de racines dans de veilles élites africaines, extériorité ethnique. Aucun de ces facteurs n’était, en lui-même, rédhibitoire, mais leur combinaison créa assurément un contexte lourd…
Les contradictions du nationalisme
Quand le Frelimo surgit en 1962, il est fondamentalement le produit de trois phénomènes, dont deux internes : la radicalisation de quelques étudiants assimilés ou métis, le plus souvent originaires de l’extrême Sud du pays, et le désir de l’ethnie maconde (frontalière du Tanganyika, au nord) de faire la guerre aux Portugais pour les chasser de leur territoire ; enfin, la volonté de la direction politique de la Tanu(Tanganyika National African Union, le parti nationaliste de Julius Nyerere) de décoloniser le Mozambique selon des critères lui convenant. Or il est vrai qu’aucun des autres petits partis antérieurs ne semblaient capables de déclencher une lutte durable et  » moderne « . La Manu était un groupe assez important, mais formée principalement de Macondes émigrés depuis longtemps, pour certains nés au Tanganyika ou à Zanzibar et urbanisés. L’Udenamo était nettement plus nombreuse, formée d’une part de quelques cadres issus du centre du pays, et d’autre part de Macondes travailleurs des plantations de sisal du Tanganyika et du Kénya, de très faible niveau social et scolaire, refusant une Manu  » trop tanzanienne « . L’Unami était un groupuscule zambézien. La Tanu avait essayé d’unifier la Manu et l’Udenamo, mais sans succès. L’arrivée de cadres du Sud à Dar es Salaam permit aux Tanzaniens de former une nouvelle direction politique. Les groupes précédents furent invités à s’unifier au sein de ce nouveau front. En pratique cependant, le nouveau président Eduardo Mondlane, qui revenait de l’université de Syracuse (États-Unis), où il était enseignant, était inconnu de la plupart des cadres des formations précédentes. Il était fils d’un chef traditionnel de Gaza, mais éduqué dans l’Église presbytérienne (dite  » Mission suisse « ), avait poursuivi ses études en Afrique du Sud, brièvement au Portugal puis en Amérique. Rapidement, la plupart des cadres des formations précédentes, contraints sous pression tanzanienne à la  » fusion  » de juin 1962, quittèrent le nouveau front et tentèrent de les reconstituer. Cependant, muni du minimum de cadres nécessaires et de soutiens internationaux croissants, c’est le Frelimo qui réussit vraiment à déclencher la guerre, emportant définitivement l’adhésion de l’ethnie maconde.
Identités ethniques, identités sociales
Sur le plan ethnique, il faut grandement se garder des simplifications. Les développements précédents, insistant sur la prédominance des groupes sudistes (installés à sa direction) alliés à une base guerrière et paysanne maconde de l’extrême-Nord, ne doivent pas mener à conclure que le Frelimo était en tant qu tel une formation ethnique. Il ne l’a jamais été, et même aujourd’hui, alors que sa base sociale se restreint et que ses soutiens électoraux sont plus que jamais sudistes (cf. infra), ce serait encore faux de l’affirmer. Premièrement, son projet politique a toujours été conçu à l’échelle de l’ensemble du Mozambique – même si ce  » Mozambique  » est, inconsciemment, souvent ressenti comme devant être une dilatation du Sud et de Maputo… Deuxièmement, on l’a vu, si nombre de cadres ressortirent très vite (ou furent expulsés), il n’en alla pas de même de la base : ainsi, il semble que l’essentiel de la base de l’Udenamo (maconde, mais aussi chona), soit restée au Frelimo. Troisièmement, la propre dynamique de la guerre de libération, s’étendant à des zones chaque fois plus vastes (11), permit un relatif brassage inter-ethnique. Quatrièmement, même dans la mesure où des cadres changanes et rongas dominaient effectivement, cela n’induit pas une relation organiquement ethnique ou tribale entre le Frelimo et ces ethnicités – comme on peut la voir beaucoup plus nettement aux origines du FNLA angolais, issu d’une branche de la famille royale congo avec un projet politique pour cette ethnie.
