[THEATRE ] Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute

Print Friendly, PDF & Email

À quelques jours du lancement de la Coupe du monde féminine de football, le Nouveau Théâtre de Montreuil (Seine Saint Denis) a programmé le spectacle de la performeuse, autrice et metteuse en scène Rebecca Chaillon Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute, inspiré de l’équipe de football féministe et militante Les Dégommeuses.

« Aujourd’hui, le football n’est pas un sport inclusif, il est régi par des hommes, par un système capitaliste qui en fait commerce, et il vient exacerber un nationalisme violent. J’avais envie d’aborder le sexisme, le racisme, les LGBTphobies, l’handiphobie, l’âgisme… et tous ces endroits de hiérarchisation des individu.e.s, tout en conservant une parole intime. » Rebecca Chaillon

La performance au cœur du dispositif

Sur le plateau, pas de cages pour marquer un but, pas de lignes au sol pour signaler une faute, pas de pelouse mais un rectangle de terre. Pas de sémiotique du football, mais une scénographie du biais où les gradins sont au centre du dispositif. Et au centre des gradins, une spectatrice-coach (Rebecca Chaillon), qui s’enfile lentement des bières et des pizzas tandis qu’une équipe de footballeuses se prépare à l’entrainement. Un faux départ parmi d’autres : le match attendu ne suivra pas les règles des deux mi-temps, au profit d’une multitude de tableaux performés, éclatés et liés à la fois, qui vont du cabaret burlesque au théâtre forum. Le résultat : une scénographie hybride, protéiforme et perpétuellement en déséquilibre, qui situe le spectacle entre un théâtre physique et intime et un théâtre de parole politique. Sur scène, les corps chutent et se frappent, on voit des marques sur les peaux… Des peaux qui s’enlisent dans la matière : peinture, eau, boue, paillettes mettent le corps performé au centre de la scène dans un jeu charnel, cru, à la limite de la brutalité et pourtant plein d’humour. Au croisement de la performance sportive et artistique, c’est le corps qui porte la question à laquelle le spectacle n’apportera pas de réponse : « L’effort sportif peut-il être féminin ? »

Lire aussi ; Rebecca Chaillon : performeuse d’exception

« Les anarchistes du Mercato »

« J’ai voulu d’emblée mélanger des véritables praticiennes de sport, et des praticiennes de la scène, afin d’induire un trouble et fabriquer une équipe de performeuses », rapporte Rebecca Chaillon. Ce trouble ne fait qu’augmenter au fil du spectacle : il s’agit de déstabiliser le regard que nous portons sur ces footballeuses. Tandis qu’un match de l’équipe de France est retransmis sur un écran, les joueuses entrent en scène et se déshabillent intégralement avant de s’équiper : c’est un nu de vestiaires, et rien d’autre. Ce qui est questionné à l’écran et sur le plateau, c’est la représentation du corps sportif féminin, comme un pied de nez à la question : « Les amortis, ça doit faire mal à la poitrine ? ». À l’œuvre, la réappropriation du corps féminin, « non fonctionnel » parce qu’on a appris aux garçons, et pas aux filles. Non fonctionnel « parce que je suis une fille noire, lesbienne, trop grosse ? », s’interroge Rebecca Chaillon.

Pour déshabituer le regard du spectateur, la metteuse en scène joue avec l’espace de la rampe. Derrière la rampe, les footballeuses pissent debout,  frappent dans des ballons lancés vers le public, comme pour nous réveiller, nous provoquer. Pour visibiliser une bonne fois pour toutes l’histoire invisible des identités féminines – lesbienne, bie, transgenre – dans le sport. Une fois le spectateur confronté à l’inconfort, la satire d’un football viriliste, sexiste, homophobe ou raciste peut s’exprimer …

           Célia Sadai

 

 

Distribution

Equipe Adam.M, Juliette Agwali, Adrienne Alcover, Yearime Castel y Barragan, Rébecca Chaillon, Marie Fortuit, Anouck Hilbey, Audrey le Bihan, Mélanie Martinez Llense, Élisa Monteil, Patricia Morejon

texte et mise en scène Rébecca Chaillon
collaboration artistique Céline Champinot
assistanat à la mise en scène Élisa Monteil
compositon musique et interprétation live Suzanne Péchenart
chanson/hymen de la Fifoune Anouck Hilbey
création et régie lumière Suzanne Péchenart
régie générale, son et vidéo Marinette Buchy

production déléguée CDN de Normandie- Rouen
coproduction  Compagnie  Dans le Ventre, La Ferme du Buisson – Scène Nationale de Marne-la-Vallée, Mains d’Œuvres, le phénix – Scène Nationale de Valenciennes, 232U Théâtre de Chambre
soutien le Carreau du Temple

 

 

  • 63
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire