Filmer l’habitant, pas l’habitat

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Ils vivent cloisonnés dans des foyers desquels ils sortent à peine. Dans le film de François Havez Y a-t-il encore mon pays ailleurs ? l’univers des travailleurs algériens retraités se dévoile. Une projection inédite au Festival images de la diversité et de l’égalité à Paris.

« Les Territoires » investissent le Festival Images de la diversité et de l’égalité (voir encadré). Comment le cinéma investit nos terrains intimes et cachés ? Si les territoires ont longtemps constitué des motifs de guerres entre les nations, aujourd’hui les habitats peuvent faire office de frontière à l’intérieur d’un État. Une sensation fulgurante lorsqu’on regarde le film de François Havez Y a-t-il encore mon pays ailleurs ?. Il pose sa caméra avec des retraités. En France depuis plus 30 ans, cloisonnés derrière les murs d’un habitat collectif, des citoyens restent étrangers. On en a vu des films « de banlieue » où les habitats immigrés servent de fond (La Haine, La Squale, Banlieue 13, etc.). On a moins vu ceux qui présentent un autre aspect de cette réalité, à l’abri des clichés. Ceux qui ne montrent pas uniquement des tours imposantes qui rappellent des prisons ou tout autre plan visuel qui ferait penser à un ghetto. Pourtant certains films (peu !), comme celui de François Havez prennent le parti de ne pas se focaliser uniquement sur une jeunesse révoltée ou sur la délinquance. Il s’agit plutôt de miser sur l’humain, la vie. Et c’est ce qu’il y a au-delà de ces murs.
La caméra entre les murs
Y a-t-il encore mon pays ailleurs ? pose aussi la question du déménagement de ces retraités vers un logement individuel… 30 ans après une vie dans un habitat collectif. Une question d’actualité (voir article p. 6). Davantage d’intimité certes, un semblant de dignité tout au plus, mais toujours cet espace réduit, ces meubles basiques, comme s’ils étaient à l’internat à vie. Ils vivent en effet dans une ancienne caserne militaire des années 1950. Seuls et éloignés, ils ont pour interlocuteur régulier les services sociaux. Le réalisateur a choisi de privilégier la parole : « Il me fallait des images brutes pour accentuer ce côté humain », expliquet- il. Il fond sa caméra dans ces lieux, en oubliant presque qu’il est en train de tourner. Les images font parfois défaut mais la parole de ces « personnages principaux » est forte. Ainsi, François Havez a pu rassembler trois années de conversation. À voir aussi dans une démarche comparable, le film Le Terrain, où le réalisateur Bijan Anquetil se fait témoin du mode de vie à huis clos d’une communauté de « Roms » qu’il va suivre durant une année.
De l’humanité
Loin des clichés qu’on a pu se faire à l’idée des habitats, ce sont des hommes qui vivent dans le seul endroit qu’on leur a montré pour vivre. Cet espace qu’on leur laisse, c’est tout ce qu’ils connaissent. Il n’y a rien de ghetto là-dedans, tout est vie, humanité et parfois tendresse. Pas de crainte à les approcher. De la crainte, c’est sans doute eux qui en auront à notre égard. On se connaît si peu dans le fond, les présentations n’ayant pas été faites comme il se doit. On leur en a privé. Eux aussi, doivent en avoir ras-le-bol.

///Article N° : 12456

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