On a donc bien plus affaire à des questions de trajectoires sociales qu’à des questions ethniques en tant que telles. Ou, en d’autres termes, les questions ethniques n’existent qu’en tant que questions sociales. Ainsi, l’une des crises les plus sérieuses que connut le Frelimo fut la défection du chef provincial du Cabo Delgado qui passa aux Portugais. Il était maconde et la direction surtout changane. On doit accorder toute son importance au fait que lui-même ressentit la question ainsi, considérant que  » ces cadres changanes  » voulaient  » prolonger la guerre  » pour  » faire massacrer son peuple « . Mais lorsqu’on analyse la genèse de la rupture, on voit bien son fondement social : Lázaro N’Kavandame (le déserteur), était un big man, un commerçant maconde moderne, revenu du Tanganyika où il avait vu le capitalisme colonial britannique plus développé, passionné de développement économique, certes pour lui même mais aussi pour son peuple. Il avait essayé de le faire sous administration portugaise et en avait constaté l’impossibilité, passant à la rébellion en 1963. Mais il rêvait d’une libération rapide de sa terre, pour pouvoir la développer, et refusait la stratégie de la guerre populaire prolongée qui, ponctionnant des hommes pour les envoyer en opérations chaque fois plus loin, empêchait de la libérer. L’autre côté naturellement analysa la question autrement : N’Kavandame était un  » bourgeois « , un  » exploiteur « , et, puisqu’il avait mobilisé ses notables, un  » tribaliste  » ; contre lui, il fallait assurer la victoire de la  » ligne révolutionnaire  » – et cela dans un contexte d’absence complète de démocratie interne au sein du front. L’aile politico-militaire qui l’emporta, marxisante, était sans doute prédisposée à cela, mais il est certain qu’elle en retira une méfiance profonde et durable envers tout ce qui relevait de l’ethnicité, des structures politiques traditionnelles et des religions animistes. Le Frelimo, qui pratiquait empiriquement l’alliance avec les chefs traditionnels, cessa de plus en plus de le faire.
D’autres crises, d’autres défections, très nombreuses, peuvent être lues à cette lumière d’un complexe de causes sociales et ethniques indissociables. Le Frelimo n’est pas une formation ethnique, mais il y a bel et bien des rapports de pouvoirs tendanciellement ethniques en son sein. Globalement, on le voit, le fait qu’au Mozambique ne soit demeurée en pratique qu’une seule formation nationaliste, à l’inverse de l’Angola, n’exprima pas l’unification de nationalismes produits par différents segments d’élites mais, à l’inverse, l’insigne faiblesse des segments d’élites non sudistes : ces derniers ne rejoignirent pas le Frelimo ou, le faisant, s’y sentirent mal à l’aise et en ressortirent ou furent réprimés et marginalisés. Ils ressentaient ces gens du Sud comme des étrangers, il n’y avait pas de nation mozambicaine. Mais ils furent incapables de créer de solides organisations rivales.
Le modèle et la nation
Néanmoins, la dynamique enclenchée par la chute du fascisme aurait pu, théoriquement, être une opportunité pour une unité plus grande, plurielle et véritable. En réalité, le modèle politique véhiculé par le Frelimo, celui d’une nation homogène, lusophone, formée de citoyens atomisés, sans histoire, sans identité, sans ethnie, etc., aiguisa rapidement les forces centrifuges. La communauté coloniale évidemment était la plus exposée et une large partie ne pouvait que partir, ayant perdu ses privilèges socio-raciaux. Néanmoins sa défaite en tant que classe aurait pu être dissociée de sa survivance en tant que communauté. De nombreux Blancs souhaitaient rester sur place (une partie y étaient nés), même après les sanglantes provocations de septembre-octobre 1974 (12) : mais quand leurs clubs (Casa do Algarve, Associação dos Antigos colonos, etc. (13)) furent fermés, quand leurs partis politiques – certes néocolonialistes mais groupusculaires – furent interdits, etc., nombre d’entre eux se sentirent niés. La nationalisation des immeubles locatifs en 1976 acheva de détruire la communauté blanche, ce qui fut un désastre pour le pays puisque, vu les caractéristiques de la colonisation portugaise, l’essentiel des cadres et techniciens étaient blancs.
