Après 30 ans de carrière au Burkina Faso, le chanteur mandingue sort enfin son premier album. « Je n’ai jamais eu que ma guitare pour m’en sortir, et ma machine à coudre » déclare Victor Saïbu Démé. Dans les années 50, il a grandi dans une famille de couturiers de l’ethnie Marka. « Nous sommes tous des artistes » dit-t-il simplement pour signifier que la musique, comme la couture, requiert de la technique et de l’inspiration.
Sa mère, Aminata Démé, était l’une des griotes les plus célèbres de Bobo Dioulasso, la seconde ville du Burkina. Enfant, Démé apprend le chant auprès d’elle avant de se rebeller, de s’exiler en Côte d’Ivoire et de quitter sa tradition musulmane pour se convertir au catholicisme. Il rejoint l’atelier de couture de son père à Abidjan, et se fait baptiser sous le nom de « Victor » Démé. Il se forge ensuite une réputation en chantant dans les clubs ivoiriens au sein du fameux orchestre Super Mandé, mené par la star Abdoulaye Diabaté. Puis il rentre au Burkina vers 1988 pour profiter d’un nouvel élan national. Le pays jouit alors de la dynamique insufflée par le révolutionnaire rouge Thomas Sankara, qui, avant d’être assassiné en 87, a grandement uvré pour la création artistique. Démé a 26 ans, et sa fougue musicale déborde de vigueur. Il gagne plusieurs micro-crochets, dont le concours du Centre Culturel Français de Bobo-Dioulasso organisé en partenariat avec RFI en 1989, et le premier prix de la Semaine Nationale de La Culture, en 90 et 94. Il se fait ensuite recruter successivement par de grands orchestres, dont Echo del Africa National et surtout le célèbre Suprême Comenba qui rythme les nuits de Ouagadougou. Mais les studios d’enregistrement sont rares et chers au Burkina, et Démé n’a jamais vraiment eu les moyens et l’opportunité d’y travailler.
En 2006, il profite gracieusement du modeste studio de l’association Ouagajungle pour enregistrer enfin ce premier disque. Ces quinze titres proposent une mosaïque singulière de folk-blues, de petites romances mandingues intimistes, et d’influences latines, salsa et flamenco. L’Afrique de l’Ouest a toujours embrassé la musique latine, depuis le milieu du siècle dernier. « C’était le son de nos tantes et de nos tontons. On les voyait danser pendant les soirées, ces rythmes représentaient la fête, ils sont devenus naturels pour nous. Mais outre la salsa et le griotisme, ma base reste toujours l’afro-mandingue, le blues.« .
En langage dioula, « Burkina Mousso » est un hommage à toutes les femmes burkinabés « qui ont construit ce pays de leurs mains« . Ses textes appellent à la solidarité nationale (« Peuple Burkinabé »), prônent la tolérance envers son prochain (« Djôn’maya »), et tissent des hymnes à la grâce féminine (« Sabu »). Le disque s’achève par deux morceaux traditionnels mandingues. Ce premier album éponyme présente ainsi au public toute la richesse du répertoire de ce chanteur hors pair.
Prochain concert : le 20 mai 2008 à l’Européen (Paris)///Article N° : 7444