Une cartographie ethnique. Les populations des confins africains dans les descriptions géographiques et sommes historiques consacrées à l’Afrique à l’époque classique

Université de Paris IV-Sorbonne(C.R.L.V.) / Middlebury College (Vermont)

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C’est en 1668 que, se fondant sur divers mémoires qui lui ont été envoyés d’Afrique, Olfert Dapper, déjà auteur de la solide Historische beschrijving der stadt Amsterdam et traducteur de la savante Dissertatio de plantarum vegetatione et du fameux Herodoot Van Halikarnassus’Negen boeken der historien gezegt de Musen (1) fait paraître à Amsterdam son Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten. Remarquablement informée, cette description fait rapidement autorité et est traduite en anglais, en allemand et en français (2). Devant cette description géographique, historique, ethnographique, commerciale et administrative de toute l’Afrique, la critique française est élogieuse. « Il semble qu’il ait fait son livre, note un critique, principalement pour les voyageurs et pour les marchands : car il prend grand soin de décrire les havres, les côtes et les vents qui y règnent, les longitudes et les latitudes, la route qu’il faut tenir, les bancs et les écueils qu’il faut éviter, le naturel et les coutumes des peuples avec qui on trafique le plus, les marchandises d’Europe qui s’y débitent le mieux, celles qu’on apporte de ces païs-là, et la conduite qu’il faut observer, tant pour se préserver, ou pour se guérir des maladies du païs, que pour s’attirer l’amitié des habitants […]. » Quelques esprits excipent bien de ce que l’auteur ne s’est jamais risqué à s’éloigner de sa patrie pour ôter tout crédit à son œuvre mais la qualité et la précision conjuguées de la description sont telles que l’ouvrage séduit un lectorat avide de savoirs nouveaux. Olfert Dapper ne se contente pas de livrer des descriptions minutieuses et circonstanciées de ces grands royaumes africains que le public croit connaître et qu’il redécouvre de facto comme le « Loango » ou la « Guinée », il accorde de plus à un « païs » comme la « Caffrarie » et à une multiplicité de royaumes embryonnaires à l’existence insoupçonnée comme « Arder », « Fantin », « Sabou » ou « Semen » un intérêt sans égal. En énumérant les différentes familles « caffres » rencontrées par ses informateurs et en mettant un point d’honneur à livrer de leurs mœurs et coutumes une description exhaustive, Olfert Dapper exécute in fine sur le mode descriptif une véritable carte ethnique de la « Caffrarie » dont la forme et les enjeux révèlent autant un goût immodéré pour la connaissance qu’une volonté patente de réunir sur une partie du monde la totalité des savoirs existants, avérés et accessibles, mettant ainsi en pratique une véritable méthode d’organisation et de rationalisation de la connaissance géographique et ethnographique.
Aux sources de la Description de l’Afrique : un vaste réseau d’informateurs, une méthode de travail efficace et un regard neuf
Sur les dix ouvrages que Dapper fait paraître, huit sont de volumineux in-folio avoisinant le demi-millier de pages. La prospère Amsterdam est une place culturelle et un foyer d’intense activité éditoriale. C’est d’ailleurs à ses informateurs que le géographe dédie la plupart de ses ouvrages (3). Dapper livre dès sa Préface des informations quant aux sources qu’il a utilisées (4) et sa Description comporte des passages directement issus des ouvrages qu’il a consultés. Cependant il ne précise pas toujours ses sources. Celles qu’il indique sont les plus accessibles. Car Dapper travaille aussi et surtout sur des rapports détaillés et parallèlement à ce type de sources, il puise abondamment dans les archives des Compagnies Néerlandaises des Indes. Adam Jones évalue à une centaine le nombre de publications consultées par Dapper pour la rédaction de son ouvrage (5). Afin de satisfaire sa curiosité, le géographe a dû fréquenter plusieurs bibliothèques privées et publiques. A cette époque, la bibliothèque municipale d’Amsterdam ne compte qu’un millier d’ouvrages, qui traitent essentiellement de théologie. Les autres établissements publics sont assez démunis. Le centre de documentation le plus fourni demeure sans doute l’Academiebibliotheek d’Utrecht. Olfert Dapper a vraisemblablement puisé une partie de ses informations chez des particuliers. Le relevé de ses sources l’atteste : s’il consulte en priorité les ouvrages relatifs au continent africain – récits de voyage, histoires, descriptions géographiques…– c’est sans aucun scrupule qu’il ignore les nouvelles véhiculées par les revues. L’Historisch Verhael de Nicolaas Claes Van Wassenaer, l’Historie of Verhael de Lieuwe Van Aitzema ou encore le Hollandse Mercurius contiennent des informations de première main qu’il ignore délibérément. Quelques brochures retiennent son intérêt mais à des degrés très divers. La Hollande est active en matière de traduction et d’édition : de très nombreuses relations de voyage et descriptions géographiques ont été publiées en hollandais. Olfert Dapper a pu emprunter une partie des publications dont il a eu besoin à Jacob Golius, professeur d’arabe à Leyde. Le catalogue de sa bibliothèque, conservé dans un des fonds de la Bibliothèque royale de La Haye fait état d’une vingtaine de publications. Ce catalogue comporte également des ouvrages que Dapper n’a pas utilisés (6). La Préface de l’édition française signale que Dapper a lu des documents « en latin, français, espagnol, italien, anglais et hollandais ». Enfin, nombre d’informations ont certainement dû lui être communiquées oralement par des voyageurs ou des membres bien informés de la Compagnie de passage à Amsterdam (7).
