Hassane Kouyaté, fils des « Djeli »

Entretien de Sylvie Chalaye avec Hassane Kouyaté

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Tour à tour musicien, comédien, metteur en scène mais aussi merveilleux conteur, comme il le fut pour  » Les Griots de l’an 2000  » au TILF, Hassane Kouyaté est un descendant de la caste des griots qui porte le flambeau avec fierté. Il a travaillé, au théâtre comme au cinéma, avec de nombreux metteurs en scène, il a été Sundiata dans le spectacle de Patrick Mohr qui a tourné dans toute l’Afrique de l’Ouest : Niger, Burkina Faso, Mali…. Il a interprété récemment Le Ventriloque de Larry Tremblay sous la direction de Gabriel Garran, il joue aujourd’hui au Théâtre de l’Œuvre dans Le Costume de Mothobi Mutloatse, dont Peter Brook a fait la mise en scène, et signe à son tour une mise en scène des Mouches de Jean-Paul Sartre avec des acteurs burkinabè. Mais, aussi sollicité soit-il, le fils des  » Djeli  » n’oublie pas sa mission… il nous a donné rendez-vous sous l’arbre à palabres du TILF pour secouer les mânes et nous faire partager des histoires qui viennent de très loin.

Théâtre, cinéma… tu es tombé dedans quand tu étais tout petit !
Je ne sais plus vraiment quand j’ai commencé à jouer la comédie. Mes parents faisaient du théâtre et j’ai bénéficié d’un apprentissage par osmose. J’ai beaucoup appris sans m’en apercevoir. Quand j’étais enfant, je jouais dans les pièces de mon père en Afrique. Je me rappelle avoir joué le rôle d’un enfant qui devait se faire vacciner, c’était du théâtre de sensibilisation. Mais pour moi, c’était un jeu, ce n’était pas un métier.
Tu ne voulais pas devenir comédien quand tu étais enfant ?
Au collège, je voulais faire une carrière de sportif. Je faisais du théâtre à côté par plaisir, par solidarité familiale aussi. Ensuite quand j’ai pris conscience de ce que représentait ce métier, j’ai voulu prendre mes jambes à mon cou…
Pourquoi ?
C’était ma première réaction d’homme. Je voyais mon père y investir tellement d’amour et de passion, je ne me sentais pas capable d’y mettre autant d’énergie. Il travaillait comme fonctionnaire et il prenait sur son salaire pour faire du théâtre. J’ai donc fait des études de commerce à Paris et je faisais du théâtre seulement pour payer mes études. Puis j’ai travaillé comme commercial. Après cette expérience, j’ai compris que je n’étais pas fait pour le commerce, que j’avais besoin de trouver du sens et de m’amuser dans le travail et j’ai décidé de me consacrer entièrement au théâtre.
Est-ce difficile d’être le fils de son père ?
Je suis très fier d’avoir Sotigui pour père et suis très fier aussi d’être reconnu comme le fils de Sotigui. J’aime mon père, et j’aime aussi l’artiste. C’est un grand artiste. Même si nous n’avons pas le même discours sur le théâtre. En tant que comédien africain, c’est une fierté d’avoir des artistes comme lui. De plus, ce que je sais, je l’ai appris de lui et il n’y a rien de plus terrible que l’ingratitude. C’est lui mon maître : même s’il n’y a pas eu de leçon et si j’ai essentiellement appris en baignant dedans. Les gens pensent que ce que je fais c’est grâce à Sotigui. Mais c’est vrai ! Il m’a transmis la flamme du griot.
Comment passes-tu du griot à l’acteur ?
Je ne les dissocie pas, mais je suis conscient que ce sont deux disciplines très différentes, seul l’art de la scène les réunit, et c’est toute la difficulté et la richesse d’assumer plusieurs disciplines. Pour tenir, il faut être toujours capable de répondre clairement aux questions :  » De quoi je parle ? À qui ? Où ? Pourquoi ?  » Alors les deux se nourrissent mutuellement.
Est-ce que tu considères que tu as aussi une mission de griot ?
Oui, modestement. Difficile que l’oiseau vole et que ses enfants rampent. C’est un peu comme si on avait cette vocation dans les gènes. Nous avons toujours été dans une famille qui a entrepris des choses. Je ne sais pas si je pourrais vivre sans entreprendre des actions qui peuvent faire avancer les choses. Je ne suis qu’une coquille vide, si je ne m’engage pas. J’ai besoin de me sentir utile, et je le fais pour moi aussi.
Tu as créé plusieurs événements artistiques et culturels avec ta structure  » Tama événements « …
J’ai mis sur pied la Quinzaine africaine de Ris-Orangis, j’ai mis aussi sur pied le Festival International de Contes, de Musique et de Danse de Abobo-Dioulasso qui se déroule au mois de décembre et que je finance par des stages. Ce que je gagne comme conteur, je le réinvestis dans ces manifestations. Avec mes frères et beaucoup d’amis de France, de Suisse et d’ailleurs nous avons aussi créé un Centre culturel à Abobo pour accueillir des compagnies en résidence, et aider à la diffusion des spectacles et à la formation des artistes.

Hassane Kouyaté présente dans le cadre du Festival de Limoges un spectacle intitulé : « le Papalagui ». Il s’agit de la parole de Touyavii, chef de Tiaréa dans les mers du Sud, recuillie par Erich Scheurmann.///Article N° : 2996

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