Malgré le titre de ce premier album personnel, aucun genre musical ne semble étranger à cette jeune et émouvante chanteuse. Son éclectisme est aussi confondant que sa voix est profonde et captivante. Depuis longtemps soliste du groupe Jazzpel, elle a aussi fréquenté les musiques antillaises (avec Zoukafri), sud-camerounaises, comoriennes et sud-africaines (avec Pososhok) ou mozambicaines (avec Time Mozam), ainsi que le blues et la soul avec Nothing but the Blues
Quoique née en France, Rachel Ratsizafy affiche ici une ardente fidélité à ses origines malgaches, soulignée par une instrumentation très délicate, à base de cordes pincées, de flûtes et de hochets.
Outre le grand Justin Vali, qui donne le ton avec sa cithare marovany, l’excellent guitariste languedocien Olivier-Roman Garcia exprime dans tout l’album sa fascination manifeste pour les musiques de l’Océan indien, tout en y ajoutant une touche très personnelle héritée du blues, du bluegrass et du jazz. « Malagasy Aho », hymne dédié à la Grande Ile, réussit à fondre harmonieusement dans le style « r’n’b » halètements et cordes en pizzicato typiques du sud de Madagascar.
De même, « Mbolatia » semble évoquer sur un rythme funky tempéré par le frémissement du hochet les chants de possession malgaches, qui à vrai dire ne sont pas tellement éloignés du gospel originel, ponctué par des tambourins munis de cymbalettes
Plus surprenante encore est l’irruption magique – sur « Sing your Song » – de Byard Lancaster, figure historique mais un peu oubliée du free jazz, l’un des meilleurs disciples du génial Eric Dolphy. Sa flûte gazouillante accompagne le chant de Rachel dans une improvisation « gospel rap » très inspirée, quoiqu’un peu trop abrégée.
En anglais, en français ou en malgache, la voix de Rachel a ce « grain » exceptionnel qui colle à l’oreille et qu’on n’oubliera pas après avoir écouté « Natural born stranger » comme il le mérite
Cette étonnante mixture constitue assurément une belle carte de visite pour une vocaliste virtuose qui sait déjà maîtriser toutes les facettes de sa vaste culture musicale, et qui sait aussi très bien s’entourer.
À partir de ses désirs limpides, de ses multiples expériences, de ses discrètes nostalgies et de ses passions si communicatives, il ne lui reste plus qu’à inventer son propre style. C’est le plus difficile, mais d’après ce très beau disque, l’affaire semble gagnée d’avance !
Natural Born Stranger, de Rachel Ratsizafy (Feomanga)///Article N° : 7640