Avec six albums, Faada Freddy et Ndongo D ont fait le tour du monde. Leur nouvel album « Yamatele » est sorti début 2020. Malgré une tournée perturbée par la crise du Covid, Africultures a rencontré les deux membres de Daara J Family.
Africultures : Votre album « Yamatele » mélange des sonorités du continent : rumba congolaise, rythmes mandingues, assiko du Sénégal, kizomba d’Angola. C’est un désir de brasser la richesse musicale du continent ?
NDongo D : Nous qui sommes en Afrique de l’Ouest, on adore la rumba congolaise et dans un autre registre, on aime aussi la musique de Lokua Kanza ! La musique urbaine permet toutes les ouvertures. On fait combiner la rumba, les rythmes de chez nous avec d’autres styles. Souvent, les politiques disent qu’ils rêvent d’une Afrique unie mais les actes ne suivent pas. Nous on arrive à le faire avec la musique. Le concert que l’on fait à Dakar, on peut le faire à Accra, à Johannesburg ou ailleurs. Les gens s’y retrouvent car on parle le même langage.
Vous vous connaissez depuis l’adolescence. Sur scène on voit une grande complicité entre vous. Comment travaillez-vous ?
Faada Freddy : On travaille en respectant la liberté de l’autre. On a tous les deux besoin de s’exprimer. La source de notre travail est la liberté. On ne fait pas les choses parce que c’est tendance, on les fait parce qu’on les sent … Chacun a ses points forts. NDongo a une très belle plume. Je compose assez vite. Je peux faire beaucoup d’arrangements en une journée. Ndongo les écoute, il sait celui qui va être le bon ! On a besoin de l’oreille de l’un et des doigts de l’autre. On se complète.
La couverture de votre album représente un arbre à palabre entouré d’écrans. Les personnages sont seuls, rivés sur leurs écrans. Quel est votre message ?
NDongo : Notre message n’est pas contre la technologie. Elle a aussi du bon. On ne doit pas être de simples consommateurs drogués aux écrans. On doit être producteur. Le message est aussi de dire aux jeunes de ne pas oublier leur tradition et leur culture. D’où l’image symbolique du baobab. Aujourd’hui, chez nous, l’arbre à palabres est « mort ». Quand on rentre dans une maison à Dakar, tout le monde est sur une tablette ou un téléphone. Les gens ne communiquent plus. Sur la pochette de l’album, on voit un jeune seul avec une théière. C’est une référence à l’Ataya, le rituel du thé, culturellement fort chez nous, qui est en train de disparaître. L’Ataya permettait une communion et des échanges entre les gens.
Que veut dire le titre de cet album : « Yamatele » ?
Faada Freddy : L’album dénonce la paresse intellectuelle. Tu as besoin de quelque chose, tu ne cherches plus. Tu demandes à Google, à Wikipédia ou à Siri et tu te contentes de la réponse sans la questionner. On subit la technologie. Ceux qui subissent la technologie, on les appelle les « Yamatele », en référence à un robot issu d’un dessin animé des années 80. Il avait un écran sur le ventre. Aujourd’hui l’écran a remplacé leur cerveau.