Une méthode pratique d’organisation et de rationalisation de la connaissance géographique : La Description de l’Afrique
Le Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten paraît à Amsterdam chez le libraire-graveur Jacob Van Meurs en 1668. Initialement tiré à un nombre relativement peu élevé d’exemplaires, il est réédité en 1676. Les deux éditions comportent chacune plus de neuf cent vingt pages in-folio, soixante dix-sept illustrations et quatorze cartes. C’est l’ouvrage le plus volumineux qu’Olfert Dapper ait jamais composé. A l’époque, c’est l’un des rares ouvrages de géographie écrit directement en néerlandais. Ce choix est délibéré : la majorité des ouvrages consacrés aux différentes parties du monde étant accessible en français, en italien ou en anglais, l’auteur estime qu’une description du monde doit être écrite en néerlandais pour toucher un lectorat plus important. Une traduction anglaise, peu fidèle au texte original, paraît en 1670 à Londres chez John Ogilby. C’est une adaptation dont le traducteur s’attribue sans ambages la paternité, le nom d’Olfert Dapper ne figurant pas même sur la couverture. La traduction allemande paraît en 1671 et la traduction française en 1686, à Amsterdam toujours, chez Wolfgang, Waesberge, Boom et Van Someren (8). Des nombreux ouvrages publiés par le géographe batave, c’est le seul qui donne lieu à une traduction en français. « l’auteur de cet ouvrage, note laconiquement le traducteur dans sa préface, en a fait beaucoup d’autres, qui ont tous été traduits en Anglois et en Allemand ; et sans doute qu’on les auroit déjà mis en nôtre Langue, si l’on en avoit trouvé l’occasion. » Olfert Dapper suit dans cet ouvrage une méthode pratique d’orga-nisation et de rationalisation de la connaissance géographique inspirée de l’autopsie hérodotéenne et dont il a à plusieurs reprises déjà éprouvé la remarquable efficacité. Chaque contrée fait d’abord l’objet d’une description assez détaillée de ses « Confins ». Les « Confins » délimités, Dapper s’intéresse généralement à la manière dont un pays est divisé. Dès les premières lignes de sa description « De la Caffrarie ou de la cote des Caffres ou Hottentots », il annonce qu’il en donnera « ici une description plus circonstantiée que les autres Geographes, sur des mémoires qu’on a envoyez depuis peu en Hollande. » Dapper accorde au document de première main une place prépondérante. C’est là un aspect essentiel de sa méthode : ce sont ces mémoires qui lui permettent de procéder à un inventaire aussi détaillé des différentes ethnies qui composent ce « païs ».
Mais aussi riche et aussi détaillée que soit la description de cette peuplade, celle-ci ne saurait égaler la description de ceux qu’Olfert Dapper nomme simplement les « Caffres », terme par lequel il désigne les « Hottentots qui demeurent autour du Cap. » Le portrait qu’il brosse d’eux est remarquable de précision. Se succèdent ainsi sous la forme de paragraphes bien informés un « Portrait des Caffres » puis une description de « Leurs Mœurs », de « Leurs habits », « Armes », « Alimens », « Métiers », du « Mariage », des « Funérailles », du « Supplice des Larrons »… Le portrait que Dapper livre des Hottentots, qu’il nomme Cafres, est particulièrement détaillé.