On le voit, le modèle politique n’était pas relatif qu’au parti unique, mais relevait surtout de la nation uniforme et moderne. Il n’y avait aucun risque en 1975 à provoquer des élections pluralistes, mais c’était inimaginable car c’était accepter qu’on pût vouloir une autre nation que celle des anciens assimilados et métis du Sud, dont le modèle restait la ville coloniale, modeste, propre et ordonnée, peuplée de fonctionnaires et d’employés de commerce qu’ils avaient quittée pour l’exil à la fin des années cinquante. Plus souvent protestants que la moyenne des assimilados, ces nationalistes étaient aussi pétris de l’idéal des écoles de métier et des villages chrétiens diffusés par les missions presbytériennes, voire congrégationalistes. Le modèle fut donc profondément anti-ethnique, se refusant absolument à prendre en compte ces facteurs et envoyant partout dans le pays des cadres le plus souvent originaires du Sud (c’était la région de plus forte alphabétisation), ne sachant pas les langues locales, parlant une langue étrangère (le portugais) et un langage étrange, le  » Abaixo  » ( » À bas !) : – Abaixo o tribalismo, Abaixo o feodalismo, Abaixo o obscurantismo, Abaixo o divisionismo, etc. – les gens comprenant très bien que le  » tribalisme « , le  » féodalisme « , l' » obscurantisme  » et le  » divisionnisme  » les désignaient eux-mêmes puisqu’ils n’aimaient pas ces cadres du Sud, restaient souvent fidèles, ou au moins voulaient qu’on respectât les régulos (chefs traditionnels), ne voulaient pas qu’on interdît les rituels de la pluie, que l’on fermât l’Église ou que l’on entrât chaussé dans la mosquée (14), et ne voulaient pas quitter la terre de leurs ancêtres pour venir sur celles d’un autre lignage et y vivre confinés dans un  » village communautaire « .
On le voit, le modèle de développement relevait typiquement du paternalisme autoritaire. Tout ce qui fut présenté comme  » démocratie populaire  » ( » Groupes dynamiseurs « ,  » Conseils de production « ,  » organisations de masse « ) relevaient en réalité d’un formidable effort d’encadrement de toute la population de la part d’un front qui n’avait pas 20 000 membres en 1974. Le populisme y permit des discussions sur les qualités personnelles de tel ou tel, sur l’alcoolisme, la polygamie, etc., mais jamais sur l’orientation – nombre des coopérants étrangers et sympathisants des débuts, les pés vermelhos ( » pieds rouges « , opposés aux pieds-noirs) s’y trompèrent et, sur le retour, écrivirent des articles enthousiastes sur la construction du socialisme. Le Frelimo annula même carrément les élections locales dans de très nombreuses régions de Zambézia, en 1978, car presque partout, c’était les chefs traditionnels qui avaient été désignés candidats par les échelons de base du parti et élus ! Faut-il s’étonner que cette province passa massivement à la rébellion ?
