L’association Agwama Models se donne pour objectif de sensibiliser les jeunes filles des banlieues aux domaines de la mode et du mannequinat. Créée fin 2009, elle est née de la collaboration de Prisca Mfuka, directrice de Prisca MP events‘, une toute jeune agence d’événementiel et de Mara Féréol, styliste et créatrice de la marque Marattitude. Dénonçant un milieu discriminatoire et peu évolutif, ces deux entrepreneuses veulent bousculer les codes à travers le nouveau concept de » top modèle volupté » faisant la part belle aux femmes dont les formes et la couleur ne correspondent pas aux critères encore trop étroits du milieu de la mode
Prisca Mfuka et Mara Féréol sont parties d’un constat : le monde de la mode, enfermé dans des codes, souffre de discrimination à deux niveaux. D’une part, les mannequins noirs sont peu présents sur les podiums des grands couturiers ; d’autre part, la mode appartient aux physiques squelettiques. Le débat avait déjà été soulevé dans les années 2000, lorsqu’on a reproché au milieu de la mode d’avoir régressé dans ses critères de sélection des mannequins. Dans les années 70 et 80, époque du » Black is beautiful « , Yves Saint-Laurent et d’autres ont propulsé avec succès les mannequins noirs comme Iman et Katoucha sur les podiums. Hélas, le paysage de la Haute Couture a changé depuis et ne fait plus honneur qu’à des mannequins non seulement blancs pour la plupart, mais en outre, de plus en plus maigres. Ces nouvelles icônes pâlichonnes et squelettiques sont loin de refléter la diversité de la beauté féminine de la société française, composée d’autres visages et de diverses morphologies.
Prisca Mfuka, trentenaire d’origine congolaise, déplore avec insistance la maigreur des mannequins actuels, une maigreur contraire à la beauté et qui conduit nombre de filles à l’anorexie. Selon elle, les grands couturiers passent à côté d’un potentiel auxquels ils ne s’intéressent pas. » Il faut arrêter de n’habiller que la maigreur, d’autant plus que la taille standard aujourd’hui, ce n’est pas 34, mais plutôt 38 » affirme t-elle. Prisca a trouvé chez la styliste antillaise Mara Féréol une coéquipière idéale. » Elle prend vraiment du plaisir à habiller les formes. D’ailleurs, elle préfère même créer pour la taille 40 que pour la taille 34. Je suis ronde et elle m’habille sans problème, avec des vêtements qui me mettent réellement en valeur et des matières que je ne pensais pas pouvoir porter correctement « . Après des études de stylisme, Mara a lancé en 2000 sa propre marque de vêtements, Marattitude. L’alliance entre l’ethnique et la tendance fait la spécificité de cette marque. Grâce aux tissus ethniques tel que le madras mêlé aux tissus contemporains comme le jean et à des matières telles que le cuir ou le métal, elle offre des collections innovantes et riches en couleurs.
Unies par les mêmes convictions, Prisca Mfuka et Mara Féréol ont créé une association à but non lucratif, Agwama Models, dont le rôle sera d’aider des futurs mannequins à se lancer tout en défendant des nouveaux codes de beauté. » Avec Agwama Models, nous souhaitons, à notre échelle, changer les codes. Les filles issues de nos banlieues et de l’immigration qui souhaitent devenir mannequins – et pas que des banlieues d’ailleurs – pensent que cet univers leur est inaccessible, parce qu’elles sont noires, qu’elles viennent d’un milieu défavorisé, ou qu’elles ont des formes trop prononcées pour prétendre à ce métier « , explique Prisca Mfuka . » C’est pourquoi il est important de les encourager et de les faire évoluer, et surtout qu’elles soient fières de montrer leur silhouette voluptueuse. D’où notre concept de » Top modèle volupté « , une volupté qui jalouse les formes de la pin-up, et cela dans un contexte de pluralité ethnique « .
Agwama Models, avec son budget serré, ne se donne pas pour vocation d’être une agence de mannequins. Cette association modeste propose d’assister gratuitement des jeunes filles dans la construction de leur image, dans la réalisation de leur book, de leur candidature au sein des agences. Dans cette optique, elle va par exemple travailler en collaboration avec une agence de coaching, Podium Live Saison. En propulsant au-devant des podiums le plus de jeunes possible, l’association espère déjà faire un grand pas.
» Nous souhaitons que les femmes plantureuses et les femmes issues de la diversité se reconnaissent sur les podiums « . Pour que ce message commence à faire son chemin, Agwama Models a ouvert ses activités en organisant un concours de Top modèle volupté, qui s’est déroulé le 6 février 2010 à l’Espace V de Villepinte. L’événement était parrainé par la chanteuse de zouk RNB Lynnsha, et présenté par Rio, animateur radio de Tropique FM. Treize filles et autant de garçons ont défilé dans les vêtements de la créatrice Mara. Les premiers prix se sont vus offrir un book photo et une collaboration avec Marattitude. Bien que cette première élection ait manqué de communication et de public, les deux entrepreneuses en tirent un bilan plutôt positif. » J’ai bien conscience que ce n’est pas grâce à cette première élection que nous réussirons à véhiculer notre message. Mais elle nous a servi de carte de visite, en nous permettant de présenter notre travail et le concept d’Agwama Models, conclut Prisca Mfuka.
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