« Les Hottentots qui demeurent autour du Cap, écrit-il, sont maigres et laids, quoiqu’ils soient assez grands, ayant le teint livide et bazané, comme les Mulates et les Japonnois. Mais ceux qui demeurent aux environs du Vlees-bay sont plus petits, étant de la taille ordinaire des Européens, et d’une couleur brune et roussâtre. Leurs cheveux sont courts et frisez comme de la laine, les femmes les ont plus épais que les hommes. Ils ont le front large et ridé, de beaux yeux noirs, brillans comme ceux d’un faucon : mais malheureusement ils ont tous le nez plat et les levres épaisses, sur tout celle de dessus. Pour les dents ils les ont tres bonnes et blanches comme de l’ivoire. Leur coû est d’une juste longueur : mais ils ont les épaules étroites et les bras trop grands, le poignet mince et maigre, les mains assez bien faites et les doits longs, mais ils laissent si fort croître leurs ongles, qu’on les prendroit pour des griffes d’aigle ; c’est qu’ils croient cela fort beau. Ils ont presque tous le ventre grêle et le derriere extrémement gros, parce qu’allant tout nuds, ou ne portant que des habits larges, leurs corps n’est point serré, ni tenu en équilibre. Ils ont de bonnes jambes, mais fort deliées vers le gras ; les pieds petits et bien proportionnez, particulierement les femmes. » (9)
Taille, beauté, teint, cheveux front, nez, lèvres, dents, cou, épaule, bras, poignets… C’est de manière presque chirurgicale que le corps est découpé par le regard. Après avoir détaillé avec soin le portrait physique des Hottentots, Dapper s’intéresse à leurs mœurs, à leurs croyances, à leurs pratiques rituelles, à leurs mœurs phagiques, à leur habitat, à leur environnement, puis de leur environnement il passe à la flore et à la faune de la région du Cap. La description des techniques de cueillette, de culture et de chasse des naturels du pays le conduit à énumérer, à localiser et à décrire les différentes populations qui évoluent dans les marges de la colonie. Comme l’indique l’ordre adopté au sein de chacune de ses descriptions, l’historien se conforme à une grille qui lui permet de mettre en évidence pour chaque groupe, un certain nombre d’éléments communs : situation du village par rapport à la colonie, nom du chef, nombre individus, apparence, habileté à la guerre, mœurs remarquables… Cette grille n’est pas hermétiquement close. Elle est destinée à permettre à l’auteur, en fonction du matériau dont il dispose, d’être le plus exhaustif possible. Olfert Dapper construit donc son information au gré de ses sources et en suivant cette méthode dont il est redevable à plusieurs auteurs. Hérodote d’abord dont il a traduit les enquêtes, Giovanni Battista Ramusio et Samuel Purchas ensuite dont les collections font encore autorité, Sebastian Münster, Livio Sanuto, Joannes Antonius Maginus et Abraham Ortelius aussi dont les sommes géographiques restent des modèles assez sûrs, Pierre Davity et Johann Blaeu enfin, dont les très savantes sommes figurent parmi ses principales sources (10). La Description de l’Afrique n’est pas exempte de lacunes, d’erreurs ou d’approximations et il suffit de la feuilleter pour noter que seules quelques lignes sont consacrées à la description de certains royaumes. Mais en ce qui concerne la région du Cap de Bonne-Espérance, sa faune, sa flore, ses habitants et son histoire, elle est incontestablement l’ouvrage le mieux informé, le plus exhaustif et le plus novateur, qui ait été composé, imprimé et traduit durant la seconde moitié du dix-septième siècle.
Un instrument au service d’une appropriation intellectuelle d’un espace : les visées géopolitiques de la Description de l’Afrique
Rapidement rééditée et successivement traduite en anglais, en allemand puis en français en l’espace de quelques années, la somme colligée par Olfert Dapper bénéficie d’une assez bonne diffusion à l’échelle européenne. Cependant, les diverses éditions qui en sont procurées sont si onéreuses, du fait notamment du nombre d’illustrations dont elles sont agrémentées, que si les informations réunies par l’historien batave sont supposées intéresser autant le lecteur curieux, que le marchand ou le missionnaire, l’ouvrage lui-même n’est en définitive accessible qu’aux élites cultivées (11). Son prix restera si élevé que longtemps les bibliothèques publiques ne verront pas cet ouvrage figurer dans leur fond (12). Et si les élites cultivées et aisées consentent à l’acquérir, c’est sans doute moins parce qu’elles s’intéressent à l’Afrique – quand bien même ce continent est à la mode en Hollande, en France et dans les Etats allemands – que parce qu’elles sont dési-reuses de disposer d’un savoir encyclopédique sur le monde. Mais si la Description de l’Afrique est un remarquable outil au service de la connaissance, c’est également un instrument non moins remarquable au service d’une appropriation intellectuelle de l’espace. Via sa Description de l’Afrique, Olfert Dapper rend compte des efforts que ses compatriotes ont déployés pour confisquer à la couronne portugaise son monopole commercial, célèbre leurs entreprises – et notamment la fondation de l’escale de ravitaillement du Cap de Bonne-Espérance – et les encourage à étendre leur domination sur le continent et à se rendre maîtres de l’Océan indien (13).
