convictions photographiques

Entretiens croisés de Christiane Rafidinarivo avec Dany-Be et Pierrot Men

Propos recueillis entre 2000 et 2003
Print Friendly, PDF & Email

Nary Ravonjy de Midi Madagascar en 2001 et Rivo de New magazine en 2002 remportent le prix RFI de Reporters Sans Frontières. Quel est le terreau de cette percée ? Les propos de deux grandes figures de la photographie malgache permettent de le mesurer dans le contexte d’une histoire séculaire marquée par la censure de l’image.
Daniel Rakotoseheno, dit Dany-Be, est le doyen de la photographie à Madagascar. Photojournaliste, correspondant des agences Gamma et Sygma, il est aujourd’hui, responsable du Centre de Ressources des Media. Pierrot Men est prix Leica International. Il expose à Paris, à l’Institut Doisneau, à New-York. Dany-Be, Pierrot Men et Nary Ravonjy ont participé à « Barrages » , la première exposition photographique sur les événements de 2002.

Pourquoi es-tu devenu photographe ?
Dany-Be : Pour témoigner
Pierrot Men : Pour devenir célèbre (rires). J’étais peintre, style réaliste. Je me suis dit, je photographierai mieux. Mes amis aussi me l’ont dit comme le plasticien Jean-Yves Chen. Et j’ai vraiment trouver ma voie.
Es-tu célèbre ?
DB : Prison, violences, expositions, Afrique, Madagascar, Gamma, Sygma, oui, si tu veux
PM : Je suis connu avec ce que je photographie, c’est-à-dire mon univers quotidien, Fianarantsoa
Que photographies-tu au juste ?
DB : L’histoire qui se fait, une certaine chronique sociale, les non-dits, ce qui interpelle de manière cruciale
PM : Des mouvements, ce qui s’inscrit dans le paysage, des épopées ordinaires, la vie des gens simples, beaucoup de sourires d’enfants
Madagascar ?
DB : Madagascar. D’autres choses aussi mais Madagascar. Si. Les événements, l’histoire. Si.
PM : Le Madagascar où je vis. J’ai eu une commande d’un magazine de mode américain. Je leur ai dit d’envoyer les mannequins ici chez moi à Fianarantsoa. Je les ai photographié parmi les zébus plutôt que les ranches.
Pourquoi vos photos sont-elles appréciées ?
DB : Sont-elles appréciées ? Je pense surtout aux jeunes photographes. J’épaule les associations, je voudrais avec d’autres créer une Maison de la Photographie. Il y a seulement neuf photojournalistes à Madagascar. Mais il y a, rien qu’à Antananarivo, plus de 250 photographes professionnels, et autant à Tamatave par exemple. Beaucoup d’associations aussi. Partout, jusque dans les petits villages, il y a un studio photo, parfois de fortune dans un coin d’épibar(2) ou de gargote.
PM : Je ne sais pas. On compare mon travail à tel ou tel célèbre photographe. Je n’en connaissais pas. Par contre beaucoup de jeunes viennent me demander aide et conseils. A tel point que j’ai créé un club qui leur propose formation et facilités. Se rendent-ils comptent que la photographie demande du travail ?
La diffusion des photos ?
DB : Tu te rends compte si de toutes les photos qui se font dans le pays, et il y en a de plus en plus, pouvaient circuler ? Des expositions itinérantes de fivondronana en fivondronana(3) ? Les Malgaches se verraient les uns les autres. Ils vivraient autrement cet espace. Au lieu de cela, ça reste dans les malles familiales. La photo malgache ne se montre toujours pas malgré la fin des années, (siècles ?), d’underground politique pour cause de censure. Et les photographes hésitent toujours à exposer leurs photos. Ils ont honte.
PM : Je pousse les photographes à exposer ici comme à l’étranger. Je n’hésite pas à concourir au niveau international, à exposer ailleurs, en galerie virtuelle. J’encourage les jeunes à le faire. Ils craignent de montrer leurs photos. Oui, c’est l’habitude de la censure. Il y a aussi de la honte.
Honte ?
DB : Ecrasement de siècles de censure sur l’image. On n’est même plus sûr de notre image.
PM : Honte de la critique. A cause de la censure, il n’y a pas eu de vraie critique.
Quelle est l’image photographique de Madagascar ?
DB : L’exotisme insulaire. La misère. Les commandes institutionnelles qui font les images officielles
PM : Par les Malgaches ? Des étrangers demandent si je photographie la misère. Je ne photographie pas la misère, je photographie des gens.

1. Exposition itinérante : mai 2002 à la Réunion ; juillet 2002 à Antananarivo ; septembre 2002 au Festival International des Francophonies de Limoges avec la participation de Martin Rajaoferson, Kiaja Ramamonjisoa, Seta Ramaroson, Francis Rasoamaharo, Nary Ravonjy et Maksim Seth
2. Epicerie-Bar
3. Communautés de base. Il y en a plusieurs dans une commune (firaisana)
///Article N° : 2967

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire