Pas sage, le poète ?

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Comédien et conteur, Kamel Zouaoui raconte les folies et les sagesses de Nasreddine le Hodja à tous les « porteurs d’oreilles » depuis 2008. Pour lui, conte et poésie célèbrent l’oralité et le mot dans le même élan. Rencontre.

« La poésie et le conte ont en commun l’amour du mot et la nécessité de dire », réfléchit Kamel Zouaoui, pour qui poésie et conte sont du même écrin. En écho, la chercheure Nicole Belmont (1) écrit que le conte n’est que le fruit d’une culture orale qui relève d’une « poétique particulière ». Depuis plusieurs années, Kamel essaime alors les histoires de Nasreddine le Hodja à travers une trilogie où folie et sagesse s’interrogent en métaphores. Ce personnage du 13e siècle a traversé les âges et les frontières, de l’Orient à l’Occident. Un personnage tout en poésie, dont les épopées sont depuis 1996 au patrimoine universel immatériel de l’Unesco.
Né à Saint-Etienne (42), Kamel Zouaoui découvre le théâtre à 9 ans et construit avec ses amis, dans la peau de Charlot, une histoire qui circule entre les écoles et les hôpitaux.
 » Ça m’a donné envie de ne jamais m’arrêter ». Après une licence de psychologie, entre le théâtre et le cinéma, Kamel comprend que c’est à travers le conte qu’il s’émancipe. A 28 ans, il découvre ceux de Nasreddine et crée un spectacle. « Nasreddine est tellement sage dans sa compréhension du monde qu’il semble fou pour certains. à l’inverse, il s’autorise une telle liberté que d’autres le prennent pour un sage ». Un personnage à qui certains attribuent alors une vertu morale, pour ne pas dire, un contre modèle aux crispations identitaires de notre époque.  » Je fais mon djihad intérieur pour ne pas cloisonner Nasreddine dans une contre réaction à quelque chose qui va mal. Il n’est pas un missionnaire, et je ne suis pas un imam », rappelle le conteur qui s’habille d’une djellaba lorsqu’il conte sur scène et les écoles.  » Je donne un sens de transmission et d’éducation aux mots. Mais ces mots sont à hauteur de ce qu’est l’enfance, i n s o u c i a m m e n t importants », entend ce militant qui anime aussi des ateliers en prison où parfois le mot « libère ». Comme ce jour à Fleury-Mérogis, lorsque 12 détenus se disputent sur le nom d’un personnage du conte qu’ils écrivent. Kamel réalise alors qu’en l’espace de 5 minutes, ces hommes ont échappé à leur univers carcéral.
Kamel a aussi dans son imaginaire des contes d’exil qu’il sème selon son humeur, mais il ne les a jamais publiés. D’ailleurs, il a posé sur papier Les pas sages d’un fou, son premier spectacle, après huit ans de racontage.  » J’ai besoin de laisser vivre les contes en moi. Car j’ai toujours ce questionnement, si je confie le conte au papier, est-ce qu’il ne va pas s’en aller de moi ? ».

1) Nicole belmont, poétique du conte. essai sur le conte de tradition orale. paris, nfr / gallimard, 1999.Plus d’infos :
Les contes de Nasredine le Hodja, le 14 mars à la médiathèque de Limeil-Brévannes, 27 quater avenue de la Sablière, Limeil-Brévannes (94) / le 28 mars, au festival Paroles Paroles à Honfleur
(14). à lire, Les pas sages d’un fou, Editions El Ilbriz, septembre 2013. Kamel Zouaoui © DR///Article N° : 12808


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