Un plagiat manifeste de la Description de l’Afrique : la Relation Universelle de l’Afrique ancienne et moderne d’Antoine Phérotée de La Croix
Lues, citées, commentées, plagiées, l’édition hollandaise du Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten et les traductions anglaise et allemande qui en sont rapidement procurées inspirent de nombreux voyageurs, historiens et polygraphes dans l’Europe entière (14). La traduction française de la Description de l’Afrique fait très tôt autorité en matière de savoirs sur le continent africain. Mais à l’instar des éditions anglaise et allemande, elle est assez onéreuse. C’est sans doute pour cette raison qu’Antoine Phérotée de La Croix fait paraître en 1688 une somme en quatre volumes, d’un coût plus abordable, à laquelle il donne le titre de Relation universelle de l’Afrique ancienne et moderne. Imprimé seulement deux années après la publication de la traduction française du Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten, cet ouvrage est un plagiat manifeste de la Description de l’Afrique. Ainsi que le révèle la compa-raison des deux textes, Antoine Phérotée de La Croix a mis à profit les mois qui ont suivi la parution de la traduction française de la somme d’Olfert Dapper pour en paraphraser le texte – lorsque le texte de la traduction française n’est pas paraphrasé, il est copié mot pour mot – et en faire redessiner les gravures – toutes les gravures ont été grossièrement redessinées ; quelques-unes ont été ajoutées mais elles sont peu nombreuses et à l’instar de toutes celles qui agrémentent les quatre volumes de la Relation universelle, leur facture est de piètre qualit頖. Moins luxueuse mais aussi moins onéreuse que les éditions imprimées par les soins de Jacob Van Meurs, la Relation universelle séduit dès sa parution un public de curieux avides d’ailleurs assez impor-tant. Elle fera l’objet de nombreuses rééditions et de quelques contrefaçons dans les années qui suivront (15). Mais elle ne parviendra jamais à égaler en réputation la magistrale somme de Dapper.
Parce que son auteur s’est appliqué à réunir un nombre impressionnant de mémoires inédits relatifs aux différentes contrées pénétrées ou visitées en Afrique par des membres de la Veerenigde Oost-Indische Compagnie, le Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten et ses différentes traductions renouvellent littéralement la perception que les Européens ont de ce continent et de ses populations à l’avènement du second tiers du dix-septième siècle. En brossant une description circonstanciée des différentes ethnies qui peuplent le Cap de Bonne-Espérance et ses environs, Olfert Dapper livre une véritable carte ethnique de cette région. Dapper ne se contente pas de distinguer ces différentes ethnies ; pour chacune d’elles, il livre une description plus ou moins détaillée de leurs mœurs et coutumes – selon les informations dont il dispose – qui ont cette particularité d’être débarrassées d’une importante partie des lieux communs qui sont traditionnellement véhiculés sur les Hottentots. Toutefois, en dépit de l’exceptionnelle exhaustivité des savoirs réunis sur les peuplades hottentotes dans cet ouvrage, ce n’est pas la Description de l’Afrique qui, en France, va exercer sur les historiens et polygraphes s’intéressant à l’Afrique, l’influence la plus profonde, mais une relation de voyage. En l’espace de quelques années, c’est en effet le Voyage de Siam du Père Guy Tachard qui va éclipser la Description de l’Afrique d’Olfert Dapper et faire autorité en matière de savoirs sur le Cap de Bonne-Espérance et les Hottentots durant près d’un demi-siècle.

