Courage, le cinquième opus du plus décalé des koristes de la scène malienne actuelle.
Mamadou Diabaté réside aux Etats-Unis depuis plus de quinze ans. Il y a obtenu son premier Grammy il y a deux ans, à l’instar de son cousin Toumani, avec qui il a déjà tourné sur les scènes du monde entier. Il y a remporté en 2007 le prix de l’American Funk Alliance pour l’album Heritage. Il est le digne fils de Djelimory Diabate, plus connu sous le nom de N’fa Diabate, fondateur de l’Ensemble Instrumental du Mali, auprès de qui il a fait ses premiers pas. Il a aussi joué avec Randy Weston, Eric Bibb, Angélique Kidjo, Thomas Mapfumo ou encore Amy Koïta. Il a tout du génie en gestation, le doigté qu’il faut sur la vingt et une cordes from Bamako, et surtout, il a l’élégance et l’esprit frondeur de celui qui s’affranchit des ritournelles anciennes, aussi belles soient-elles dans le commun des hommes.
Sur l’un des titres, il rend hommage aux illustres djeli de Kita, son fief natal : « leurs nombreuses compositions de style traditionnel sont très populaires dans toute l’Afrique de l’Ouest, surtout dans les zones de peuplement mandingue. Je suis fier d’appartenir à cette tradition« . Un socle sur lequel s’appuyer, bien qu’il soit de ceux qui se refusent au simple formatage des héritages. On ne saurait oublier l’intelligence des précédents opus, dont Behmanka, album sur lequel il revisite les legs en solo, avec une relative aisance. Il se réclame, il est vrai, d’un ancrage en terre malienne. Mais on se doute bien – en l’écoutant – que c’est pour mieux prendre son envol depuis l’enclave new-yorkaise, où il siège avec son quintet audacieux, bien en verve sur cet album. Un as du ngoni, Abou Cissoko, un maître incontesté du balafon, Lansana Fode Diabate, un manieur de calebasse à la frappe aiguisée, Adama Diarra, et un bassiste américain, Noah Jarrett, rejeton lui-même d’un virtuose en musique, puisque fils de Keith, né, semble-t-il d’un premier mariage. Noah lui apporte en tout cas la petite note de génie des grooves du Nord.
Rien d’excessif dans l’ensemble. Le quintet fait montre d’un jeu plus que soigné, tout en finesse. Il contribue à tisser le énième récit d’un monde où l’homme ne ressemble guère à ce loup que Hobbes, jadis, pointait du doigt. Mamadou l’inspiré donne l’impression d’avoir composé ses onze titres dans une totale sérénité. En ce pays Diabaté, on célèbre les mères en beauté, on salue les épouses avec amour, on y parle du respect, même en ayant le blues de Birigo dans l’oreille en vadrouille. La générosité, la solidarité, le partage y sont des gages de paix. De son Kita natal à New-York, le petit djeli surdoué a apparemment su s’affranchir de ses maîtres, tout en gardant intacte la chaleur de ces notes mesurées, qui firent de tout temps, depuis Sundjata Keïta, le succès des puissants bardes mandingues à la kora : la passion de leurs semblables. « Prenez garde à la manière dont vous traitez les autres » clame-t-il sur Laban Djoro. De l’art de réconcilier les hommes avec leurs ombres et frustrations du moment. Son album aurait pu être mystique, il est tout simplement habité, lumineux, subtil
///Article N° : 9954