La question de l’État
On peut dire que, même ainsi, il n’y aurait pas eu de désastre si l’État avait été socialement promouvant. Mais tout se tient. Ne se fiant qu’à l’initiative venue du sommet, le système ne pouvait pas utiliser les compétences locales, tant en ville (il dissolvait les comités de travailleurs spontanément mis en place dans les petites entreprises abandonnées par les Portugais, pour y nommer des commissions administratives) qu’en brousse (il refusait toute compétence aux chefs traditionnels et notables religieux), le régime manqua, malgré un formidable activisme et, en ces années, des dévouements admirables de militants intermédiaires et locaux (y compris des Blancs), d’autant plus désespérément de cadres que les solutions qu’il adoptait étaient celles qui en impliquaient le plus. Malgré les discours, le modèle tournait systématiquement à l’avantage des fermes d’État au lourd équipement mécanique acheté à l’étranger (plus de 90% du budget du ministère de l’Agriculture), et non point aux villages communautaires et coopératives pourtant tant vantés, pour ne point parler du soutien à l’agriculture familiale, totalement inexistant. Même hostile au  » village  » et favorable à la  » montagne « , les paysans pouvaient y être gagnés si du moins arrivaient les engrais pour l’agriculture désormais intensive, si du moins l’école était occupée par un maître, le dispensaire par un infirmier, si la coopérative de consommation était régulièrement ravitaillée. Or cela ne se produisait pas. Seul fonctionnait l’aspect répressif de la modernisation autoritaire.
L’apartheid et la révolte
Dans ce contexte, le Mozambique était vulnérable au contexte géopolitique très défavorable dans lequel il s’insérait, aux frontières des Rhodésie et d’Afrique du Sud. Quand les services secrets rhodésiens commencèrent à manipuler de petits groupes de Mozambicains évadés des camps de rééducation, la population considéra vite qu’il s’agissait d’une guerre privée entre deux groupes. À une seule importante exception près, il n’y eut pas de contre-guérillas populaires en défense du Frelimo. Il est indéniable que la Renamo (Résistance nationale du Mozambique), fut créée par la Rhodésie, et soutenue massivement par l’Afrique du Sud jusqu’en 1984 (15) et, plus discrètement ensuite, jusqu’à la libération de Nelson Mandela. Mais il est non moins indéniable qu’en certaines zones du pays, elle fut accueillie à bras ouverts : certains segments de population crurent qu’ils pourraient utiliser cette structure de guérilla venue de l’extérieur, pour se protéger de l’État, pour vivre comme avant, avant le Frelimo, avant les Portugais. Par ailleurs, le soutien de l’Afrique du Sud à la Renamo ne fut jamais comparable à celui accordé à l’Unita angolaise. L’Unita fut lourdement appuyée, posséda des chars, une armée professionnelle – ce fut une armée d’État sans État – qui, souvent, nourrissait sa propre population. La Renamo resta une armée de gueux et va-nu-pieds qui avait besoin de la population pour vivre. L’Afrique du Sud fournissait les radio-transmissions, mais tout le reste (armes incluses) était pris à l’ennemi (y compris à la  » population de l’ennemi « ).Peu à peu, même très violente et d’origine strictement militaire, elle exprima d’une certaine manière la profonde crise de la société mozambicaine, elle commença lentement à se civil-iser (au sens littéral). Pour le paysan ndau ou macua, l’Afrique du Sud était loin – et s’il en pensait quelque chose parce qu’un parent y avait émigré, c’était alors une idée du paradis… Les avions zimbabwéens bombardant la Zambezia au napalm étaient proches. Les horreurs de la guerre étaient nombreuses, mais pratiquées des deux côtés. Les rapts – même si cela doit choquer – n’étaient pas en eux-mêmes un scandale, relevant de l’ancienne pratique des captifs et ce n’étaient pas que des jeunes ou enfants que l’on raptait pour la guérilla (16), mais la population elle-même pour l’amener dans sa zone (gouvernementale ou autarcique)… Peu à peu la Renamo constitua ce que j’ai appelé une coalition de marginalités, à savoir exprima les ressentiments de secteurs sociaux marginalisés non seulement par le Frelimo, mais parfois depuis l’époque coloniale.