1. Olfert Dapper, Historische beschryving van Amsterdam, waerin de voornaemste geschie-denissen […] verhandelt, en al de stadts gemeene, 300 geestelijke als wereltlyke gebouwen […] vertoont worden, door Dr O. D., Amsterdam, Jacob Van Meurs, 1663 ; Dissertatio de plantarum vegetatione, Habita in Collegio Greshammensi […] ad diem 23. Januarii 1660 […]. Ex Anglica in linguam Latinam versa, Amsterdam, Jodocus Pluymert, 1663. 2e éd. : 1669. 3e éd. : 1678 – Il s’agit là d’une traduction latine d’un traité de Kenelm Digby, le Discourse Concerning the Vegetation of Plants. Kenelm Digby, Discourse Concerning the Vegetation of Plants […], London, s.éd., 1661– ; Herodoot van Halikarnassus, Negen boeken der historien, gezegt de Musen […] beneffens een beschrijving van Homeers leven door den zelven Herodoot, uit het grieks vertaelt door Dr. O. D., Amsterdam, Hieronymus Sweerts, 1665. Il s’agit d’une traduction en néerlandais des Enquêtes d’Hérodote. Sur la vie et l’œuvre d’Olfert Dapper : Charles Dozy, « Olfert Dapper » [in]Tijdschrift van het Aardrijkskundig Genootschap, vol.III, 1887, p.414-435. Cette notice biographique est la première qui ait été consacrée à cet auteur. Bien que fort ancienne, elle comporte de précieuses informations et se situe à la base de nombreux travaux contemporains relatifs à l’historien batave. Elle a par ailleurs été complétée par Albert Van Dantzig dans la présentation de l’édition moderne partielle qu’il a procurée de la traduction française de la Description de l’Afrique.
2. Olfert Dapper, Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten, van Egypten, Barbaryen, Libyen, Biledulgerid, Negroslant, Guinea, Ethiopiën, Abyssinie […], Amsterdam, Jacob Van Meurs, 1668. Suivi de Naukerige Beschrijvinge der Afrikaensche eijlanden –page de titre séparée–. Rééd. : Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten, van Egypten, Barbaryen, Libyen, […], Amsterdam, Jacob Van Meurs, 1676. Trad. ang. : Africa, Being and Accurate Description of the Regions of Aegypt, Barbary […] Collected and Translated from most Authentic Authors and Augmented with Later Observations […], London, John Ogilby, 1670. Bien que cet ouvrage soit essentiellement une traduction de la Description de l’Afrique, le nom d’Olfert Dapper ne figure pas sur la couverture. Trad. all. : Olfert Dapper, Umbstandliche und Eigentliche Besch-reibung von Africa […] durch O. Dapper, Amsterdam, Jacob Van Meurs, 1670-1671. Rééd. : Umbstandliche und Eigentliche Beschreibung von Africa […] durch O. Dapper, Nuremberg, Hoffmann, 1681. Trad. fr. : Description de l’Afrique, contenant les noms, la situation et les confins de toutes ses parties […]. Traduite du Flamand d’O. Dapper, D. M., Amsterdam, Wolfgang, Waesberge, Boom et van Someren, 1686. Lorsque Dapper publie sa description, Amsterdam est une cité particulièrement active sur le plan éditorial. Johan Nieuhof a fait paraître trois ans auparavant une description de la Chine et Arnoldus Montanus prépare un ouvrage sur le Japon.
3. À Cornelis Witsen, ancien maire de la ville, il dédie son histoire de la ville d’Amsterdam. Cependant, c’est à son fils, Nicolaas Witsen, voyageur, diplomate et écrivain, sans doute l’un de ses informateurs parmi les plus avisés, qu’il dédie ses derniers ouvrages. Sur Nicolaas Witsen : P.J.A.N. Rietbergen, « Witsen’s world : Nicolaas Witsen (1641-1717) between the Dutch East India Company and the Republic of Letters » [in]Itinerario, vol. IX, n°2, 1985, p.121-134.
4. Si Olfert Dapper consacre une partie importante de son ouvrage au Loango, c’est parce qu’il dispose de nombreuses sources sur ce royaume qui est un précieux partenaire commercial pour les Provinces-Unies au dix-septième siècle. Sur ce point : Phyllis Martin, The Externals Trade of the Loango Coast. 1576-1870, Oxford, The Clarendon Press, 1972, p.42-72. Si cette description est si précise, c’est notamment parce qu’Olfert Dapper se fonde sur les rapports et comptes rendus des trafiquants. Parmi ces derniers, les commentateurs de la Description de l’Afrique ont identifié un certain Samuel Blomert dont Dapper aurait reçu des informations via Vossius. Le géographe aurait utilisé ce matériau pour rédiger une importante partie de sa description de la Basse-Ethiopie. Certaines informations très précises, qui n’ont pu être fournies que par des trafiquants  l’attestent de manière formelle. Sur ce point : Phyllis Martin, « Du Loango » [in]Fondation Dapper, Objets interdits, op.cit., p.67-71.
