Congo-Brazzaville : Lettre à M. Jean-Baptiste Tati-Loutard, co-auteur de Nouvelle anthologie de la littérature congolaise, Paris, Hatier International, 2003, 318 pp.

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Monsieur Tati-Loutard,
Je viens de lire Nouvelle anthologie de la littérature congolaise dont le Directeur actuel des Editions CLE, Dr Tharcisse Gatwa, m’a fait l’amitié de m’offrir une copie. J’ai lu l’excellent livre d’un trait. Je suis un féru de la littérature congolaise qui, comme vous le dites dans l’avant-propos du livre, déborde les frontières de votre beau pays.
Quel plaisir de retrouver ces grands noms qui font déjà la mythologie de l’imaginaire littéraire noir, à savoir les Sylvain Bemba, Tchicaya U Tam’si, Théophile Obenga, Guy Menga, Henry Lopès, Sony Labou Tansi, Marie-Léontine Tsibinda, Emmanuel Dongala, Jean-Blaise Bilombo-Samba, Alain Mabankou, Léopold Congo Mbemba… et bien sûr, Jean-Baptiste Tati Loutard qui écrit « de loin, depuis les bords du Congo/ Devant l’île Mbamou ; c’est une motte de terre/ Qui s’est réfugiée au milieu des eaux/ pour éviter de tourner avec la terre », et dont Roger Godard a soudé le destin avec deux autres poètes congolais et isolé les motifs marins des poèmes. Le Congo, c’est vraiment les « Flamboyances congolaises » dont parle votre compatriote Mongo Mboussa dans ses Désirs d’Afrique, l’un de nos chefs d’œuvre critique.
Je voudrais, Monsieur le Ministre et Président de l’UNEAC, vous dire toute mon admiration pour ce livre qui dit une fois de plus votre attachement ombilical à la terre d’Afrique et particulièrement à son rameau congolais. C’est avec un immense plaisir qu’on lit et relit vos phrases courtes, simples, claires, denses et charnelles, véritables eau de roche où se profilent et se re-profilent les idées, les sentiments et les sensations d’un peuple qui veut appartenir au grand jour, selon l’heureuse expression de Paul Dakeyo. Je trouve dans la définition que Théophile Obenga donne de la poésie (la parole excédée) quelque chose qui rattache l’art à la haute humanité, comme le destin des hommes reste lié à la haute antiquité des êtres et des choses.
Certains contours du livre soulèvent forcément la verge, la gorge (Fernando d’Alméida) du lecteur. Le bégaiement, par exemple. Le bégaiement serait-il une aubaine pour les congolais ? Tchicaya U Tamsi, Sylvain Bemba et Maxime Ndébéka ont d’abord été de grands bègues avant de devenir de grands poètes et romanciers. Quel secret se cache derrière cette pathologie qui a la propriété de supprimer la parole ou tout au moins de la livrer charcutée et le torrent verbal qu’elle a apporté au Congo ? Et puis tous les écrivains congolais sont ou ont été ministres, ils ont vécu ou vivent en Europe ou aux USA… Comme si pour parler du pays, la condition c’était d’abord de s’en éloigner ou alors d’être au sommet de l’Etat. Comment l’écrivain congolais réussit-il à être à la fois ministre et homme de lettres? Peut-on dire que le Congo est un pays gouverné depuis toujours par des écrivains ?
Terre de parole, le Congo est donc aussi terre de questions et de réponses. Les réponses qu’apportent Alpha-Noel Malonga, Jean-Baptiste Tati-Loutard, Philippe Makita et Matondo Kubu Turé à propos des différents genres littéraires classiques pratiqués au Congo ferment le livre sur un bon éclat de soleil. Le Congo reste la bouche de l’Afrique, sa parole qui soude l’homme au cosmos entier. (Théophile Obenga)
De ces mots couleur et odeur de terre qui font 318 pages et 61 auteurs, ces mots phraternels parvenus jusqu’à nous par le canal de Monde Noir, j’ai voulu, Excellence Monsieur le Ministre et distingué poète, dire tout simplement ma profonde et parfaite émotion.

///Article N° : 4007


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