Fiche Film
Cinéma/TV
MOYEN Métrage | 1988
Capitaine Thomas Sankara. Requiem pour un Président assassiné
Pays concerné : Burkina Faso
Durée : 45 minutes
Genre : politique
Type : documentaire

Français

À Ouagadougou, en octobre 1984, Thomas Sankara évoque les réalisations de la révolution burkinabè, la condition féminine, le développement économique, la conférence de Berlin et le partage de l’Afrique entre les puissances euroéennes en 1885, la période coloniale, la coopération, Amilcar Cabral et les luttes de libération, l’identité culturelle et les cosmogonies africaines, les perspectives d’avenir pour le continent africain.
À Paris Germaine Pitroipa, une amie de Thomas Sankara, (NDLR plutôt une collaboratrice qu’une amie) qui fut l’une des premières femmes Haut Commissaire du Burkina Faso parle de la conférence entre les idées et les actes du président.
Le film est présenté par Marie Roger Biloa et conclu par Sennen Andriamirado.


Équipe du film
Interview de Thomas Sankara réalisé par Benedetto Manacorda
Reportage au Burkina Faso : Eric Dazin, Benedetto Manacorda, Didier Mauro, Jean Nocerra
Reportage en France : Marie Roger Biloa, Didier Mauro, Danièle Séne, Pierre Goetschel, Frederic Pfohl
Musique : Orchestre « Les Ambassadeurs »


Commentaires

Le film est construit autour d’une longue interview de Thomas Sankara et d’interventions de Germaine Pitroipa qui a été Haut Commissaire dans Province de Kourittenga à Koupéla pendant la Révolution.

Cette interview filmée réalisée par Benedetto Manacorda dénote par rapport à ce que l’on peut voir d’habitude lorsque ce genre d’exercice est réalisé par des journalistes omnubilé par la soif d’obtenir un scoop ou soucieux de déstabiliser l’interviewé. Rien de cela ici, on sent ici que Thomas Sankara est détendu, qu’il prend le temps de s’expliquer longuement.

Il détaille ce qu’il appelle les objectifs très pragmatiques à savoir donner à chacun le minimum vital, manger, se loger, se vêtir, s’instruire mais aussi développer ses capacités culturelles.

Mais ajoute-t-il « le plus important c’est le fait d’avoir amené le peuple à avoir confiance en, lui. Il peut s’asseoir et construire son avenir et déterminer les moyens pour y parvenir ».

Une autre partie tout à fait intéressante est consacrée à l’analyse des effets de la colonisation. Il s’appuie sur les pensée d’Amilcar Cabral « un peuple sans histoire, un peuple sans culture n’existe pas » pour insister sur la nécessité d’en faire un bilan sans omettre la responsabilité historique des africains, pour construire les relations avec les anciens colonisateurs sur de nouvelle base mais aussi pour que les nouveaux dirigeants ne se retranchent pas derrière l’histoire de leur pays pour cacher leur propres insuffisances.

Pour ceux qui ne connaissent Sankara que par son langage imagé et les images parfois simplistes qu’il met en avant dans certaines apparitions publiques pour frapper les esprits, on découvre là un Sankara intellectuel et cultivé, maniant la rhétorique avec brio, convaincant et pédagogique.

Germaine Pitroipa commente l’action de Sankara, essentiellement sur la question des femmes insistant sur sa stratégie consistant à frapper les esprits pour avancer. Elle rappelle quelques aspects essentiels de son action.

Les 2 interviews sont entrecoupées d’images montrant un dancing populaire (le prix des boites de nuit et des dancings populaires avaient été fixés à quelques centaines de FCFA, 500 FCFA je crois, supprimant les discriminations), les gens au travail, les retenues d’eau construites, de longues séquences sur la journée es hommes au marché, et des images de la vie de tous les jours.

Le film se termine sur les commentaires de Sennen Andiramirando, ancien grand reporter à Jeune Afrique aujourd’hui décédé, qui a entretenu des relations assez proches avec Sankara sur qui il a publié deux ouvrages dont l’un de son vivant.

Il y souligne la simplicité des objectifs de ses idées et des ses objectifs, donner à tous de quoi vivre dignement. Il explique sa popularité par le fait qu’il représente le dernier exemple d’une nouvelle race de Chef D’Etat africain et surtout qu’il appliquait ses principes de simplicité à lui-même et à sa famille. Il ne prenait que 2 repas par jour et non 3 pour montrer qu’il fallait vivre au niveau de la pauvreté du pays. Il termine en affirmant qu’il demandait des efforts trop importants et que les gens n’ont pas pu suivre le rythme qu’il a imposé au pays.

Ce film a certes été réalisé avec peu de moyen dans cette période difficile, peu après son assassinat, il n’en reste pas moins très émouvant.


Bruno Jaffré (www.thomassankara.net)
Partager :