Le joueur de kora malien Toumani Diabaté est un habitué de rencontres atypiques : il a par exemple joué avec le guitariste américain Taj Mahal. On le trouve ici avec le trombone Roswell Rudd. En backstage, la section rythmique habituelle : Lansana Diabaté au balafon, Basseko Kouyaté au ngoni, Sayon Sissoko à la guitare, Sekou Diabaté au djembé, Mamadou Kouyaté et Dala Diabaté aux voix. Afin de s’imprégner des sonorités mandingues, Roswell se rend au Mali en compagnie de Toumani. Il rencontre les musiciens, se rend compte de la complexité de leur musique. Il étudie chaque instrument, ainsi que les voix des femmes et mêle progressivement son instrument. Pour la première fois, la rencontre musicale se fait au Centre culturel français de Bamako. Tout en intégrant des idées nouvelles, le trombone respecte les instruments traditionnels et chacun y trouve son espace. Un opus sur la fascination d’un Américain par la musique africaine. SNK
Encore un produit du bouillon de cultures cubain ! Orlando Valle « Maraca » crée ici une rencontre avec l’artiste-peintre Salvador Gonzales dont le fil conducteur est l’Afrique. La musique traduit les formes, les couleurs, les mouvements de pinceaux. Comme l’écrit Céline Chauveau, « le mot rumba est pris au sens large, traduisant l’esprit de la fête : fête païenne, fête religieuse, fête paysanne, fête urbaine, danse de salon ». La musique et les arts racontent l’histoire du peuple. SNK
Les Gnawas, anciens esclaves arrachés de l’Afrique de l’Ouest par les marchands d’esclaves arabes, vivent surtout au Maroc. Avec les années, ils ont trouvé leur place dans cette société tout en conservant leurs traditions. Nombreux sont les musiciens du monde qui s’intéressent à leurs danses et musiques sacrées. A la poursuite de ses racines africaines, le pianiste cubain Omar Sosa, comme le pianiste afro-américain Randy Weston, va à leur rencontre. De sa voix suave et rocailleuse, la chanteuse cubaine Martha, fait appel à Chango. Des sonorités « latin jazz », yoruba, et sahéliennes. SNK
Tito Paris n’est pas un nouveau venu. Multi instrumentiste, sa carrière démarre vers le début des années 80, mais c’est surtout à Lisbonne qu’il prend de l’ampleur en côtoyant d’autres musiciens. Il y sortira un premier album auto-produit en 1985. D’autres suivront, dont le fameux « Dança mi criola », enregistré en 1994. Ce nouvel album est un recueil de rythmes capverdiens : funana, morna, coladeiras. Le timbre de voix du chanteur, velouté et enchanteur, donne un sentiment de liberté et de jouissance. On traverse l’Atlantique pour se retrouver au cur de Mindelo. SNK
Autour de Londres, se sont mêlés de nombreuses communautés issues des anciennes colonies anglaises. Les premiers immigrants noirs viennent surtout de la Jamaïque, de Grenade, de la Barbade et plus tard du Ghana et du Nigeria. Leurs enfants, nés en Grande-Bretagne, connaissent des difficultés, subissent des injustices et s’opposent aux forces de l’ordre. Pour survivre, ils inventent de nouvelles cultures, mélanges des traditions caribéennes et anglaises. Le reggae est l’élément fédérateur. Les membres de Misty font partie de cette première génération. C’est en 1979 qu’ils se font connaître avec « Live At The Counter Eurovision ». Le groupe, engagé politiquement, entame des tournées en Afrique. Il est présent lors de l’indépendance du Zimbabwe en 1981. La musique de l’ensemble respecte les traditions du reggae. SNK
Il est coutume de voir ou d’entendre des musiciens ou des orchestres connus en Afrique n’ayant aucun album à leur actif. Le Diata Band n’échappe pas à la règle. Ce continuum de cinq musiciens, qui a bâti sa réputation au Mali sur sa façon d’interpréter et de réorchestrer des chansons anciennes, est né dans les années 70. Animés d’abord par l’envie de jouer ensemble et de faire plaisir aux autres, les artistes ne pensent pas à enregistrer. Ils donnent surtout des concerts, qui se transforment la plupart du temps en bal. Ils finissent par se séparer. Plus de trente années plus tard, les voici à nouveau réunis autour de cet opus qui retrace leur histoire. Un mélange de salsa et de rock des années 70 rythmé par des percussions traditionnelles. SNK