Cela exprime du reste l’évolution radicalement différente de la Renamo et de l’Unita. Cette dernière, d’origine politique, se militarisa progressivement au point d’être aujourd’hui essentiellement un corps social guerrier, vivant de, par et pour la guerre. La Renamo comprit que sa survie ne pourrait être que politique, par son intégration au monde de la ville, alors que l’Unita ne se conçoit qu’en tant que machine pour la totalité du pouvoir. Ainsi seulement peuvent s’expliquer les négociations entre le Frelimo et ceux qu’il appelait les  » bandits armés « , les Accords de paix du 4 octobre 1992, les élections de fin octobre 1994 et celles, toutes récentes, de décembre 1999. La Renamo y fut deux fois vaincue électoralement, mais spectaculairement légitimée : les  » suppôts de l’arpartheid « , ceux dont l’activité se résumait à rapter des enfants et éventrer des femmes enceintes (17) obtinrent en 1994 un score supérieur au tiers de l’électorat. Fin 1999, alors que le Frelimo pensait s’être resaisi et profiter du fait que la crainte de la guerre s’est estompée, la Renamo a encore gagné plus de 5% des voix et la majorité absolue dans les cinq régions les plus peuplées…Joaquim Chissano, le président sortant n’a été réélu qu’avance 200 000 voix d’avance et alors que 370 000 bulletins n’ont pas été retrouvés par la Commission nationale électorale. Il y a un vrai problème de représentativité sociale à régler dans l’État mozambicain, un partage social du pouvoir et non seulement un éventuel marchandage politique.
Mais, dira-t-on, le  » communisme  » a été battu : la Renamo n’a-t-elle pas accéléré le mouvement vers le libéralisme économique ? C’est plus que certain, mais en rester à ce niveau d’analyse est bien superficiel. Car le  » communisme  » dénoncé par la Renamo a peu à voir avec ce que nous entendons généralement par là (le stalinisme, le  » socialisme réel « , etc.). Pour la Renamo, il s’agissait du complexe socio-ethnique au pouvoir d’État. Or, si le pluralisme politique et associatif est un progrès indéniable, ce complexe socio-ethnique est toujours en place. Le Frelimo a systématiquement refusé d’  » ouvrir « , non seulement politiquement mais socialement, en nommant des cadres de la Renamo, par exemple, dans les régions où elle est majoritaire (18). Pour la Renamo et ceux qui la suivent, le  » communisme  » est toujours en place puisque l’ancien directeur de l’entreprise d’État en est simplement devenu le patron privatisé. Il est vrai que les privatisations profitent presque toujours, pour des raisons d’ailleurs sans doute plus sociales que politiques ou maffieuses, aux mêmes milieux favorables au Frelimo. Cet ancien parti  » marxiste  » n’est-il pas devenu l’expression naturelle des secteurs les plus modernes de la bourgeoisie mozambicaine ?
Le  » marxisme-léninisme  » est mort. Vive quoi ? (19)
Le tournant néolibéral, commencé en filigrane sous le parti unique dès 1985, et qui a pris une allure vertigineuse aujourd’hui, peut-il résoudre ces déséquilibres largement issus de la colonisation et inchangés par la phase radicale de l’indépendance ? Si en termes macro-économiques ( » croissance du PIB « ), certains voient un progrès, force est de constater que jamais la polarisation sociale n’avait été aussi forte. Par ailleurs les investissements étrangers, fortement croissants, s’implantent majoritairement dans les mêmes régions, en particulier le  » corridor de Maputo  » qui va du complexe portuaire de Matola-Maputo jusqu’à la frontière avec l’Afrique du Sud. On est en train de créer une enclave capitaliste économiquement développée (pour ne point parler du social), complètement extravertie (20) et incapable de dynamiser les sociétés alentour. Tôt ou tard, ces déséquilibres régionaux s’exprimeront de manière ethnique – alors, on criera au tribalisme –, voire par des violences racistes anti-indiennes (21).
