1998 : Festival…

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Foule, grosse foule et frénésie.
Et des rencontres extraordinaires, tonifiantes, sympathiques :
 » …Enchanté de cette rencontre ! Ravi de vous connaître, je me nomme… Je vous présente…  »
Surchauffée et saturée, la mémoire se met en congé, encaisse mais n’enregistre plus le bombardement massif et soudain de noms, prénoms, adresses.
Trop de personnes, d’activités, de choses, de données à engranger, à digérer, à gérer.
Intense, insupportablement intense.
Vivement la fin, le calme, l’accalmie.
Alerte ! Voici venir deux festivaliers :  » Tiens, on se retrouve, mon cher…  » Mais les noms ? Bon Dieu les noms !
Le pire, c’est quand longtemps après, une carte de visite surgit du portefeuilles avec le nom, le prénom et l’adresse complète : sur l’écran affolé de la mémoire, des dizaines et des dizaines de visages souriants défilent, mais qui ? Bon Dieu qui ?
Alfred Dogbé, Nigérien, résident en 1997
… INTERNATIONAL…
Tomasz Lubienski (Pologne)
Emmanuel Genvrin (Ile de la Réunion)
Sliman Benaïssa (Algérie)
Ken Bugul (Bénin)
Luc Delisse (Belgique)
Ansomwin Ignace Hien (Burkina Faso)
Abdourahman Wabéri (Djibouti)
…DES FRANCOPHONIES…
 » Si étant au Congo, j’apprenais que la France (….) était rayée de la carte du monde (…), ce serait m’amputer à vif.  » Henri Lopes
Il en est de même pour moi, dans ma relation avec la langue française et le concept de Francophonies en particulier.
Par Francophonies, j’entends certes le festival du même nom qui fait vibrer les coeurs depuis quatorze ans dans le Limousin. Mais au-delà de cette réalité, il s’agit pour moi du rayonnement culturel des peuples qui viennent échanger à ce rendez-vous. Pour eux, ces rencontres sont une occasion de traduire leurs visions du monde plurielles, leurs passions diverses, en un mot : la vie dans une langue commune qui par ce fait prend des colorations indéfinies. Et c’est cette faculté de rassembler les civilisations du Nord, du Sud et de l’Est qui confère aux Francophonies leur plénitude.
De ce point de vue, les Francophonies sont un humanisme qui réside dans la volonté des initiateurs de bâtir inlassablement un pont entre les différentes sensibilités francophones et de créer les conditions de la naissance d’une identité internationale sous-tendue par le bouillonnement des génies culturels nationaux. Vive le Nouchi des enfants des rues d’Abidjan ou le créole antillais pour que vivent les FrancophonieS !
Liazéré, Ivoirien, résident en 1996 et 1998
…EN LIMOUSIN
Pour moi Saint-Junien, c’est d’abord la ville de mes amis Courbarien. Et chez vos amis, c’est un peu comme chez vous… Même s’il faut répondre un  » di voû lâ sauco  » au  » di voû gardo  » qu’on vous lance avant de vous faire  » chaba dentra « . Connaissez-vous la Bretagne ? Pas la Grande, ni celle des Bretons, mais la Bretagne en Limousin ! Incongrue non ?
Un hameau pas loin de Saint-Junien. Nous le traversons. Jean-Claude a le pas léger, heureux de me montrer le mystère tapis en ces lieux. C’est le maître des traditions. On dévale le chemin entre les arbustes, les buissons. Une sculpture à visage de femme taillée dans la pierre sur le bord du chemin. Un peu comme un dieu vaudou.  » Ces lieux sont habités « . Une deuxième statue. Une espèce de croix torturée. Puis un ruisseau, une bonne fontaine.  » Ici les lavandières battaient le linge. Mais l’eau de ce ruisseau guérit de toutes les maladies « . Enfin, le clou de la promenade : un immense menhir gris planté dans le sol.  » Regarde là, l’usure sur la pierre. Des milliers de caresses. Il suffisait pour une femme stérile de frotter son ventre contre la pierre pour concevoir quelques jours plus tard « . Une espèce de danse du ventre qui fertilise ! Lui est en extase devant le menhir. Je souris. On remonte le chemin pour retrouver les danseurs de Veilhadour… pour commencer la procession. Et Oui ! En ce mardi gras, une procession autour d’un magnifique veau enjolivé de paillettes dorées, couronné de feuilles et de gui. J’ai été invité pour carnavaler avec les artistes. L’on va d’une boucherie à l’autre. L’on s’arrête pour danser une bourrée. Et Paul André et moi qui mêlons nos rythmes de djembé au grincement des vielles ! Quelques chose de frénétique et magique naît, de quoi entrer en transe. Là haut, sur le perron de la Mairie, tout de vert habillés, ils nous attendent, ceux de la Confrérie de la Bréjaude. Et le veau avance, serein, majestueux, tête haute parmi la foule. Il se sent comme une divinité, pleinement l’objet d’un culte : Apis ou Damona ! Limousin tout court !
Et alors qu’on me dise que la sorcellerie est une affaire de sauvages et l’animisme la religion primitive ! Ah ces Limousins, tous druides, rebouteux et autres idolâtres enleveurs de feu !
Koulsy Lamko, Tchadien, Résident en 1992 et 1995

///Article N° : 435

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