Au Cameroun, Douala Alexandre, alias Douleur, est un artiste unique en son genre : son chant grave et haut perché se rapproche de celui des griots maliens. Lorsqu’il entonne une mélodie, il se laisse emporter par l’histoire de celui pour qui il chante. La plupart de ses textes sont de pures improvisations, il chante l’instant. Son album est une géographie des rythmes camerounais : il passe naturellement du makossa au mangambeu et de l’éssèwè au bikutsi sans aucune difficulté. Son but est de porter sa musique hors des frontières de son pays. Dans ce cas, il est normal que Manu Dibango lui prête main-forte. Il est présent sur « Wéa Matanda ». SNK
Le Sénégalais Metzo Djatah est sur scène comme il est à la vie. Joyeux, rieur, sincère et sérieux. Et son album colle à son image. La simplicité de ses textes, chantés en wolof ou en français, fait fureur auprès des enfants. Le titre « Les jeunes du quartier », la chanson fétiche de l’artiste, illustre le personnage, fier de sa culture (sénégalaise et nancéenne), « pur produit de la nouvelle culture urbaine africaine issue du métissage planétaire ». Un artiste prometteur. SNK
Au Sénégal, Ousmane Diallo, connu sous le nom de Ouza, est surtout connu pour ses prises de positions : « Thiaroye 44 » dénonce l’assassinat par l’armée française de tirailleurs sénégalais réclamant leur solde. La chanson « Xeet », qui traite de l’aliénation culturelle, lui causera des problèmes politiques. En compagnie de ses ouzettes, il sillonne l’Afrique de l’Ouest et donne des concerts. Au sommet de la gloire, l’artiste déclare en 1997 qu’il ne donnera plus de concert. Il crée une école de musique pour la jeunesse et reçoit l’aide du gouvernement. Cet enregistrement, réalisé grâce aux radios privées, marque le retour de l’artiste. SNK
Le Trio Chemirani, formation de percussionnistes iraniens, et Neba Solo, groupe de balafonistes maliens, ont collaboré en vue de la dernière édition du festival Africolor en Seine-Saint-Denis. Cela a débouché sur Falak, un spectacle qui a tourné en France et dont les compositions, versions studio, sont rassemblées dans ce CD.
Dans un dialogue exclusivement élaboré à partir d’instruments traditionnels, qu’ils soient persans (zarb, daf et bendir) ou sénoufo (balafons du Kénédougou), ces différentes sensibilités acoustiques ont fait la démarche d’aller l’une vers l’autre en s’inspirant l’une de l’autre. Le résultat est d’autant plus intéressant que la concertation met en avant leur complémentarité. Devant la subtilité du mélange, on dresse l’oreille. La verve feutrée et colorée des trois balafons, orchestrés par Souleymane Traoré dit Neba Solo, est là soutenue par des percussions orientales qui arrondissent encore un peu plus ses sonorités. Le zarb de Djamchid Chemirani, à la peau peu tendue, fait longuement résonner ses harmoniques et les roulements dans ses phrasés transforment l’ensemble du paysage mélodique. Si bien que lorsque intervient la voix de Neba Solo, son chant a une saveur inédite. Un travail de recherche qui mérite d’être salué. – Alexandre Mensah.
Les Baoulé (ethnie du Centre de la Côte d’Ivoire) sont plus célèbres pour leur sculpture que pour leur musique, pourtant extraordinaire et dont ces enregistrements réalisés par Charles Duvelle en 1961, comme ceux effectués peu après par Hugo Zemp pour la Collection de l’Unesco, sont sans doute les dernières traces sous une forme « non folklorisée ». Le fait que les deux premiers présidents de la RCI aient été Baoulé a paradoxalement accéléré la déperdition de cette culture, dont ils ont fait sans vergogne une « vitrine traditionnelle » de leur pouvoir. Le masque « Goli » est ainsi devenu la principale exhibition touristique du pays, et sa musique infiniment moins riche que celle qu’on entend ici. Mieux vaut donc oublier cette triste réalité et écouter ce disque comme chef d’oeuvre d’un temps où l’ambition politique n’avait pas encore étouffé l’expression culturelle.- G.A.