Le tournant libéral a-t-il modifié l’idée de nation, très forte aux origines du Frelimo ? Certes, le projet politique est amoindri et la  » transition socialiste  » a cédé la place à l’affairisme et à la corruption. Mais il n’y a pas vraiment de remise en cause de la vision technocratique du développement accéléré dans l’optique de la nation moderne. Quelle différence, pour le paysan marginalisé, entre les tracteurs lourds bulgares de la ferme d’État et la rutilente entreprise italienne ou mauricienne ? En revanche, qu’on s’en passionât ou le détestât, il ne peut être mis en doute que le Frelimo  » marxiste  » avait un projet politique précis d’encadrement de toute la population, qui revêtait presque l’aspect d’une économie morale. Tout cela a volé en éclats, non point tant à cause de la Renamo que de l’évolution sociale du Frelimo lui-même : l’élite socialement bureaucratique qui le portait a suffisamment accumulé pour entrer dans les affaires. Le problème est que le  » marxisme « , en tant que idéologie structurante ou mythe agissant – comme ou voudra – n’a été remplacé par rien,
Ce vide contraste avec l’idée de  » famille  » restée très présente dans les sphères de la direction du Frelimo, ce sentiment d’appartenance à un  » milieu politico-social  » restreint, au destin singulier, et qui se doit mutuellement aide et solidarité. Ce désert moral est sans doute seul à même d’expliquer que plusieurs de ses dirigeants, dont le président de la République, soient devenus membres de l’Église transcendantale hollandaise, celle-là même qui pratique le vol yoguique. Mais il n’est pas sûr que ce soit efficace pour le développement durable (22) de ce pays si fascinant et si pauvre.

1. Pide, Police internationale et de défense de l’État, la redoutable politique secrète du régime salazariste.
2. Le grand groupe proportionnellement le plus  » interne  » est l’ensemble macua-lómuè : il s’étend sur les provinces de Zambézia, Nampula, Niassa, Cabo Delgado, mais déborde largement en Tanzanie. Bien entendu, certains segments sub-ethniques sont présents totalement au Mozambique.
3. Le Mozambique a aussi vu la présence d’Autrichiens, d’Allemands et de Britanniques.
4. Épisode célèbre du nationalisme portugais, quand une carte fut présentée à l’Assemblée, dans laquelle une étendue immense et continue, allant de l’océan Indien (Mozambique) à l’océan Atlantique (Angola), était hachurée de rose (la  » carte rose « ) pour représenter les territoires que le Portugal considérai comme lui revenant. Bien entendu, ce rêve de  » la côte à la contre-côte  » se heurta aux rêves britanniques d’un empire africain du Caire au Cap – et cela d’autant plus que le  » service de presse  » autour des voyages de Livingstone avait été bien mieux organisé que ceux des explorateurs portugais qui avaient parcouru les mêmes zones… un siècle plus tôt ! Le port de Lisbonne menacé par la flotte britannique, le Portugal dut capituler et demander aux volontaires de quitter le plateau de Manica (aujourd’hui au Zimbabwe) pour laisser place nette à Cecil Rhodes. L' » Ultimatum  » humiliant laissa des traces profondes, qui profitèrent à la fois aux courants républicains et, plus tard, aux militaires nationalistes qui établirent la Dictature.
5. À savoir classiquement métisses parfois (Tete : Blancs/Noirs), mâtinés d’Indianité ailleurs (Inhambane, Chinde), voire de  » Maures  » (arabo-swahilis comme à Moçambique).
6. Il est impossible de connaître le nombre exact des métis, dans la mesure où n’étaient inclus dans cette catégorie officielle que ceux reconnus à leur naissance par le père portugais. Les autres restaient dans la catégorie de leur mère noire, c’est-à-dire  » indigène « . Néanmoins, à doubler ou tripler les valeurs numériques disponibles, on ‘obtiendra pas encore un  » métissage sans égal  » et pas même… sud-africain !
7. sur la créolité, voir l’article  » L’Afrique « lusophone » ou le nationalisme paradoxal « , dans ce n° d’Africultures.