5. Dès 1621, les directeurs de la Compagnie se font envoyer les rapports et comptes rendus de toutes les expéditions faites sous leurs auspices. Une importante partie de ces archives ayant malheureusement disparu, on ne peut aujourd’hui que supputer des hypothèses quant aux nombreuses sources manuscrites utilisées par Olfert Dapper. Adam Jones distingue les sources viatiques des sources classiques. Il signale également neuf sources citées non identifiées mais aucune ne concerne les matériaux réunis par Dapper sur la région du Cap de Bonne-Espérance. Adam Jones, « Decompiling Dapper » [in]History in Africa, n°17, 1990, p.171-209.
6. Nicolaas Claes Van Wassenaer, Historisch Verhael alder ghedenck-weerdichste geschiedenis-sen die hier in Europa […] van den beginne des jaers 1621 (tot Oct.1632) voorgevallen sijn, Amsterdam, s.éd., 1622-1635, 7 vol. ; Lieuwe Van Aitzema, Historie of Verhael van saken van staet en oorlogh in ende ontrent de Vereenigde Nederlanden […] eyndigende met den jaere 1626, ‘s-Gravenhage, Jan Veely, Doll Jasper & Johannes Tongerloo, 1657-1669, 15 vol. ; Hollandse Mercurius, Haerlem, Abraham Castelein, 1663-1691. Sur ces brochures : Willem Knuttel, Catalogus van de pamfletten-verzameling berustende in de Koninklijke Bibliotheek, Den Haag, Koninklijke Bibliotheek, 1889-1916, 10 vol. et Isabella Van Eeghen, De Amster-damse boekhandel 1680-1725, Amsterdam, Scheltema & Holkema, 1960-1978, « Publikaties van de Gementeelijke Archiefdienst van Amsterdam », 6 vol.
7. Dans la réédition de la Description de l’Afrique procurée par la Fondation Dapper est reproduite une lettre manuscrite d’Olfert Dapper dont Albert Van Dantzig livre la traduction suivante : « Je vous envoie en retour le livre – il s’agit de l’Historische beschrijving der stadt Amsterdam – avec ma plus cordiale gratitude pour m’avoir permis de le conserver en prêt si longtemps en y ajoutant en reconnaissance pour cette aimable faveur, un petit présent, une description de notre ville d’Amsterdam faite par moi-même. La dernière fois que nous nous sommes vus, vous vous étiez souvenus d’un certain auteur qui aurait écrit sur l’île de Madagascar après François Cauche et Flakourt : mais il m’a été impossible de me le procurer ici. J’osais espérer qu’il ne vous plaise de prendre la peine de me faire savoir le nom de cet auteur, et, si la chose était possible immédiatement, je vous en serais extrêmement obligé ; je me suis en effet déjà engagé dans la publication. Si vous disposiez de quelque autre chose sur l’Afrique, vous me rendriez le plus grand service en m’en informant, ou, si vous daigniez accepter d’écrire sur la rivière Gambea (Gambia), dont vous aviez montré la carte, je serais fort honoré de l’ajouter à mes textes sous votre nom, et dans vos propres termes. » « Lettre manuscrite d’Olfert Dapper » [in]Fondation Dapper, Objets interdits, op.cit., p.86-87.
8. Jacob Van Meurs est un graveur-libraire. La rapidité avec laquelle ses ouvrages sont traduits atteste la nécessité pour cet éditeur de couvrir dans les délais les plus brefs les frais occasionnés par la confection de ces in-folio volumineux et richement illustrés. Jacob Van Meurs obtient un privilège pour l’Angleterre le 1er novembre 1669. An Accurate Description and Complete History of Africa paraît chez John Ogilby à Londres en 1670. Ce volume est supposé être le premier d’une série consacrée aux quatre parties du monde. La préface laisse à penser que l’ouvrage d’Olfert Dapper a été ajouté à celui de John Ogilby. En réalité, il n’en est rien. Sur les privilèges accordés en Allemagne et en Angleterre : Isabella Van Eeghen, De Amsterdamse boekhandel 1680-1725, op.cit., t.V , p.83. L’ouvrage paraît à Amsterdam chez Jacob Van Meurs. La majeure partie des légendes anglaises qu’Ogilby a ajoutées aux planches y sont insérées. Contre Rolf Italiaander et Georges Thilmans, Adam Jones soutient que cette traduction n’est pas l’œuvre d’Olfert Dapper mais de Philipp von Zesen déjà auteur d’une traduction en allemand remarquée d’une partie d’un ouvrage de Johann Nieuhof sur la Chine. De l’avis des spécialistes, c’est là la meilleure des traductions de l’ouvrage de Dapper. Elle sera d’ailleurs rééditée à Nuremberg en 1681. Rolf Italiaander, Olfert Dapper. Umbstänliche und eigentliche Beschreibung von Africa Anno 1668, Hamburg, Christians, 1964, p.386 et 401 et Georges Thilmans, « Le Sénégal dans l’œuvre d’Olfert Dapper », op.cit., 1971, p.510 sq.
