Ce court roman écrit donne la parole à un jeune Marocain qui raconte par bribes un peu incohérentes l’histoire de chacun des membres de sa famille. Tout commence avec la corruption du fonctionnaire de Rabat pour obtenir un visa pour « la France, ce territoire jusqu’alors fantasmatique » (16) qui donne son titre à l’ouvrage (celui-ci ne fait jamais mention de l’anglais), puis défilent les vies dangereuses des grands frères admirés, Adam l’aîné fonctionnaire révolutionnaire et Nadir le communiste devenu un faux dévôt par sens de l’opportunisme, du père malade, des Françaises avec lesquelles ces trois frères construisent leur intégration. Chaque fragment est l’occasion de dresser le portrait d’une situation : la persécution des militants communistes au Maroc, la difficulté de trouver du travail en France, le silence des pères, l’utilisation des femmes françaises pour la régularisation. C’est au détour des phrases que l’auteur glisse ses commentaires sur les idéaux qui tour à tour s’écroulent sous le poids des réalités. L’héroïsme des frères cherchant à ressembler à Staline prend fin : « Le mur de Berlin n’allait pas tarder à chuter et avec lui pas mal d’illusions » (32). L’exil parisien, commencé avec « mille chimères » dans la tête (33) rencontre la réalité avec le frère « qui a compris le système » (42) et devient permanent syndical, les Françaises peu fiables, la racisme rampant, les bars sordides des banlieues, l’intégration mise en scène. La situation politique du Maroc est effleurée : « le bled, qui est déjà depuis des lustres un cloaque, est en passe de devenir un énorme asile. » (79) Le texte procède par touches successives, suivant en cela l’impossible reconstruction intérieure d’un narrateur dont le rêve français s’est brisé.
Mohamed Hmoudane, French dream, Paris, La Différence, 2005, 123 pages, 14 euros, ISBN 2-7291-1567-6.///Article N° : 4375