L’écriture scénique et la scénographie actuels offre un aperçu de l’interaction des orientations culturelles à Madagascar.
Le théâtre actuel se cherche. La scène la plus populaire est incontestablement la radio. C’est un théâtre du quotidien, satirique, pédagogique, moraliste dit » théâtre gasy « . Il est essentiellement chroniqueur, social et portraitiste aux ambitions éducatives.
Le » hira gasy « , » opéra malgache « , occupe les espaces cérémoniels à travers tout le pays. Il est chorégraphie, chur et harangue. Entraîné par la culture contemporaine des projets, il se fait parfois support éducatif dans le registre des communications institutionnelles. A vocation polémique dans la tradition de l’agora malgache, c’est un art qui demeure également un lien rituel avec les esprits.
Les arts oratoires connaissent un nouvel essor, recréant les traditions du formel, du cérémoniel et de l’hommage. Ils constituent une réflexion référentielle incessante sur la dialectique du permanent et du changement dans l’organisation sociale. C’est l’art de » la fierté malgache « , enracinée dans la configuration identitaire, qui est un des axes majeurs du Ministre de la Culture Odette Rahaingosoa.
Les lectures scéniques sont un genre dominant sur la scène malgache. Elles sont partagées entre le récitatif et la chorégraphie. La théâtralisation, au sens européen du terme, est rare. Les metteurs en scène contemporains sont en quête de mariages référentiels entre » théâtre » malgache et d’ailleurs. Ils sont soutenus dans cette démarche par les centre culturels français. En 2002, M. Tréguet, responsable du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’ambassade de France à Madagascar, tient conférence sur les enjeux de l’édition et de la traduction francophones.
La troupe Landivolafotsy a adapté Prévert dont » le Roi et l’Oiseau » devient une histoire politique malgache. Le film de René Clair, qui en est la trame, scénographie théâtralement un bruitage de sons malgaches : percussions, valiha, onomatopées du langage sonore non verbal. La même troupe adapte » mille francs de récompense » de Victor Hugo en 2002, en lecture de la crise.
Henri Randrianierenana a choisi, la même année, d’adapter de l’allemand un » Godot des enfants » intitulé » Max, Mily et Ramôgamôgany « . Sur le registre de l’humour satirique, il met en scène » les tensions entre autoritaire et imaginaire « . Toutes les figures d’autorité sont passées en revue pour révéler le bouleversement des rôles sociaux parentaux non autoritaires. C’est bien du rapport de pouvoir qu’il s’agit. Le spectacle est interactif et expérimente » comment le sens est investi indépendamment du locuteur et de ce qu’il énonce. » Le Centre Germano-Malgache, appartenant au réseau des Goethe Institut, affirme la valeur éducative dans la langue malgache, pour les enfants comme les adultes, dans ses orientations culturelles.
En juin 2002, le centre culturel américain produit la deuxième exposition photographique sur la crise. Ce sont les uvres de trois photojournalistes : Kelly, Hery Rakotondrazaka et Kiaja Ramamonjisoa. Elle est inaugurée pendant la commémoration de l’indépendance de Madagascar, jour auquel les Etats-Unis reconnaissent Marc Ravalomanana, Président de la République. Roy Whitaker, Conseiller chargé des affaires publiques de l’ambassade américaine à Madagascar, définit la conception américaine de » la culture comme un attachement à la démocratie » dans une construction permanente. En 2002, le centre culturel américain, qui est essentiellement un centre d’apprentissage de la langue anglaise et de découverte de la culture américaine, inaugure un centre de presse.
La première exposition photographique sur la crise, » Barrages » en mai 2002, est le fruit d’une coopération associative de l’Association Recherches Océan Indien, de la diaspora et des photographes malgaches, avec le soutien de la coopération régionale de la Ville de Saint-Denis de la Réunion et du Centre Dramatique Régional Océan Indien. C’est une exposition NTIC(1), à vocation itinérante, produite au plus fort du blocus et des censures sur l’image : transmission par internet, infographie, impression numérique.
Henri Randrianerenana a quitté le vidéocinéma en 2002. Premier concepteur et réalisateur du genre à Madagascar, il répond à l’appel d’un producteur privé malgache, Videolight, qui se lance dans le vidéofilm en malgache. Le succès populaire est au rendez-vous de films d’action, proches de l’écriture bédéiste ou des mangas et l’émergence de » teenstars « . Henri Randrianerenana achève néanmoins son aventure créative quand le palier de la production en séries est atteinte. Faisant fi du succès financier, il prend le risque de passer le flambeau et de se déplacer sur de nouvelles frontières créatives.
Christiane Ramanantsoa, metteur en scène de la troupe de l’Alliance française, souligne, quant à elle, les exigences du travail de scène. Elles sont d’autant plus fortes quand on a l’ambition d’un théâtre conceptuel d’une part, et exportable d’autre part. La formation et la professionnalisation sont crucialement manquantes et les efforts d’auto-financement à portée limitée.
Cet aperçu scénique de la production et des orientations culturelles en interaction ne révèlerait-il pas en filigrane les absences d’une politique culturelle articulée ?
1. NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication///Article N° : 2984