8. Le mythe du métissage est très lié à un autre mythe, selon lequel la colonisation portugaise n’aurait point été raciste. Outre que des textes légaux – à commencer par le Statut indigène – inclut des termes ouvertement racistes, on confond deux choses. En effet, le fait que l’Angola et le Mozambiqu aient été, au xxe siècle, des colonies de peuplement, avec des colons parfois fort modestes, inclut un racisme d’une teneur évidemment différente de celui que peut exprimer un grand planteur espagnol face aux Indiens au Mexique, ou anglo-saxon face aux Africains. Au racisme de distance se substitue alors un racisme de proximité : on se parle, on travaille ensemble, il arrive même d’être (pas souvent) présents dans les mêmes fêtes), mais cette proximité ne saurait en aucun cas être synonyme de non racisme. Quand la nécessité s’en fait sentir, l’ordre est rétabli, par la police ou les colons eux-mêmes, avec la plus extrême violence.
9. Autre mythe, celui des  » paysans lusitaniens intégrés sous les Tropiques  » ! Les trois quarts des Portugais du Mozambique vivaient dans les deux villes principales en 1950-70 !
10. Le permis de conduire ne pouvait être délivré qu’aux titulaires de la  » quatrième classe « , l’équivalent du CM2, que 99,99% des indigènes n’atteignaient pas.
11. En ce qui concerne les  » zones libérées  » proprement dites, celles dans lesquelles la guérilla avait vraiment expulsé toute administration portugaise, le Frelimo a parlé d’un tiers du territoire. Je situerais personnellement la proportion à environ 10% et sans doute trois cent mille habitants – ce qui est déjà considérable pour une guérilla à notre époque. Mais évidemment, les zones d’influence et de double allégeance ( » jour portugais  » et  » nuit rebelle « ) étaient bien plus vastes.
12. Une manifestation pied-noir occupant la radio (septembre) et une provocation de comandos portugais (octobre) entraînèrent des actions non contrôlées et firent des centaines de morts (surtout noires en septembre, et blanches en octobre).
13. Maison de l’Algarve (les Portugais raffolent d’associations régionalistes), Foyer des Anciens colons, etc.
14. Épisode authentique de Samora Machel entrant chaussé dans l’une des grandes mosquées du Nord-Est du pays.
15. Le 16 mars 1984, Samora Machel signe les accords d’Incomati (Nkomati) avec l’Afrique du Sud : en échange du retrait de l’ANC du Mozambique, l’Afrique du Sud cesserait de soutenir la Renamo. Divers accords économiques devaient suivre, entraînant – déjࠖ un glissement vers le libéralisme économique. Ces accords furent un échec et si le Mozambique expulsa bien l’ANC, l’Afrique du Sud continua à soutenir la Renamo.
16. Ce fut néanmoins une pratique courante, la Renamo utilisant des soldats de plus en plus jeunes au fur et à mesure que le conflit durait (il y a des cas à moins de dix ans), et le gouvernement ne répugnant pas non plus à intégrer au service militaire obligatoire de jeunes adolescents.
17. Ce genre d’horreurs a effectivement eu lieu.
18. En vertu des accords de paix de Rome, un très petit nombre d’administrateurs de district de la Renamo avaient été intégrés.
19. Selon une question posée, en 1990, par Immanuel Wallerstein.
20. Un cas typique est l’usine électrométallurgique de Matola qui fonctionne avec de l’électricité achetée à l’Afrique du Sud, sur la base d’un minerai acheté en Australie et vendue au Japon, dont les profits repartent dans les mains des propriétaires étrangers.
21. Les communautés indiennes sont dominantes dans le grand commerce.
22. L’Église transcende tale a proposé un plan absolument délirant de développement de tout le sud du pays, subdivisé en canaux d’irrigation perpendiculaires de centaines de kilomètres de long, aux croisements desquels seraient construits des milliers de… villages urbains. Cf. notamment Pedro Oliveira :  » Le Président et le Transcendant « , Politique Africaine, (Paris, Karthala), déc.1993, n° 52, pp. 150-151.
///Article N° : 1257


Laisser un commentaire