Ce recueil de vingt nouvelles est construit sur le même principe que Dernières nouvelles de la Françafrique paru en 2003 chez le même éditeur avec quatre des écrivains de la première équipe. Issus des anciennes colonies françaises (y compris la Martinique et la Guadeloupe), tous ont imaginé une brève fiction pour répondre à la loi de février 2005 qui cherchait à ne pas se limiter aux méfaits de la colonisation ; elle est présentée par le Camerounais Eugène Ebodé comme le « revenant au nom improbable : Aspects positifs » (110). Forçant le trait, chaque texte tente de trouver une technique originale pour dénoncer globalement les forfaits passés ou les lourds héritages qui pèsent sur les mémoires et les pratiques politiques contemporaines (« Rien n’a changé », Raharimanana, 60). Les témoignages amers du Rwandais Benjamin Sehene, du Burkinabé Traoré ou du Togolais Théo Ananissoh, les paraboles du Tchadien Koulsy Lamko ou du Guadeloupéen Ernest Pépin, l’ironie du Congolais Alain Mabanckou ou du Togolais Tchak, construisent des personnages loufoques ou terriblement vraisemblables qui rappellent la domination sous toutes ses formes mais aussi le dénis de mémoire: « ton devoir est de faire l’archéologie de la nausée » (Abderrahman Beggar, 211), « Le poste P1000 a décidé de laver à la lessive Omo et Javel la carte-mémoire de l’Histoire » (Lamko,85) . Le mimétisme dans la vie politique actuelle qui faisait le sujet du précédent ouvrage est dénoncé indirectement : liquidation d’opposant, soumission du toutou pour rester dans « l’auréole bienfaisante de Madame l’il la généreuse » (Tanella Boni,149). On remarquera particulièrement la poésie du titre de la Haïtienne Marie-Célie Agnant, « Je suis de ce pays où l’herbe ne pousse plus » (103), la tonicité de Mabanckou et de Tchak qui, tous deux, choisissent le monologue et les longues phrases aux nombreuses incises, l’un pour paraître exalter la colonisation (« y a que du positif je vous dis ! », 135), l’autre sous la forme d’un hommage à son père qui admire un solide pont construit au Togo par les Allemands : « Revenons à mon père, et il a dit, Après les Arabes ce sont les Allemands qui nous auraient apporté le reste, ce qui fait un pays et le bonheur de chacun » (160). Cette écriture collective et diverse apporte une réponse scandalisée et littéraire à la pression ambiante perçue comme « Oublions tout cela, intégrons-nous dans ce siècle, mondialisons-nous » (53) et face à laquelle il ne faut pas laisser la France « légiférer sur la profondeur de l’histoire » (13) mais construire « un seul grand livre où s’emmêlaient plaintes, pétitions, récits, contes, poèmes, chansons, devinettes » déposé « au pied de l’arbre de la colonisation » (177). C’est donc l’entremêlement des genres et la diversité des styles qui assurent son originalité à ce livre qui ne révèle rien que de connu et n’analyse aucune situation du point de vue historique, préférant les bribes de mémoires vives aux approches distanciées.
Collectif, Dernières nouvelles du colonialismeVents d’ailleurs, La Roque d’Anthéron, 2006, 238 p., ISBN 2-911412-40-0, 16 euros.///Article N° : 4376