9. « Ils sont si legers à la course et en même temps si fermes et si vigoureux, poursuit-il, qu’ils arrêtent un taureau tout court. Comme on n’est point sujet en ce païs-là ni à la rougeole ni à la vérole, les femmes ont le teint si uni, qu’un peintre ne sauroit rien faire de plus achevé. Les femmes mariées ont le sein si gros, qu’elles donnent à teter à leurs enfans par derriere les épaules. » Olfert Dapper, « Du Climat, des plantes, des animaux et des mœurs de la Caffrarie » [in]Description de l’Afrique, op.cit., p.384. La précision de ce portrait est littéralement stupéfiante pour un auteur qui ne s’est jamais rendu en « Caffrarie ». Elle procède du soin extrême accordé à la description de la moindre partie du visage et du corps. Cette description est indubitablement consécutive à la lecture de sources bien connues complétées par les mémoires rapportés à Amsterdam et par des renseignements obtenus oralement auprès de voyageurs bien informés. Les voyageurs et historiens portugais, les premiers, ont fait état de la petite taille des sauvages peuplant le pourtour du Cap. « Ce qui fait l’un des charmes du livre de Dapper, écrit Adam Jones, c’est que, tout en donnant une impression d’ordre et de rigueur, il recèle çà et là une information inclassable sous les rubriques habituelles, par exemple sur la notion de temps en pays Kquoja ou sur l’attitude à l’égard des albinos et des léopards dans le royaume de Loango. » Adam Jones, « Olfert Dapper et sa description de l’Afrique », op.cit., p.78.
10. Olfert Dapper a vraisemblablement lu la traduction hollandaise de l’édition de 1621 du Monde de Pierre Davity mais il se réfère à l’édition française posthume parue en 1660. « Dans cet ouvrage, note Adam Jones, nous retrouvons la division géographique de la Description de l’Afrique, mais Davity passe sous silence plusieurs régions décrites par Dapper (notamment le pays Kquoja et le royaume d’Allada). Davity avait exploité bon nombre des sources indiquées par Dapper qui paraît en avoir réutilisé quelques-unes sans se reporter à l’original. Mais les similitudes dans la méthode sont évidentes. » Adam Jones, « Olfert Dapper et sa description de l’Afrique », op.cit., p.78. Adam Jones met en évidence d’autres similitudes entre la Description de l’Afrique de Dapper et le luxueux Atlas Maior de Johan Blaeu imprimé en latin en 1662, en français en 1663, en hollandais en 1664. « La division géographique est sensiblement identique, note-t-il, avec la même impasse sur le pays Kquoja et sur le royaume d’Allada. Blaeu examine le nom du pays concerné, ses frontières, ses territoires et ses fleuves, la « qualité du sol », la flore, la faune, le système de gouvernement, les métiers, la religion et les « coutumes », soit les mêmes thèmes que Dapper. Les principales différences résident dans la longueur du texte de Dapper (environ trois fois plus fourni que celui de Blaeu) et dans la plus grande diversité de ses sources d’information : Blaeu s’est surtout appuyé sur des ouvrages écrits à la fin du XVIe ou au début du XVIIe siècle. » Idem.
