Afrobiz : fluctuat nec mergitur

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Que n’a-t-on pas dit sur Afrobiz ? Lancé il y a un an, le magazine du « show et du biz afro » en est à son cinquième numéro. Amobe Mevegue, son mentor, agitateur culturel patenté, affirme malgré les détracteurs la bonne santé du support et annonce sa mensualisation prochaine.

Les jaloux auront eu tort sur toute la ligne. Beaucoup auront spéculé sur sa disparition au bout de deux ou trois numéros. Pourquoi ce magazine ne connaîtrait-il pas le destin particulier des nouveaux supports afro paraissant sur Paris : lancement à coup de paillettes, diffusion presque discrète, lectorat inexistant, annonceurs faisant la fine bouche, partenaires se retirant déçus et mise à mort finale avec liquidation judiciaire de la société éditrice ? Nombreux sont les échecs accusés par une génération d’audacieux désirant réinventer une presse panafricaine, à commencer par le malheureux plongeon de L’Autre Afrique. Mais le jeune Camerounais Amobe Mevegue est connu pour réussir ses aventures. Pour bien les ficeler, du moins. Agitateur apprécié par le bocal culturel de la diaspora noire francophone, il sévit déjà avec un certain succès sur les ondes de RFI, sur les chaînes de télé MCM Africa et CFI, pour lesquels il produit des émissions en direction notamment du Continent.
Pour Afrobiz, il a mis ses propres économies en jeu. « C’est un magazine, raconte-t-il, entièrement indépendant que j’ai financé sans banque, sans caution. Seules les activités que génère la structure qui l’édite (communication, création d’évènements, production audiovisuelle) ont permis le lancement de ce support. J’insiste lourdement sur le fait qu’aucune banque ne nous a fait confiance dans cette aventure ». Ni blanchiment d’argent sale, ni magouilles de nègres, ni partenaires douteux, comme l’ont laissé entendre quelques détracteurs. En évitant ces écueils, dont l’ombre plane en permanence sur l’existence de nombre de supports afro, Mevegue a mis tous ses espoirs dans les ventes progressives du support et des espaces pubs. D’où l’offensive médiatique et marketing qui a accompagné la sortie des cinq premiers numéros. Affichage dans les cinq capitales « les plus réactives » en Afrique (Douala, Yaoundé, Abidjan, Dakar, Libreville), partenariat radio avec RFI (l’émission « Couleurs tropicales » de Claudy Siar), partenariat télé avec MCM Africa et CFI, street-marketing en France à la manière du business hip-hop, distribution de flyers et plan médias sur les radios communautaires. « Ceci était absolument nécessaire, d’abord pour asseoir la notabilité d’Afrobiz, ensuite pour gratifier nos annonceurs d’une exposition valorisante pour leur marque« . Ce plan de bataille annonce les ambitions de l’équipe qui gère le magazine : Afrobiz doit devenir la référence du genre.
Aucun magazine culturel alliant papier glacé, images soignées, quadrichromie intégrale et textes transversaux n’existe à l’heure actuelle dans la diaspora afro francophone. Mais voilà… certains affirment que le public ne suit pas et que les chiffres stagnent. A commencer par la France, où les communautés noires, censées avoir les moyens de s’offrir un tel support, hésiteraient à investir 18 F (2,74 euros) par numéro. A cette question, la réponse du staff Afrobiz ne s’est nullement faite attendre : « En moins d’une année, ce support, qui est distribué dans plus de 30 pays, en Europe, en Afrique, dans les Caraïbes et l’Océan Indien, a connu un taux de pénétration de 40% en France. Nous visons un taux de 60 % l’année prochaine. C’est un très bon chiffre. renseignez vous! C’est à l’export que nous réalisons notre meilleur score avec notamment dans certains pays d’Afrique des chiffres qui dépassent les 60 à 70%, au Cameroun, Gabon, Burkina, Togo, Madagascar ». Quand les détracteurs s’y mettent, l’information dévie. Pour Mevegué, ceux qui nourrissent ce débat ne méritent que le mépris. Il est vrai néanmoins qu’une mauvaise distribution a eu l’air de plomber Afrobiz dans l’Hexagone dès le départ. Distribué dans les kiosques par les NMPP, le magazine ne s’y trouve pas toujours. Certains responsables de Relais H (chaîne de vente de presse) nous ont avoué ne pas savoir où le classer. Afrobiz est généraliste. Mais eux le voient « noir communautaire » ou s’interrogent sur le contenu de ses couvertures. « Un coup, il parle de cinéma, on le range en ciné. Un coup, il parle musique, on le classe en musique. Parfois, on ne sait pas où le mettre. Un bimestriel, c’est trop long pour créer des habitudes auprès du public. Et un nouveau journal, nos vendeurs ne le repèrent pas toujours : quand on leur demande où il se trouve, ils répondent qu’il n’existe pas, surtout par paresse ». Et un client de moins…
« Cependant, précise Mevegue, nous sommes fiers de dire que même si notre priorité n’est pas l’Hexagone, il y a tout de même 10 000 exemplaires qui y sont distribués. Ce qui est loin d’être ridicule pour un support qui tire de 20 000 à 25 000 exemplaires ». Très peu de supports situés dans le même créneau peuvent en effet se prévaloir d’une telle diffusion. Reste à savoir qui lit Afrobiz en réalité? François, vendeur dans un relais H à Gare de Lyon, trouve ses clients « aussi bien noirs que blancs, peut-être même plus blancs que noirs ». La diaspora ne lirait pas assez : l’achat de supports de presse, à en croire notre vendeur, est une pratique culturelle qui lui serait étrangère. Ce qui expliquerait la diffusion semi-discrète de certains supports. Mevegue s’emporte : « Absolument pas ! C’est une légende. Il existe un réel marché pour des supports tels que le nôtre, d’autant plus qu’ils concernent plusieurs générations. Le seul problème auquel nous sommes confrontés, c’est celui du boycott que subit la culture noire face aux grand médias français. Je crois que c’est à nous d’organiser notre marché pour que les produits culturels bien formatés touchent enfin leur cible grâce à des médiums adaptés et accessibles sans ostracisme. Le public des communautés Afro lorsqu’il est sensibilisé répond toujours présent, contrairement aux idées reçues. L’expérience que vit actuellement Afrobiz est là pour en témoigner ». Et toc!
L’enjeu est d’envergure : la réussite d’un Afrobiz, qui se veut « vitrine internationale du monde du show et du biz Afro », vaudrait mille discours. Mevegue ajoute : « Au regard des objectifs que nous nous étions fixés, le bilan d’Afrobiz est globalement positif. Nous avons sorti cinq numéros ! Afrobiz va fêter son 1er anniversaire ce mois d’octobre et comme nous l’avions promis, nous allons amorcer la mensualisation du support, qui, jusque là était bimestriel ». Parallèlement, le support planche sur une délocalisation possible l’année prochaine en Afrique, afin de renforcer la présence sur le terrain de ses équipes. Est-ce pour éviter d’être taxé de « parisianisme » ? Un rien laconique, Mevegué conclut: « L’ironie veut qu’aucune des publications internationales labellisée afro ne soit implantée en Afrique… c’est dire le chemin qui nous reste à parcourir ».

///Article N° : 1857

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Les images de l'article
Amobe Mevegue © DR





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