Deux chefs d’oeuvre du patrimoine africain, issus d’une nouvelle collection qui ressuscite enfin les enregistrements du célèbre musicologue sud-africain Hugh Tracey (1903-1977). Deux pays (Ouganda et Rwanda) qui à l’époque (début des années 1950) étaient encore des colonies, mais aussi des royaumes dont les « musiques de cour » étaient parmi les plus admirables du monde. Si les bardes Tutsi en étaient les principaux interprètes, les musiciens Hutu et Twa (Pygmées) y étaient bienvenus, rivalisant de virtuosité. Chants sublimes accompagnés à la harpe arquée remontant aux Pharaons, ensembles de flûtes, tambours, trompes ou xylophones d’une virtuosité hallucinante : toutes ces musiques merveilleuses ont probablement disparu, victimes du chaos des génocides et des guerres ethniques ou religieuses. Ces deux CDs démontrent qu’il y a un demi-siècle, les Royaumes des Grands Lacs étaient un haut-lieu de la musique universelle, comparable à Bali, à Cuba, ou à l’Europe du XVIII° siècle.- G.A.
Chris McGregor est un des plus merveilleux « humains-musiciens » du XX° siècle Il suffirait pour s’en convaincre d’écouter les premières notes de ce CD. Sans rien connaître de son histoire : celle du premier Sud-Africain « blanc » qui ne joue qu’avec des musiciens noirs, forme en 1962 au Cap un orchestre multiracial refusant l’apartheid, les Blue Notes, puis émigre en Europe où il crée cet extraordinaire big band, « Brotherhood of Breath » (la Confrérie du Souffle) avec des concitoyens exilés mais aussi des musiciens anglais et français. En même temps il devient fermier dans le Lot-et-Garonne. En 1981, Christian Mousset le pousse à relancer son orchestre avec quelques figures du jazz hexagonal. Ses dernières années sont dignes de son génie singulier, comme le prouve la réédition de ce disque méconnu et passionnant, enregistré en 1988, deux ans avant sa mort… Même si aucun des vieux compagnons sud-africains n’y figurent (remplacés par des jazzmen souvent très jeunes tel le saxophoniste anglo-jamaïcain Steve Williamson dont c’est sans doute le premier enregistrement) le son du jazz sud-africain (qui remonte aux années 1930) est intact : arrangeur, chef d’orchestre et pianiste totalement original, Chris McGregor a jusqu’au bout porté sa musique intérieure au même titre qu’un Ellington ou un Mingus. Écoutez « Dakar », et dites-moi comment le jazz pourrait être plus « africain » ! – G.A.
La popularité du « bala » des griots mandingues (le mot « balafon » désignant en fait celui qui en joue) a relégué au second plan, pour le grand public, les autres xylophones africains. Ces trois morceaux joués en 1976 par des Fang Ntoumou du Gabon (et qui auraient pu être enregistrés au Sud-Cameroun ou en Guinée Équatoriale, les Ntoumou occupant la frontière entre ces trois pays) suffiront à dissiper ce préjugé. Leurs xylophones portatifs ou posés sur des troncs de bananier composent une musique de danse subtilement orchestrée, à l’origine du « bikutsi » moderne et de la fascination qu’il exerce sur les musiciens de jazz (Jean-Luc Ponty, Joe Zawinul) ou de rock (Paul Simon). – G.A.
Plutôt connu comme saxophoniste, chanteur et chef d’orchestre, Manu Dibango a toujours cultivé un jardin secret (pas tant que ça pour ses familiers) en taquinant les claviers acoustiques : piano, marimba, vibraphones… A l’écoute de ce merveilleux double-album, il semblerait que ce n’était pas qu’un « violon d’Ingres », mais au contraire un vrai choix musical, qui fait le lien entre le jazz (sous l’influence de Lionel Hampton et Milt Jackson) et son Cameroun natal (dont les xylophones sont scandaleusement ignorés)… Comme d’habitude, Manu nous donne rendez-vous là où on ne l’attendait pas. Ses mélodies se succèdent comme dans un rêve, et c’est un pur bonheur. Il sait bien que ce double-Cd (mais qui sait ?) se vendra des clopinettes. Il sait aussi que c’est un de ses meilleurs. Le plus jazz, le plus pur, le plus personnel, peut-être ! Celui qu’aurait le plus aimé Francis Bebey, sûrement. Celui qu’on aime de a à z, pour la logique et la richesse de ses imperfections, pour ce jeu nonchalant avec la mémoire et le présent qui en fait à la fois un disque d’avant-hier et d’après-demain. Pour le fait que Manu chante, danse, joue, pense et rêve bien au delà du temps présent. Aucun doute, « B Sides » est le chef d’oeuvre inattendu de l’afro-jazz 2002 ! – G.A.
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