11. Sur la diffusion et la réception de cet ouvrage en Europe : Isabella Van Eeghen, De Amsterdamse boekhandel 1680-1725, op.cit., II, p.229-232 ; Ernst Van den Boogaart, « Books on Black Africa : The Dutch Publications and Their Owners in the Seventeenth and Eighteenth Centuries » [in]Paideuma, n°33, 1987, p.115-128 et Adam Jones, « Olfert Dapper et sa description de l’Afrique », op.cit., p.80-81. Rolf Italiaander signale que la première édition du Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten […] était vendue non reliée 6 thalers et 16 groschen en 1668. Cela représente une somme considérable pour l’époque. Rolf Italiaander, Olfert Dapper. Umbstänliche und eigentliche Beschreibung von Africa Anno 1668, op.cit., p.388. C’est sans doute le nombre peu élevé d’exemplaires vendus qui a contraint Jacob Van Meurs à faire traduire et imprimer rapidement l’ouvrage en anglais. Sur ce point : Isabella Van Eeghen, « Illustraties van de 17 de eeuwse beschrijvingen en plaatwerken van Ams-terdam » [in]66. Jaarboek van het Genootschap Amstelodanum, Amsterdam, 1974, p.96-116.
12. C’est notamment le cas de la Bibliothèque de Leyde qui est réputée au tournant des dix-septième et dix-huitième siècle pour disposer de l’une des plus importantes collections de livres de géographie, d’histoire et de philosophie des Pays-Bas. Sur ce point : Catalogus librorum tam impressorum quam manuscriptorum bibliothecae publicae universitas Lugduno-Batavae, Lugduni apud Batavos, Pieter Van der Aa, 1716.
13. Dans sa description générale du continent, qui ouvre son volume, Olfert Dapper fait mention des différentes possessions qui sont aux mains de ses compatriotes. Mais à aucun moment il ne travestit la réalité pour feindre d’ignorer la présence des autres nations euro-péennes en Afrique. Jamais il ne se laisse aller à exciper d’une quelconque supériorité de sa nation sur ses voisines et rivales. En cela aussi il est un digne héritier d’Hérodote. Sur ce point : Olfert Dapper, « Description de l’Afrique » [in]Description de l’Afrique, op.cit., p.28.
14. Parmi ceux-ci figurent notamment Johan Nieuhof, Elias Hesse et John Barbot. Johan Nieuhof, Gedenkwaerdige Zee- en Lant- Reize door de voornaemste Landschappen van West en Oost Indien, Amsterdam, 1682 ; Elias Hesse, Ost-Indianische Reisebeschreibung […], Dres-den, s.éd., 1687 ; John Barbot, A Description of the Coasts of North and South Guinea : and of Ethiopia Inferior, vulgarly Angola Being a New and Accurate Account of the Western Maritime Countries of Africa [in]Awnsham Churchill, A Collection of Voyages and Travels, some now first printed from original manuscripts, others now first published in English […], London, John Walthoe, 1732, vol.V. Sur John Barbot lecteur d’Olfert Dapper : Paul Edward Hedley Hair, « Barbot, Dapper, Davity : A Critic of Sources on Sierra Leone and Cape Mount », op.cit., p.25-54. Sur la fortune du Naukeurige Beschrijvinge der Afrikaensche Gewesten : Adam Jones, « Olfert Dapper et sa description de l’Afrique », op.cit., p.80.
15. De nombreuses éditions sont à ce jour répertoriées dans différents fonds français. Relation Universelle de l’Afrique ancienne et moderne où l’on voit ce qu’il y a de remarquable tant dans la terre ferme que dans les îles, avec ce que le Roy a fait de mémorable contre les corsaires de Barbarie, en quatre parties, par le Sieur de La Croix […], Lyon, Thomas Amaulry, 1688, 4 vol. B.n.F. 8-O3-16 ; B.m. de Caen Rés. A 2084 / 1-4 ; B.m. de Nice Fonds ancien 52447-52450 ; B.m. de Grenoble E 14140 ; B.m. de Narbonne DM 54 ; B.m. de Metz L 1338-1341. Antoine Phérotée de La Croix publiera plus tard une Géographie universelle en quatre volumes. Nouvelle méthode pour apprendre facilement la géographie universelle, contenant le traité de la sphère, la description du globe terrestre et celeste […], le tout enrichy de cartes avec les armoiries des provinces et de figures de diverses nations, par le Sieur De la Croix, Lyon, Jean-Baptiste Barbier, 1690, 4 vol. Rééd. : La Géographie universelle, ou Nouvelle méthode pour apprendre facilement cette science […], par le Sieur de La Croix, Paris, Veuve Mabre-Cramoisy, 1693 ; Nouvelle méthode pour apprendre la géographie […], Lyon, Plaignand, 1705, 5 vol. ; Nouvelle méthode pour apprendre la géographie universelle […], par le Sieur De La Croix, Lyon, Nicolas de Ville, 1717, 5 vol.
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