» On commence ? » Chris et Dieudonné sont face au public. Le texte est de leur cru, et cru à souhait, déjanté même. Ces deux clochards ne cesseront de s’invectiver, d’échanger jeux de mots, calembours, connivences et insultes. Surtout, ils pourchassent à coups de paradoxes les traces de la guerre qui les hante encore. » Regarde autour de toi : tu traces un espace blanc, OK, joue avec le blanc « . Carré Blanc sera donc l’espace du paradoxe établi comme style, en prolongement de l’écriture de Sony Labou Tansi : » Je suis venu pour les malades, pas pour les bien-portants. (Mathieu 7,7). » Les adjonctions mêlent l’absurde au souvenir si bien que la distance sans cesse restaurée s’évapore au profit d’une profonde sympathie pour ces deux compères qui explorent à tour de rôle le blanc qu’ils ont dans la tête : » on arrive pas à reconstituer, on perd le fil « . Et pourtant, le rythme est affiché, les deux clodos occupent l’espace scénique, gesticulent, l’ouvrent même pour descendre dans le public ou le faire monter sur scène. Toujours, la guerre est là, car le carré blanc, c’est » le luxe de la guerre » : avant de reconstruire, il faut se reconstruire :
» On fait la paix ?
On ne fait pas la paix sans guerre !
Mais il n’y avait pas de guerre !
C’était quoi alors ?
Un vide, un grand blanc dans la tête « .
Un beau moment de théâtre, tonique et réjouissant, drôle et grave, pour un public en phase qui n’arrête pas de rire et de participer.
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